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    18/11/2024

    Ils y vont depuis des années pour une manif locale

    Drapeaux nazis, croix celtiques et fumigènes : les vacances polonaises des néofascistes français

    Par Daphné Deschamps

    Plusieurs dizaines de néofascistes français se sont rendus à la « Marche pour l’indépendance » polonaise à Varsovie. Un rendez-vous de plus en plus prisé par les militants de la mouvance venus de toute l’Europe. StreetPress vous explique pourquoi.

    Sur la photo, une trentaine de militants d’extrême droite venus des quatre coins de la France posent derrière leurs drapeaux. Le cliché, pris le 11 novembre 2024, rassemble une petite partie de l’extrême droite néofasciste tricolore : il y a des Niçois d’Aquila popularis, des Savoyards de l’Edelweiss, des Auvergnats de Clermont non-conforme, ou encore des Parisiens du Groupe union défense (GUD) et leurs copains hooligans de la Jeunesse Boulogne. « Français raciste crew », écrit le néonazi Gwendal D. dans sa légende sur Instagram. Tous étaient présents à Varsovie, capitale de la Pologne, à l’occasion de la marche annuelle de l’indépendance, un grand événement célébré partout dans le pays. Voilà plusieurs années que plusieurs dizaines de néofascistes français se mettent en scène dans un « black bloc nationaliste ». Ils sont coiffés de cagoules ornées de croix celtiques, arborent des drapeaux bardés de soleils noir – un symbole ésotérique nazi – et craquent des fumigènes. Mais pourquoi ?

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    Sur la photo, une trentaine de militants d’extrême droite venus des quatre coins de la France posent derrière leurs drapeaux. Il y a des Niçois d’Aquila popularis, des Savoyards de l’Edelweiss, des Auvergnats de Clermont non-conforme, ou encore des Parisiens du Gud et leurs copains hooligans de la Jeunesse Boulogne. / Crédits : DR

    Des connexions locales

    L’événement nationaliste est organisé depuis 2010 et attire, en plus des Français, des militants néofascistes de toute l’Europe. Cette année, environ 100.000 personnes ont défilé dans Varsovie. Selon Przemysław Witkowski, chercheur et journaliste polonais considéré comme une référence sur l’extrême droite locale, les Français viennent en nombre via, entre autres, leurs liens avec le magazine néofasciste en ligne Szturm.

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    Vous avez remarqué le salut nazi au centre de l'image ? / Crédits : DR

    Lancé en 2014, Szturm fait régulièrement la promotion dans ses colonnes des groupuscules nationalistes-révolutionnaires français, mais aussi italiens, scandinaves ou ukrainiens, qui font également le déplacement pour s’insérer dans ce « black bloc nationaliste ». Le magazine était très connecté avec le Bastion social, éphémère mouvement néofasciste dissous en 2019 par le gouvernement français, et où s’étaient coulés Edelweiss, le GUD ou les ancêtres de Clermont non-conforme. Szturm est aussi très lié à son équivalent italien CasaPound ou encore le régiment ukrainien Azov, connu pour la présence de néonazis dans ses rangs. Le média chante les louanges d’un spiritualisme fasciste, ou d’un fascisme ultra-religieux, fait la promotion de la révolution islamique iranienne ou du Ku Klux Klan, dresse des louanges au IIIème Reich… La publication « défend aussi les saluts nazis, l’utilisation de la croix celtique, du faisceau fasciste ou de la swastika (la croix gammée) ».

