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    10/04/2025

    Logements insalubres, salaires de misère et passeurs

    Un agriculteur de la Coordination rurale accusé de trafic d’êtres humains

    Par Lina Rhrissi , Samuel Alerte , Matthieu Bidan , Caroline Varon

    Dans le Lot-et-Garonne (47), deux travailleurs marocains auraient porté plainte pour traite d’êtres humains chez un producteur de pommes, élu du syndicat agricole proche de l’extrême droite.

    « Mon âme est malade, il faut que ça se termine. Je ne veux plus travailler ici », souffle Mohammed en dialecte marocain, devant nos caméras, le 27 janvier 2025, à Villeneuve-sur-Lot (47). Malgré la peur, le cueilleur de pommes a accepté d’ouvrir sa porte une fois la nuit tombée pour nous montrer les conditions de vie qu’il supporte plusieurs mois par an, depuis 20 ans. La toiture du taudis risque de s’effondrer, les déjections de souris maculent les surfaces, et l’humidité rend l’atmosphère irrespirable. À quelques pas de là, une affiche « Foutez-nous la paix, Laissez-nous travailler ! » de la Coordination rurale (CR) est collée au mur qui mène aux toilettes extérieures en piteux état.

    Mohammed et trois autres Marocains dénoncent la traite d’êtres humains qui serait en cours depuis des années dans cette exploitation du Lot-et-Garonne détenue par Alain Aunac, un élu de la CR, syndicat agricole proche de l’extrême droite. Ils seraient deux à avoir porté plainte.

    Un système d’escroquerie aurait également été mis en place par des intermédiaires marocains qui auraient demandé 14.000 euros à chaque victime en échange d’un contrat de travailleur saisonnier délivré par le ministère de l’Intérieur. (1) StreetPress a pu consulter de nombreux documents, vidéos et enregistrements audio qui étayent la version des témoins.

    Une vie marocaine sacrifiée pour des pommes françaises

    À 39 ans, celui que tout le monde surnomme « Java » a le sentiment d’avoir vécu en enfer la moitié de sa vie, et de se retrouver sans rien tandis que l’exploitant s’est enrichi :

    « Le jour où je suis arrivé ici, il n’y avait encore rien. Maintenant, il y a des nouvelles machines, la ferme est deux fois plus grande… Le patron n’aurait jamais travaillé comme je l’ai fait. »

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    Java a sacrifié sa vie pour des pommes françaises. / Crédits : Samuel Alerte / Matthieu Bidan

    Après deux décennies de travail acharné pour l’exploitation d’Alain Aunac, il n’arrive pas à subvenir aux besoins de sa femme et de ses parents qui comptent sur lui au pays. Son père, ancien ouvrier agricole lui-même, est atteint d’une infection à la jambe coûteuse en frais médicaux qu’il n’arrive pas à rembourser. « Tout ça, ça fait mal. Je n’arrive plus à dormir la nuit », explique-t-il, épuisé. Il évoque des difficultés à respirer au réveil liées à l’insalubrité du lieu. En février 2025, il aurait porté plainte auprès du procureur de Bordeaux pour traite d’êtres humains. (2)

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    Java a travaillé pendant 20 ans pour l’exploitation d’Alain Aunac. / Crédits : Samuel Alerte / Matthieu Bidan

    Java n’avait pas encore la vingtaine lorsqu’il a, en 2005, quitté pour la première fois son village de Bouzemlane, dans la province rurale de Taza au Nord du Maroc pour atterrir en France. De l’aéroport, il a directement été conduit à la ferme pour commencer la récolte de Pink Lady et de Granny. Depuis, le Marocain est revenu chaque fin d’été pour trois à quatre mois, puis six mois. « Je jouais avec le fils du patron quand il était encore bébé », se remémore-t-il. Sur ses dernières fiches de paie, que StreetPress a pu consulter, sa rémunération est de 11,65 euros brut de l’heure, montant du salaire minimum. En réalité, il affirme qu’Alain Aunac ne l’aurait payé que 4,57 euros de l’heure jusqu’en 2019, puis 5 euros de l’heure depuis, sans que les innombrables heures supplémentaires ne soient comptabilisées, ni ses billets d’avion pris en charge.

