Quand y’en a plus, y’en a encore ! Brebis galeuses, moutons noirs, canards boiteux… Les métaphores animalières commencent à manquer pour désigner les collabs de députés Rassemblement national (RN) affligés de curriculums poisseux. Un bestiaire empoisonné qui fragilise la stratégie de la cravate tricotée par les chefs du parti pour respectabiliser leurs troupes parlementaires. Depuis la dissolution, dans le cheptel des assistants des 125 élus du groupe, les vers sont dans le fruit. Et pas qu’un peu, comme en témoignent les guillerets profils que StreetPress vient de débusquer.
L’anti-IVG et le pro-russe identitaire
Biberonnée aux slogans enracinés de la Cocarde Etudiante, Capucine Colombo revendique de pieuses convictions. Employée par Caroline Colombier et Gisèle Lelouis – députées RN de Charente et des Bouches-du-Rhône –, cette ancienne du lycée militaire d’Aix-en-Provence et de la fac d’Assas à Paris a aussi peaufiné sa formation au sein de l’Institut de sciences sociales, économiques et politiques (Issep) de Marion Maréchal-Le Pen. De quoi dérouler sans ciller la feuille de route de la parfaite soldate de l’extrême : préférence nationale dans l’octroi des bourses et des logements étudiants, hostilité au « gauchisme culturel » qui prospérerait partout dans les facs…
Mais c’est au chapitre de la natalité que cette fervente militante lâche ses coups. Dans un texte probablement écrit au printemps 2022 et toujours en ligne sur le site de la Cocarde, elle fustige la récurrence du « discours anti-enfants », regrette le temps d’avant où « la fécondité était honorée et célébrée » et diabolise le mouvement « child-free » qui pousse les femmes à la stérilisation, les hommes à la vasectomie. À l’évocation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), l’exaltée des couches culottes hausse le ton :
« À force de céder du terrain sur les conditions d’accès à l’avortement, il est désormais banalisé. Et si la bête infernale “pro-choix” n’est pas abattue, demain, l’IVG sera un moyen de contraception comme un autre. »
Elle écrit également : « Comme on retire une tumeur à un malade, on retire “l’embryon”, le “fœtus” – surtout ne jamais employer un terme qui rappellerait qu’il s’agit d’une vie humaine – de l’utérus de la mère déchue. » Ni Caroline Colombier ni Gisèle Lelouis, ses députées, n’ont souhaité réagir aux péroraisons de cette drôle de paroissienne.
Élu dans la 5ème circonscription de Moselle, Pascal Jenft a moins goûté les écarts de conduite « tweetesques » de son jeune attaché, Adrian Sommer. Informé par StreetPress de la propension de son protégé à reposter les obsessions chères à la fachosphère, l’ex-gendarme motocycliste bombardé député en 2024 n’a pas expédié son employé aux arrêts mais l’a enjoint à mettre ses échanges aux abris. Compte supprimé ce 9 octobre, rompez !
Il faut dire que sur X, le collab’ de Sarreguemines d’allure timide perdait ses inhibitions. Si Pierre Sautarel, tête de gondole du site Fdesouche, dont Adrian Sommer relayait la prose identitaire sans retenue, avait sa préférence, il était aussi sensible à Damien Rieu, à Marion Maréchal-Le Pen ou à l’humour moisi du dessinateur facho-macho-parano Marsault. Du lourd tendance ultra, loin de rebuter le Mosellan prompt à également retweeter le poutiniste Cercle Aristote, l’écrivain complotiste pro-Kremlin Slobodan Despot et à parfois ponctuer l’ensemble de commentaires hostiles au soutien de la France à l’Ukraine. Le serial gazouilleur s’est par ailleurs ému de la projection sur la Tour Eiffel du message « Mon corps, mon choix » à l’occasion de l’inscription de l’IVG dans la Constitution le 4 mars 2024 :
« Après avoir forcé des gens à se faire vacciner, quelle hypocrisie quand même ! »
Dans cette bouillie « antérieure à l’embauche d’Adrian Sommer », Pascal Jenft n’a vu « aucun élément constitutif d’une infraction pouvant entraîner une procédure disciplinaire » mais il a sifflé la fin de la récré.
L’universitaire de la Nouvelle Droite
Recruté par Roger Chudeau, élu du Loir-et Cher – connu pour avoir qualifié d’« erreur » la nomination de Najat Vallaud-Belkacem au ministère de l’Education nationale au motif que sa binationalité l’exposait à « un problème de double loyauté » -, Romain Donadini affiche un parcours universitaire moins accidenté que celui de Jordan Bardella. Normalien et agrégé de philo. Mais ce premier de la classe est aussi diplômé ès radicalités. Le 15 juin 2024, il participait à un hommage à feu Patrick Buisson, apôtre décomplexé de l’union des droites et ex red’ chef de Minute. Organisée par l’Institut du Pont-Neuf, think tank incarné par l’essayiste royaliste et maurrassien Frédéric Rouvillois, cette sauterie mémorielle a donné au lettré collab’ l’occasion de copiner avec des intervenants, tels l’angoissé civilisationnel québécois Mathieu Bock-Côté ou la tête de pont de l’ultra-droitière revue Eléments, François Bousquet.