    À l’origine lancée par des néofascistes, qui n’étaient que quelques centaines, la Marche de l’indépendance prend de l’ampleur au cours des années 2010, avec le soutien d’une droite ultra-conservatrice qui y a vu « un point de défense des “valeurs traditionnelles” », selon Przemysław Witkowski. « En Pologne, nous n’avons pas de cordon sanitaire contre l’extrême droite, et même plutôt le contraire », explique le chercheur. « Il y a une sorte de courroie de transmission, avec une diffusion qui passe de blogs ultra-radicaux à des éditorialistes de droite extrême. Ces derniers ont commencé autour de 2015 à soutenir cette marche par anti-communisme plus qu’autre chose. »

    « La marche a continué à grandir, a atteint plus de 20.000 participants, et après il y a eu un effet boule de neige. »

    Cette normalisation a atteint un point culminant en 2018, lors du centenaire de l’indépendance du pays. La droite populiste au pouvoir, le parti Droit et justice (le PiS), veut célébrer cet anniversaire, mais a peur d’être éclipsée par la marche nationaliste. « Ils ont mis la pression aux nationalistes les plus “modérés” pour nettoyer la marche, car ils ne voulaient pas de photos de ministres à côté de drapeaux suprémacistes dans la presse internationale », se souvient Przemysław Witkowski. « En 2018, le PiS a arrêté des leaders néofascistes sur la base de lois antiterroristes, pour empêcher la formation de son bloc. Depuis, ils revendiquent le nom de “black bloc nationaliste”, car ils considèrent que la marche n’est plus nationaliste, ou du moins pas assez à leurs yeux. » Pourtant, la plupart des slogans y sont racistes, voire suprémacistes. Avant l’arrivée au pouvoir des populistes de PiS en 2015, quelques heurts avec la police avaient eu lieu en marge de la manifestation, comme l’explique Przemysław Witkowski :

    « Sans aller jusqu’à l’émeute, les nationalistes avaient brûlé des installations aux couleurs arc-en-ciel, s’en étaient pris à des véhicules de journalistes, ou avaient tenté de mettre le feu aux portes de l’ambassade russe… »

    Depuis son institutionnalisation, la marche rassemble des centaines de milliers de manifestants dans toute la Pologne. L’année dernière, StreetPress s’était rendu à celle de Wroclaw, la troisième ville du pays, pour Kop, notre série sur les supporters de football les plus radicaux.

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    L'événement a été l'occasion pour les néofascistes français de rencontrer leurs homologues de toute l’Europe, entre militants d’Active club estoniens, lituaniens ou néerlandais, groupuscules suédois ou flamands… / Crédits : DR

    Weekend entre suprémacistes

    Les néofascistes français ont profité du week-end de trois jours pour rendre visite à leurs amis polonais, entre entraînements aux sports de combat, conférences et selfies poings levés au milieu du bloc nationaliste. Dans l’équipe, on pouvait retrouver les néonazis de Clermont non-conforme, les nationalistes-révolutionnaires d’Aquila popularis (Nice), de Valyor Chambéry (ex-Edelweiss), et un groupe d’Île-de-France rassemblé derrière un drapeau de Paris. Parmi eux, des militants du GUD récemment dissous, des hooligans néonazis de la Jeunesse Boulogne et des Pitbulls, et des randonneurs des Baroudeurs. Quatre groupes où les militants sont très liés les uns aux autres et aux frontières poreuses. À la coordination, on retrouvait Gwendal D., plus connu sous son pseudo « Kenneth », ancien militant du groupuscule néofasciste Lyon populaire parti combattre en Ukraine aux côtés du régiment Azov contre les troupes russes. L’occasion pour ce petit monde de s’afficher au milieu de symboles néonazis, mais aussi de rencontrer des néofascistes de toute l’Europe, entre militants d’Active club, lituaniens ou néerlandais, groupuscules suédois ou flamands…

    Outre les groupuscules français habitués aux violences, les Nationalistes – le parti pétainiste et néofasciste d’Yvan Benedetti – avait également annoncé sa présence, comme tous les ans, à ce qu’ils considèrent être « la plus grande marche nationale d’Europe ». Le parti ne tarit pas d’éloges sur son déplacement polonais entre conférence « sur l’avenir de l’Europe » et défilé aux côtés de militants polonais, tchèques, slovaques, italiens, hongrois, serbes, croates, grecs, lituaniens… Des louanges diffusées sur le canal Telegram de Forteresse Europe, sa liste aux élections européennes portée par l’avocat préféré des néofascistes, Pierre-Marie Bonneau.

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