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    L’humidité du lieu empêche leurs vêtements de travail de sécher. Cet hiver, la plus grande bicoque, qui accueille 18 couchages, aurait été privée de chauffage. / Crédits : Caroline Varon

    Esclavage moderne dans le Lot-et-Garonne

    L’ouvrier agricole et ses collègues s’épuisent parfois plus de 10 heures par jour, même sous la pluie, six jours par semaine, les jours fériés et souvent le dimanche. « Je suis cueilleur, tractoriste, magasiner… Il y a des jours où je finis à minuit », déroule Java, qui a un rôle d’homme à tout faire, en raison de son ancienneté :

    « Une fois, pendant les quatre mois de travail, j’ai eu que deux jours de repos. »

    Leur employeur ne leur aurait fourni aucune protection contre le froid ou les pesticides aspergés en leur présence. Les parcelles, qui ne sont pas entretenues, regorgent d’ornières dangereuses où la boue monte jusqu’aux genoux et les roues des tracteurs se coincent.

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    « Une fois, pendant les quatre mois de travail, j’ai eu que deux jours de repos », dénonce Java. / Crédits : Caroline Varon

    Après leurs journées harassantes, les Marocains s’entassent dans trois bâtisses insalubres. Ils sont une trentaine au fort de la saison. Les trois douches crasseuses n’ont pas toujours de pression. L’humidité empêche leurs vêtements de travail de sécher. Cet hiver, la plus grande bicoque, qui accueille 18 couchages, aurait été privée de chauffage. « Certaines nuits, les rats montent sur l’interrupteur et allument la lumière », frisonne Java, qui y dort seul depuis quelques jours au moment de notre rencontre. Il était alors le dernier Marocain de la saison présent sur l’exploitation. Les autres, censés repartir en février, ont été renvoyés chez eux précocement.

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    Après leurs journées harassantes, les Marocains s’entassent dans trois bâtisses insalubres. / Crédits : Samuel Alerte / Matthieu Bidan

    Des contrats validés par le ministère de l’Intérieur

    Avant de venir faire leur saison infernale dans le Lot-et-Garonne et de voir leurs droits bafoués, tous ont pourtant bien signé un document légal en bonne et due forme. Une autorisation de travail chez l’employeur Alain Aunac, tamponnée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) de Casablanca. C’est cet organisme, rattaché au ministère de l’Intérieur depuis 2010, qui délivre les contrats de travailleurs saisonniers, de plus en plus nombreux depuis la pandémie de Covid-19. En 2023, environ 15.000 saisonniers seraient venus du Maroc, selon des chiffres du Monde, dans une grande majorité des hommes, dans le secteur agricole. Ces titres de séjour, valables trois ans à la condition de retourner au Maroc chaque année, rendent ces salariés particulièrement dépendant de leurs employeurs. La géographe au CNRS Béatrice Mesini décrypte :

    « Les saisonniers doivent donner entière satisfaction sinon, ils ne sont pas reconduits l’année d’après. Or, ils font vivre plusieurs personnes au pays et les patrons le savent. C’est ce qu’on appelle une “discrimination de précarité socio-économique”. Ils deviennent des travailleurs de seconde zone à qui l’on donne moins de droits qu’aux autres. »

    La chercheuse spécialiste de ces migrations saisonnières ajoute que les contrôles restent insuffisants : moins de 10% des exploitations agricoles sont inspectées.

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    De l’aéroport, Java a directement été conduit à la ferme pour commencer la récolte de Pink Lady et de Granny. / Crédits : Samuel Alerte / Matthieu Bidan

    Rêve d’Europe à 14.000 euros

    Quitte à ce que les dérives aillent encore plus loin. En janvier 2025, Ahmed (3), 27 ans, se serait décidé, le premier, à porter plainte pour traite d’êtres humains auprès du procureur du tribunal judiciaire de Bordeaux après sa saison chez Alain Aunac. Le vingtenaire qui a grandi à Oujda, dans le Nord du Maroc, était peintre en bâtiment. En mars 2022, une connaissance lui parle de la possibilité d’aller travailler trois saisons dans le Sud de la France. Pour l’Oujdi de milieu modeste, c’est l’opportunité rêvée de gagner sa vie et d’aider sa famille : le salaire minimum français étant plus de cinq fois supérieur au marocain. Il se rend dans la ville voisine de Berkane pour rencontrer un certain Saïd J., l’un des deux intermédiaires, qui tient le rôle de rabatteur au Maroc. « Il m’a dit que le salaire était bon, que le logement était bien et qu’on pouvait même emprunter la voiture du patron pour partir en ville acheter des choses », se remémore le jeune homme floué. Mais Saïd J. lui aurait demandé de réunir 145.000 dirhams, soit 14.000 euros, en deux semaines, pour profiter du filon :

