Mercredi 11 octobre 2023, le Gud est de sortie. Après un bref tractage qui sert d’opération de com’, une dizaine de militants du syndicat étudiant violent d’extrême droite posent devant « Tolbiac la rouge ». Quatre jours après l’offensive du Hamas et la contre-attaque israélienne, ils affichent aussi un soutien non dissimulé à la cause palestinienne : un des militants porte un maillot de foot aux couleurs de la Palestine tandis que Paul-Alexis Husak – figure du groupe, arrêté en décembre 2022 après avoir participé à une tentative de ratonnade, le soir de la demi-finale de Coupe du monde France-Maroc – porte un keffieh noir et blanc autour de son cou.
Sur une photo du Gud à Tolbiac, un des militants porte un maillot de foot aux couleurs de la Palestine tandis que Paul-Alexis Husak – figure du groupe, porte un keffieh noir et blanc autour de son cou. / Crédits : StreetPress
Un tel paradoxe s’explique par la loyauté des gudards à la doctrine nationaliste-révolutionnaire (NR) sur le sujet. Pour Christian Bouchet, figure tutélaire de la mouvance, « le soutien à la Palestine rentre dans une sympathie générale des NR pour certains courants arabes laïcs comme le Baas ou le PSN syrien, souvent fondés par des chrétiens ». Cette sympathie des NR pour la cause palestinienne a été, entre autres, le fait de François Duprat. Théoricien de la mouvance et ancien numéro deux du Front National (FN), il a œuvré, à la fin des années 1960, à la construction d’un antisionisme d’extrême droite – largement imprégné d’antisémitisme dans son cas – en créant le « Rassemblement pour la libération de la Palestine », ou en entretenant des liens avec divers mouvements de libération palestiniens.
Ce visuel du groupe NR Lyon Populaire a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux, avec un texte appelant les nationalistes français à « prendre exemple sur un peuple qui se défend pour son identité et sa souveraineté ». / Crédits : DR
« À Paris comme à Gaza, Intifada »
Si le rôle de Duprat est important, ce tropisme pro-palestinien le précède. « Ça remonte au moins à Jeune Europe [mouvement d’extrême droite belge actif en 1962-1969] », retrace Bouchet, qui rappelle que le premier Européen à mourir dans les rangs palestiniens « était membre de ce mouvement ». C’est le Belge Roger Coudroy, qui meurt en 1968 aux côtés du Fatah et devient un martyr de la cause. Le cercle de réflexion lié au Gud a d’ailleurs réagi aux attaques du Hamas en citant un extrait de son recueil J’ai vécu la résistance palestinienne.
Mûs par une farouche opposition en public à l’impérialisme américain et au sionisme – qui se teinte régulièrement d’antisémitisme en privé –, les NR soutiennent majoritairement la résistance palestinienne, comme les militants de Lyon Populaire. Ces derniers jours, l’un de leurs visuels, « Ni islamisme, ni sionisme. Nationalisme » a beaucoup circulé, avec un texte appelant les nationalistes français à « prendre exemple sur un peuple qui se défend pour son identité et sa souveraineté » et conclut :
« Du Vieux Lyon à Gaza, Intifada. »
Un hommage non dissimulé à un slogan du Gud, « à Paris comme à Gaza, Intifada », apparu aux côtés du célèbre rat noir affublé d’un keffieh dans les années 1990.
Le slogan du Gud, « à Paris comme à Gaza, Intifada », apparu aux côtés du célèbre rat noir affublé d’un keffieh dans les années 1990. / Crédits : StreetPress
Les NR d’Animus Fortis, basés à Bourges (18), ont également soutenu la Palestine en détournant ce slogan. / Crédits : StreetPress
Les zids au chevet d’Israël
Chez les identitaires, c’est une autre histoire. Pour les tenants de la théorie du grand remplacement, désormais bien implantés au parti Reconquête d’Éric Zemmour, Israël est un avant-poste civilisationnel au Moyen-Orient soumis à la violence islamiste. Jouant sur la peur, dressant des parallèles avec le Bataclan, tous martèlent que, si rien n’est fait contre l’immigration, ce qui se passe actuellement en Israël est voué à se produire en Europe et en France. Pour un ancien cadre des zids, « les identitaires se sont notamment construits en rupture sur la question juive avec le reste de l’extrême droite radicale ». Ce dernier assume : « L’antisémitisme est une pathologie, plus qu’une idéologie. Et ce choix n’était pas simplement cosmétique : notre grille de lecture est civilisationnelle, nous sommes farouchement opposés à la barbarie islamiste qui menace Israël et plus largement notre civilisation. » Une position résumée sur Instagram par la porte-parole du collectif Némésis Alice Cordier :
« Aujourd’hui là-bas, demain chez nous. »
L’offensive du Hamas a même poussé le Rassemblement national à prendre fait et cause pour Israël. À l’Assemblée, la cheffe a annoncé faire de « la lutte contre l’hydre islamiste […] un enjeu majeur pour notre époque ». Une prise de position rapide qui marque un tournant pour le Rassemblement national (RN), fondé par d’anciens Waffen-SS et longtemps traversé par un antisémitisme non dissimulé, dans la lignée de François Duprat. Plusieurs de ses parlementaires, tout comme Éric Zemmour, ont d’ailleurs participé à la manifestation organisée par le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) dimanche 8 octobre 2023 en soutien à Israël.
Une troisième voie chez les fafs
Loin de cette guerre de chapelles entre NR et identitaires, certains renvoient dos à dos Israéliens et Palestiniens, ou plutôt juifs et musulmans dans leur vision, responsables de violences contre les chrétiens présents dans la région. D’autres vont plus loin, et défendent l’idée que la Palestine serait une terre chrétienne. C’est le cas des Vouivres, groupuscule mi-royaliste mi-NR dispersé dans l’Hexagone, qui a diffusé un visuel : « Ni mahométan, ni israélite – Jérusalem chrétienne ».
Les Vouivres défendent l’idée que la Palestine serait une terre chrétienne. Ce groupuscule mi-royaliste mi-NR a diffusé un visuel : « Ni mahométan, ni israélite – Jérusalem chrétienne ». / Crédits : StreetPress
Dans la même veine, le mot d’ordre « ni keffieh, ni kippa » regroupe, pêle-mêle, des militants – principalement royalistes et cathos tradis – prônant l’indépendance des nationalistes européens, militant pour la rechristianisation de la Terre sainte ou dénonçant le communautarisme en France. Tout un programme.
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