Erwan Kezzar est comme un coq en pâte quand il fait visiter à StreetPress l’entrepôt de 240m2, encore en plein travaux, qui accueillera « le camp d’entraînement » de « Simplon ». A deux pas du métro Croix-de-Chavaux à Montreuil, c’est ici qu’à partir du mois de septembre, 24 « jeunes des quartiers populaires » se formeront au développement web, pendant une session de formation de 6 mois.
Le pari de « Simplon » : que n’importe qui peut devenir développeur après une formation accélérée. « Le seul prérequis technique pour intégrer la formation, c’est de savoir maîtriser Word et Google », s’amuse Erwan Kezzar, un des 4 cofondateurs du projet.
Auto-formation StreetPress vous en parlait déjà en décembre : aux États-Unis, les projets pour se former tout seul à la programmation font un petit carton, de la « Code Cademy », site de e-learning aujourd’hui sponsorisé par la Maison Blanche, au « Dev Bootcamp », qui forme des développeurs en 9 semaines de cours intensif sur Ruby on rails.
C’est bien du côté des States et de la Silicon Valley qu’Erwan Kezzar et ses buddies sont allés chercher l’inspiration : « une de mes connaissances qui a fait Centrale a suivi le Dev Bootcamp à San Francisco. Même lui s’est aperçu que ce qu’il avait appris à l’école ne lui suffisait pas, alors qu’il a fait Centrale ! » C’est que dans le milieu des web agencies, être sorti d’une école n’est pas forcément un gage de savoir-faire. Philippe Clavaud, patron d’Agence Révolutions, une PME d’une vingtaine de salariés, explique ce qui fait tilt quand il doit recruter un développeur :
« Les autodidactes ont un avantage parce qu’ils ont fait des trucs à droite, à gauche. Les écoles t’apprennent une grammaire mais après il faut savoir écrire. Et ça, ça vient en se lançant sur des projets. »
Incubateur Les projets, c’est bien ce qui sera la marque de fabrique de « Simplon ». « Apprendre le code, on pourrait le faire en 9 semaines, c’est largement suffisant », insiste Erwan Kezzar, ancien étudiant en communication au Celsa. « Mais nous ce qu’on veut, c’est aussi avoir une fonction d’incubateur pour des projets de start-up qui peuvent apporter des solutions à des problèmes sociaux. »
Au programme de « Simplon » :
> 6 mois de cours intensifs. Les étudiants seront formés au HTML 5, à Ruby on rails et Java script. Des langages qu’ils apprendront simultanément en développant leur projet perso.
> Mais aussi des cours sur l’entrepreneuriat pour les rendre « complètement autonomes ».
Erwan Kezzar, en plein chantier
Les profs, ce sont les 4 fondateurs de « Simplon » qui ont tous été développeurs ou qui ont bossé dans la com’. Parmi eux, Frédéric Bardeau, professeur au Celsa et auteur de l’enquête « Anonymous, pirates informatiques ou altermondialistes ». « Simplon » mettra aussi à disposition son réseau de partenaires pour des interventions, comme les membres du club d’entrepreneurs « Les Entretiens de l’excellence ». La session de recrutement démarre début juillet.
Camps et foyers La veille de notre rencontre, Erwan Kezzar, 27 ans, est passé faire un coucou dans un camp de Roms à Saint-Denis pour demander s’il n’y avait pas « des jeunes branchés informatique » qui pourraient être intéressés par la formation. La semaine d’avant, bis repetita dans un foyer de travailleurs maliens de Montreuil. Plus souvent, c’est dans les Missions Locales qu’il se rend.
Le rêve de l’équipe de « Simplon », c’est en fait de dégoter des perles issues de milieux défavorisés qui pourraient créer des applications pour résoudre des problèmes qui touchent leur communauté. Pendant les 6 mois de formation, les étudiants mettront en application les techniques web enseignées sur un projet perso qui doit avoir une plus-value sociale. Ou prendront en main des projets avec des ONG partenaires. Erwan Kezzar donne des exemples de start-up qu’il aimerait voir éclore grâce à « Simplon » :
« Au Royaume-Uni par exemple, Apps For Good a fait une appli où il y a tout un package pour t’expliquer tes droits en cas de contrôle policier. Au Mexique, une autre permet de laisser des messages géolocalisés pour dénoncer des cas de corruptions. »
Ça en jette tout de suite plus !
Hype L’initiative de « Simplon » fait déjà parler d’elle dans les sphères de l’entrepreneuriat social et du numérique. Mardi 11 juin, c’était même Fleur Pellerin, la ministre déléguée à l’innovation qui jouait les VRP pour la start-up solidaire à la tribune d’un déjeuner-débat à la maison de la Chimie sur l’économie numérique. « Elle a parlé “d’une école web pour les décrocheurs”, même si ce n’est pas vraiment ce qu’on fait. On n’est pas sur de l’insertion », fait remarquer Erwan. C’est que du côté de gouvernement, « on suit et on encourage de très près ces initiatives », comme l’expliquait en décembre à StreetPress le cabinet de la ministre. « Simplon » de se sentir aussi « légitimé » par le projet cousin de Xavier Niel, « l’école 42 » qui forme 1.000 développeurs sans conditions de diplômes à l’entrée. « Quand on va vu ce projet un mois après qu’on ait lancé le nôtre, on était plus contents qu’autre chose », se souvient Erwan pour qui « Simplon » est dans l’air du temps.
Business model Les gentils entrepreneurs vont-t-ils concrétiser les espoirs du ministère de former au web « des jeunes issus de milieux défavorisés » ? Pour mettre toutes les chances de leur côté, ils ont mis au point un modèle qui doit permettre de rémunérer à hauteur de 80% du Smic leurs 24 étudiants pendant les 6 mois de formation. « On table sur des contrats de professionnalisation subventionnés par des fonds de formation pour les jeunes, des contrats d’alternance avec des ONG qui pourraient être intéressées par une appli et sur des bourses d’entreprises », confie Erwan Kezzar. « Si on veut attirer les jeunes des quartiers défavorisés, c’est essentiel de pouvoir les payer car ils ont déjà essuyé les plats pour des formations. La formation est intensive et ils n’auraient pas le temps de travailler à côté. »
Les 4 gus ont déjà séduit Intel comme sponsor tandis qu’un éditeur de logiciels serait prêt pour mettre des billes. La boite d’entrepreneuriat bénéficie aussi du soutien de la région Île-de-France, de La Fonderie et de la Ville de Montreuil. Mais de l’aveu du co-fondateur, il leur manque encore entre « 100.000 et 200.000 euros pour pouvoir faire vraiment bien leur boulot ». « On ne désespère pas d’avoir un chèque en blanc ! »
A moyen terme, l’immense entrepôt de « Simplon » ambitionne d’être un espace de coworking pour les start-up solidaires qui s’y sont formées, contre 5% des parts de ces sociétés. « Simplon » organisera aussi des sessions de formation payante pour les professionnels dès cet été. Les 240m2 accueilleront aussi tout un tas d’événements ayant trait à l’entrepreneuriat social et au numérique.
On n’est pas sur de l’insertion
bqhidden. Si on veut attirer les jeunes des quartiers défavorisés, c’est essentiel de pouvoir les payer
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