    « J’ai essayé de négocier, mais il m’a dit non. Puis il m’a mis la pression par téléphone en me disant que plusieurs personnes lui proposaient plus d’argent que moi. »

    Ahmed se résout à brader 8.000 euros un terrain qu’il a hérité de son grand-père. Il emprunte le reste à deux proches. Il s’achète lui-même ses billets de bus et de ferry pour se rendre dans le Midi. Sur place, un autre intermédiaire, Mimoune A., qui est le cousin de Java, les prend en charge. Ce dernier est le seul ouvrier agricole marocain de l’exploitation qui parle couramment le français. Selon nos témoins, il instaurerait un climat de peur dans une ferme qu’il leur est impossible de quitter puisqu’ils n’ont pas de moyen de locomotion.

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    Moins de 10% des exploitations agricoles sont inspectées. / Crédits : Samuel Alerte / Matthieu Bidan

    D’août à novembre 2022, Ahmed vit un cauchemar éveillé : « Tout était faux. » Il découvre la promiscuité à six dans la même pièce, le manque de sommeil et d’hygiène. Il doit se trouver des gants pour travailler, une couverture pour dormir… « J’ai vécu une période de fou. Jamais je n’oublierai. » Pour son avocat Quentin Debril, l’escroquerie qu’a vécue Ahmed est loin d’être un cas isolé :

    « Mon client a été approché par des personnes qui lui ont vendu une forme d’Eldorado pour le convaincre de quitter son pays d’origine en donnant tout ce qu’il avait. Finalement, ils exercent un contrôle total sur lui et le réduisent à la condition d’objet, avec une utilité uniquement économique. »

    Java confirme le prix des contrats, qui aurait permis à son cousin Mimoune A. de s’enrichir au Maroc. Lui n’a pas payé. Ce n’est pas tant parce qu’ils ont des liens de sang que parce qu’à son époque, le racket n’avait pas encore été mis en place. Joint par la messagerie WhatsApp, Farid (3) témoigne également avoir déboursé 14.000 euros pour un contrat de travailleur saisonnier chez Alain Aunac en 2022. « Ce n’était pas facile. Il faisait très froid, on travaillait le samedi, le dimanche… » Le Marocain de 30 ans ramasse des légumes dans la région d’Alicante pour rembourser sa dette et espère obtenir des papiers espagnols.

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    Java confirme le prix des contrats, qui aurait permis à son cousin Mimoune A. de s’enrichir au Maroc. / Crédits : Samuel Alerte / Matthieu Bidan

    Dans une conversation téléphonique enregistrée, consultée par StreetPress, les victimes demandent au rabatteur Saïd J. de leur rembourser au moins 7.000 euros.

    Sophie (3), ouvrière agricole pendant trois ans et demi dans les vergers d’Alain Aunac, a senti la colère monter dans son ventre quand elle a compris que son collègue Ahmed et six autres Marocains avaient payé 14.000 euros chacun pour venir. « Au début, je n’y croyais pas. Je me disais qu’ils avaient peut-être payé cette somme à sept », relate-t-elle. La Française de 49 ans, qui n’aurait pas été renouvelée par Alain Aunac après avoir dénoncé le traitement des Marocains, décrit une hiérarchie en fonction de la nationalité sur l’exploitation :

    « Moi j’étais payée au SMIC. Ma collègue portugaise aussi mais travaillait plus. Et les Marocains étaient payés cinq euros de l’heure et travaillent encore plus. »

    StreetPress a essayé d’entrer en contact avec Mimoune A. et Saïd J., sans succès.

