Vendredi 28 mars, une vidéo commence à faire le tour des réseaux sociaux. On y voit un jeune homme à terre, le visage ensanglanté, entouré de plusieurs gros bras cagoulés. Ceux-ci font partie du service d’ordre qui entoure un tractage du syndicat d’extrême droite la Cocarde étudiante, sur le parvis de l’université de Nanterre (92). « Lâchez-le, il est en sang », s’exclame Assia, étudiante à Nanterre qui filme la scène. La jeune femme, porte-parole de Génération espoir dignité résistance (EDR), un mouvement antiraciste, décrit un parvis « quadrillé » par les militants de la Cocarde et leur service d’ordre, masqué, voire cagoulé. Quelques-uns sont équipés de gants coqués et de parapluies. « Certains étaient postés aux extrêmités comme des guetteurs, c’était oppressant dès la sortie du métro », raconte la jeune femme. Plutôt que de rentrer dans l’université, elle décide de rester prévenir les étudiants qu’il s’agit de tracts de la Cocarde, sous les invectives des militants d’extrême droite qui lui intiment de « rentrer en Palestine » et de « retourner se cacher ». Sofiane, l’étudiant passé à tabac, refuse le tract qui lui est tendu à la sortie du métro, et propose au militant de la Cocarde un tête-à-tête. « Ils se sont mis à cinq ou six sur lui pour le frapper », se souvient Assia, qui tente de les séparer, avant de commencer à filmer.
À la fac de Nanterre (92), des militants du syndicat d’extrême droite Cocarde sont entrain de violenter des étudiants.
— Zine-Eddine Messaoudi (@ZineeMessaoudi) March 28, 2025
Derrière les discours racistes, les actes finissent par ressurgir ! pic.twitter.com/Hu651goVOo
Quand elle sort son téléphone, Sofiane est au sol, maintenu par les poignets. « Dès qu’ils ont aperçu les téléphones, ils l’ont lâché, et certains d’entre eux ont commencé aussi à filmer. » Manon Margulici, responsable de la section de Paris II Panthéon-Assas de la Cocarde, et Johanna Ruiz, porte-parole de la section bordelaise, piles de tracts à la main, sont en première ligne pour enregistrer, intimant aux étudiants qui se sont approchés de se « casser ». Plus loin, le président de la Cocarde, Édouard Bina, connu pour ses accointances néonazies, n’intervient pas. L’un de ses militants, tout sourire, invective Sofiane : « T’as voulu jouer, t’as perdu, tu l’as eu ton 1V1 », lance-t-il, moqueur, au jeune homme. Dans un communiqué, l’université de Nanterre évoque « des actes de violence » commis par « des individus au visage couvert » contre un de ses étudiants, « dénonce fermement cette agression » et « condamne toute forme de violence ».
Des visites écourtées
Une bonne partie des militants d’extrême droite présents ne sont pas Franciliens. Ils ont fait le déplacement pour assister au colloque « contre le wokisme », que la Cocarde organise pour ses dix ans le lendemain, en présence de nombreux soutiens de l’organisation, comme les eurodéputés Pierre-Romain Thionnet (accessoirement ancien président de l’organisation étudiante), Marion Maréchal-Le Pen et Sarah Knafo, la députée identitaire Anne Sicard, cadre de l’Institut Iliade, l’identitaire Philippe Vardon, plusieurs membres du collectif Némésis, le président de SOS Chrétiens d’Orient et assistant européen Charles de Meyer, l’ancien candidat RN pro-russe Pierre Gentillet ou encore l’intellectuel de la Nouvelle droite François Bousquet.
URGENT. « Tout le monde déteste les fachos » : 70 étudiant·es sont sortis de cours pour virer l’extrême-droite, venue à 30 faire un coup de com’ avec un gros service d’ordre pour intimider les étudiant·es à Tolbiac !
— Révolution Permanente (@RevPermanente) March 27, 2025
Extrême-droite hors de nos facs ! ⤵️ pic.twitter.com/E9tMElsH85
Mais quitte à être en région parisienne, autant prêter main-forte à leurs camarades d’Île-de-France. Jeudi matin, ils se sont rendus au centre Pierre Mendès-France, dit « Tolbiac », de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, accompagnés d’une équipe de tournage du média d’extrême droite VA+, et d’un service d’ordre masqué, au sein duquel se trouvaient plusieurs militants de la Cocarde Bordeaux ou Assas. Leur visite est raccourcie par plusieurs organisations de gauche qui s’opposent à leur présence. Vendredi matin, avant de se rendre à Nanterre, les militants de la Cocarde tentent d’aller tracter devant l’université Paris 8 Saint-Denis. Là encore, le passage est écourté : la Cocarde accuse un étudiant d’« ultra-gauche » d’avoir menacé ses militants avec une arme à feu et a déclaré avoir porté plainte. Plusieurs syndicats étudiants de Paris 8 ont déclaré dans un communiqué unitaire « qu’aucun acte de ce type – qui n’a évidemment rien à voir avec [leurs] méthodes – n’a été observé ». Une arme à feu, potentiellement factice, a bien été retrouvée par des policiers dans une gouttière de l’université, comme en atteste une vidéo diffusée par la Cocarde sur les réseaux sociaux. Contactés, le parquet de Bobigny et la préfecture de police n’ont pas donné suite à nos sollicitations au sujet de cette arme ou de la plainte déposée par la Cocarde.
Nos militants menacés par ARME À FEU à St-Denis ce matin par un militant d’ultra-gauche !
La police a récupéré l’arme. Nous avons l’identité de l’individu et nous déposons plainte.
MBrunoRetailleau</a> agissez vite contre les milices d’ultra-gauche avant un drame ! <a href="https://t.co/63uxolvNNY">pic.twitter.com/63uxolvNNY</a></p>— La Cocarde Étudiante (
CocardeEtud) March 28, 2025
Contactés, la Cocarde étudiante, le parquet de Bobigny et le parquet de Nanterre n’ont pas donné suite à nos sollicitations.