Elle n’est pas encore grande, mais plus vraiment petite non plus. À la sortie de son école du 19e arrondissement de Paris, Hawa, comme toutes les adolescentes de son âge, refait le match de la journée avec son groupe de copines. Mais pas trop longtemps. Ce soir, elle en a un autre à jouer, à quelques centaines de mètres d’ici, au gymnase Archereau. Comme tous les mercredis soir, elle se rend à son entraînement de dodgeball. Ce soir-là, l’entraîneur, bien qu’en convalescence, a fait le déplacement pour annoncer aux benjamins du club une nouvelle importante. Au mois de mai, les meilleurs joueurs prendront la route de la Gironde pour participer au challenge national. Il faudra se battre pour décrocher sa place. Comportement irréprochable. Une participation de 30, 35 euros maximum par enfant. Le regard vague, Hawa ne se projette pas. Le dodgeball, elle aime bien, « mais pour s’amuser ». Elle dit perdre toujours la première, et que ce n’est pas grave. Au fond, elle a peut-être déjà beaucoup gagné.
Hawa avant son entrainement de dodgeball. / Crédits : Nnoman Cadoret
Comme tous les soirs, elle s’engouffrera ensuite dans les tunnels du métro direction la gare du Nord, puis le RER jusqu’à Bourg-la-Reine (92), où elle réside dans un centre pour demandeurs d’asile depuis l’évacuation du tunnel du Pré-Saint-Gervais, en décembre 2021. C’est dans la cuisine partagée de l’immeuble qu’elle a soufflé sa 11e bougie en compagnie de sa famille et des autres occupants de son immeuble. À ses côtés, une toute nouvelle venue, Aïcha, née durant l’été à l’hôpital Lariboisière. Une petite sœur dont elle prend soin, et surveille les premiers gestes avec attention.
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Hawa fête son anniversaire avec sa famille. / Crédits : Nnoman Cadoret
Hawa et sa petite sœur Aïcha. / Crédits : Nnoman Cadoret
Sous ses airs d’adolescente nonchalante, Hawa observe tout, retient tout, et est devenue plus avare en confidences. Une après-midi, au début de l’été, elle tue le temps et fait défiler les filtres sur Snapchat. Est-ce qu’une marguerite s’est affichée sur l’écran, ou bien en avons-nous dessiné une sur le carnet qu’elle rangeait dans son cartable ? Toujours est-il que nous reparlons soudain de cette après-midi du mois d’avril, lorsque nous nous amusions dans un square près des Buttes-Chaumont à en ôter les pétales. « Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie ».
- « Tu te rappelles ? Tu n’arrivais jamais à te souvenir du bon ordre. »
- « Parce que ce n’était pas important ».
Hawa et sa copine font des roulades dans l'herbe. / Crédits : Nnoman Cadoret
Mais qu’est-ce qui est important, au juste ? Hawa semble déçue qu’on ne le devine pas. Soudain, une lueur de malice vient réveiller ses yeux noirs. « De toute façon, moi je lis dans les coeurs. Je sais exactement ce qu’il y a dedans. Et plus j’aime bien quelqu’un, plus je peux dire ce qu’il y a dedans ». Peut-être que c’est ça, quelque chose d’important.
Hawa, la malicieuse. / Crédits : Nnoman Cadoret
Hawa devant sa nouvelle maison. / Crédits : Nnoman Cadoret
Il y a un an, Hawa ne rêvait que d’une chose : aller à l’école. Très vite, les réveils à 7 heures du matin et la litanie des transports en commun ont eu raison de son enthousiasme. Puis il y a les autres. De ses camarades, Hawa en parle peu – peut-être parce qu’elle leur parle peu. Lorsqu’est évoqué par sa maîtresse le projet de partir en classe verte, elle décline. « Je ne veux pas, c’est tout ». Hawa lit peut-être dans les cœurs des autres, mais ne laisse pas grand-monde accéder au sien. Elle changera finalement d’avis au dernier moment, et s’en ira pour trois semaines à la montagne. Au programme, vélo, randonnées, et baignade dans les lacs. Lorsqu’elle revient, elle prononce cette phrase qu’a prononcé au moins une fois dans sa vie tout enfant parti en vacances en traînant des pieds : « Dommage qu’on soit rentré ».
Photos prises par Hawa avec son appareil jetable pendant sa classe verte. / Crédits : Hawa
Il y a un an, Hawa ne rêvait que d’une chose : aller à l’école. / Crédits : Nnoman Cadoret
Lorsque notre chemin a croisé pour la première fois celui d’Hawa, elle était une petite fille qui rêvait d’avoir un dauphin, qu’elle appellerait Michou et qu’elle pourrait emmener en carriole à la piscine. Un an plus tard, elle a fait tresser ses cheveux, porte un bandana blanc et une longue doudoune noire. Au milieu de son groupe de copines, qu’elle dépasse toutes d’une dizaine de centimètres, elle est devenue une pré-ado presque comme les autres. Sa maîtresse, le jour des vacances d’été, le déplorait un peu : trop souvent sur son téléphone, trop de fascination pour les stars de télé-réalité. Ce soir de janvier à la sortie des cours, le dauphin Michou semble loin. La piscine, beaucoup moins : elle y a passé une partie de l’après-midi avec ses camarades de classe.
Hawa sort de l’école avec un grand sourire, le jour de sa rentrée. / Crédits : Nnoman Cadoret
Hawa, fière, après sa première journée d'école. / Crédits : Nnoman Cadoret
Hawa sur son vélo. / Crédits : Nnoman Cadoret
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