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    « Les Marocains étaient payés cinq euros de l’heure et travaillent encore plus », dénonce Sophie. / Crédits : Caroline Varon

    La faim gronde dans les vergers

    Un salaire de misère qui tombe au compte-gouttes. « Au bout de trois mois et demi de travail, je n’avais pas été payé. J’avais juste reçu des acomptes de 50 euros et 100 euros pour faire des courses ! », s’indigne Ahmed. Les Marocains recevraient du liquide, au compte-goutte, avec la promesse de recevoir leur maigre salaire à la fin de la saison. Ces derniers temps, c’est Maryse Aunac, la sœur de l’élu syndical, qui gérerait sa comptabilité. Java décrit leurs interactions :

    « Elle parle comme si elle nous faisait des dons. On se retrouve à avoir honte d’aller réclamer notre dû. »

    Il se souvient de cette fois où, en 15 jours, leur employeur n’a donné que 50 euros à la chambrée de six. « On a partagé, mais tout est cher ici », rappelle Java.

    « Personne n’ose demander plus parce que celui qui se plaint risque de se faire exclure de l’exploitation. »

    Pour essayer de manger à leur faim, les Marocains se sont mis à pétrir leur propre pain. StreetPress a pu se procurer une vidéo dans laquelle Maryse Aunac fait la distribution des sommes en liquide allant jusqu’à 200 euros aux ouvriers.

    Un quatrième témoin que nous avons interrogé via WhatsApp, Miloud (3) atteste de l’exploitation d’Alain Aunac qu’il aurait vécue un an plus tôt, lors de la récolte de 2021. Nous avons pu consulter son autorisation de travail Ofii. « Je ne serais jamais venu si j’avais su », dit-il. Lui se serait tué à la tâche dans les vergers pour… rien. Comme Java, il est un cousin de Mimoune A., et n’a pas payé pour son contrat. Originaire de Berkane, il a débarqué à Villeneuve-sur-Lot en 2005 et comprend rapidement qu’il ne sera pas payé au tarif légal en France, contrairement à ce qu’indiquent ses fiches de paie. Miloud assure :

    « Il nous donnait de l’argent selon la consommation de chacun, mais ça ne dépassait jamais 50 euros. »

    Il estime que le producteur lui a versé au total 750 euros en liquide. En novembre, au bout de quatre mois de travail, le Marocain de 25 ans a dû rentrer précipitamment au Maroc pour aider son père atteint du Covid. « Mimoune m’a dit : “Je t’enverrai l’argent”, et il ne me l’a pas envoyé. Je n’ai pas touché l’argent. »

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    À Villeneuve-sur-Lot (47), deux travailleurs marocains auraient porté plainte pour traite d’êtres humains chez un producteur de pommes, élu du syndicat agricole proche de l’extrême droite. / Crédits : Caroline Varon

    La rébellion d’Ahmed

    C’est sans doute parce qu’il a vu ses compatriotes se rebeller que Java a finalement décidé de prendre la parole lui aussi. En octobre 2022, après plus de plusieurs mois de cueillette sans être payé, Ahmed, qui maîtrise les bases du français, a décidé de mener une fronde avec ses cinq colocataires. Les Marocains ont profité de l’absence de Mimoune A., en voyage au royaume à cause de problèmes personnels, pour aller voir leur patron français dans son bureau. « Je lui ai dit que je ne voulais pas être payé si peu, car ce n’est pas le SMIC français », rembobine la tête brûlée :

    « Il m’a répondu qu’il disait à Mimoune d’aller lui chercher des pauvres au Maroc et qu’il payait toujours cinq euros. »

    Quand Ahmed lui aurait parlé des 14.000 euros du contrat, l’exploitant aurait rétorqué que ce n’était pas son problème et qu’il n’avait qu’à « porter plainte au Maroc ». Une version confirmée par Sophie. Lorsque la quadra a voulu alerter Alain Aunac au sujet de l’extorsion subie par ses ouvriers, il aurait répondu :

    « Je ne suis pas au courant. Ça ne me regarde pas. »

    Après avoir menacé de se rendre à la gendarmerie, Ahmed et ses acolytes parviennent à obtenir la promesse d’un salaire à neuf euros de l’heure. Ils repartent au bout de quatre mois avec 6.000 euros en poche. En représailles, Alain Aunac aurait prévenu le groupe des six qu’il ne les renouvellerait pas l’année suivante. L’Oujdi retrouve un job dans la foulée. Il est désormais en CDI dans son entreprise de BTP. Mais, en novembre dernier, Ahmed a reçu une obligation de quitter le territoire (OQTF) en réponse de sa demande de titre de séjour salarié, pour lequel il a fait un recours :

    « J’ai décidé de rester parce que j’ai tout perdu au Maroc. »

    Un patron voyou élu à la sécurité sociale agricole

    Cette année, c’est un accident dans les vergers de Villeneuve-sur-Lot qui a fini de pousser à bout la Française Sophie. Un ouvrier affamé serait tombé d’une échelle. « Ça faisait quatre jours qu’il était couché sur le dos et que personne ne faisait rien », raconte-t-elle. L’ouvrière agricole parvient à convaincre Mimoune A. de l’emmener aux urgences. Mais quand elle retourne à l’hôpital pour déclarer son accident de travail, le personnel lui annonce que les droits du Marocain n’ont pas été renouvelés.

    Alain Aunac a pourtant des raisons de connaître les droits de ses travailleurs. Depuis 2020, l’agriculteur de 64 ans est élu de la Coordination rurale au collège des exploitants agricoles et retraités de la Mutualité sociale agricole (MSA) locale. La « CR47 » a de nouveau investi le candidat Alain Aunac pour les élections à venir, les 5 et 16 mai prochains (4). Le Lot-et-Garonne est le fief de ce syndicat agricole proche de l’extrême droite. Les intimidations et violences de ses membres imposent une véritable omerta. « Ici, tu as forcément un pote ou un cousin à la CR. Alors personne n’ose contester », se désole Arthur (3), jeune agriculteur du département.

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    Une affiche « Foutez-nous la paix, Laissez-nous travailler ! » de la Coordination rurale (CR) est collée au mur qui mène aux toilettes extérieures en piteux état. / Crédits : Samuel Alerte / Matthieu Bidan

    À LIRE AUSSI : La Coordination rurale, un syndicat à l’extrême droite du monde agricole

    La MSA Dordogne-Lot-et-Garonne (5), au sein de laquelle siège Alain Aunac, est l’organisme qui gère la protection sociale des professionnels de l’agriculture, salariés compris. Son mandat n’aurait pourtant pas empêché Alain Aunac de balancer, devant ses saisonniers, selon Java :

    « Les Marocains, ce sont des ânes. Quoi qu’on leur demande, ils le font. »

    Joint par téléphone, Alain Aunac a répondu à nos questions sur les salaires en dessous de la légalité et les logements indignes de ses saisonniers par de répétitifs : « Ouais, et alors ? »

    Selon plusieurs témoins, le patron aurait des problèmes de santé depuis plusieurs années, ce qui expliquerait en partie une gestion chaotique de l’exploitation. Maryse Aunac nous a quant à elle assuré au bout du fil que les saisonniers étaient rémunérés au montant des fiches de paie et qu’« au départ, ils étaient dans une maison neuve ». La sœur de l’agriculteur a clos la conversation en lançant :

    « Je réponds quand c’est la police qui m’interroge, quand c’est un juge. »

    Selon des SMS que nous avons pu consulter, le vice-président de la MSA Dordogne-Lot-et-Garonne (5) a été informé des conditions de travail au sein de l’exploitation d’Alain Aunac dès novembre 2024, sans réagir pour autant. Contacté, l’organisme n’a pas souhaité donner suite.

    Également contactée par StreetPress, la Direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations du Lot-et-Garonne (DDETPS47) nous informe que le producteur de pommes aurait été contrôlé par l’inspection du travail en 2019. L’employeur aurait simplement fait l’objet d’un rappel concernant des heures supplémentaires non payées.

    (1) Contacté, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), organisme rattaché au ministère de l’Intérieur, n’a pas donné suite.

    (2) Contacté, le parquet de Bordeaux n’a pas souhaité confirmer la réception des plaintes de Mohammed et Ahmed (3).

    (3) Le prénom a été modifié.

    (4) Pour ce second mandat, Alain Aunac n’est plus candidat de la Coordination rurale au sein du collège des « exploitants agricoles et retraités » mais au sein de celui des « employeurs de main-d’œuvre ».

    Illustration de Une par Caroline Varon.

    Edit le 10/04/2025 à 17h41 : Il s’agit de la MSA Dordogne-Lot-et-Garonne et non pas de la Bourgogne comme écrit par erreur.