Du beau linge auquel ce bon élève est sensible depuis longtemps. En 2020, il a en effet contribué aux « 200 essais pour apprendre à penser » rassemblés dans « La Bibliothèque du jeune européen ». Edité sous la direction d’Alain de Benoist, increvable théoricien de la Nouvelle Droite, identitaire et nationaliste, cet ouvrage fait clairement écho à celui de l’écrivain fasciste et collabo Drieu La Rochelle. Dans cette publication, la prose de Romain Donadini voisine avec celle de piliers de l’Institut Iliade, bidule racialiste dégainé en 2014 pour « protéger la longue mémoire européenne ». Autrement dit pour prêcher la suprématie blanche et sonner le tocsin de la bataille culturelle.
Décidément très productif, le normalien compte aussi parmi les conférenciers du cycle 2024/2025 des Mardis d’Ichtus, ainsi appelés en référence à l’institut éponyme. Maillon catho-tradi de l’extrême droite, cette boutique s’active pour la « renaissance d’une France chrétienne et forte » et s’appuie pour y parvenir sur son délégué général, Guillaume de Prémare, ex-président de la Manif pour tous. Dommage que Roger Chudeau ait négligé de répondre à StreetPress pour échanger sur les inclinations de son salarié.
L’ancien de l’UPR et la néofasciste
Directeur de campagne du tragi-comique « frexiteur » François Asselineau lors de la présidentielle de 2022, Fabien Sémat œuvre désormais comme attaché parlementaire du député du Var Philippe Schreck. Ce trentenaire alsacien a fondé Génération A, supposée rallier les foules à l’europhobie viscérale de son mentor. À l’antenne d’UPRTV, la chaîne YouTube de l’Union populaire républicaine asselinienne (UPR), ce radical souverainiste grandiloquait sur la tyrannie des hauts fonctionnaires européens qui condamnent la France à l’impasse. Une ritournelle pas très raccord avec la partition du RN nouveau qui n’entend plus sortir de l’Union européenne. Pas sûr non plus que les Marinistes « banalisés » valident tous les tweets de Génération A : en février 2022, le compte coiffé par Fabien Sémat répercutait sans rire les élucubrations complotistes du candidat Asselineau sur un orwellien pass vaccinal jumelé à la carte bancaire.
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Surtout, la présence de Fabien Sémat au générique des Incorrectibles suggère qu’il n’a pas divorcé des théories facho-conspi. Crédité comme le réalisateur attitré de cette chaîne YouTube incarnée par l’ex-animateur de Sud Radio Eric Morillot, le néo collab’ s’active au service de la réinformation et de la propagande chère à la droite de la droite. La liste des invités résume à elle-seule les intentions politico-éditoriales de ce format qui ferait presque passer l’Heure des Pros pour une délicate causerie : Sarah Knafo, la présidente du groupuscule identitaire Némésis Alice Cordier, la nouvelle tête de gondole anti gestation pour autrui Olivia Maurel, Karl Zéro, l’ex-conseiller trumpiste Jason Miller, le youtubeur radical Baptiste Marchais ou encore Didier Raoult.
N’en jetez plus, la coupe est pleine de fiel, mais Fabien Sémat devrait pouvoir dormir tranquille tant son parlementaire de patron est indulgent. Lors de la précédente législature, Philippe Schreck avait enrôlé Maylis de Cibon, dont StreetPress avait révélé l’appartenance au groupuscule néofasciste parisien Luminis. À l’issue des dernières législatives, cette fougueuse patriote a rebondi sans forcer dans les box respectifs de la députée RN-Ciottiste, Sophie Vaginay, et de son collègue RN des Alpes de Haute-Provence, Christian Girard. Dans les colonnes du Dauphiné Libéré qui a soulevé ce lièvre, ce dernier a laconiquement précisé que Maylis de Cibon lui « avait été recommandée ».
Le néofasciste et l’agité des réseaux virés
C’est également Philippe Schreck qui a recruté Rafael Ferron, fin septembre, comme l’a divulgué Libération. Sous le pseudo de Raphaël Ayma, le jeune homme est connu comme « le chef de file du mouvement néofasciste provençal Tenesoun », écrivait le quotidien le 26 septembre. L’élu s’est finalement détaché de son nouvel attaché il y a quelques jours, a-t-on appris dans Var-Matin. Même sort pour Nicolas Koutseff. Cette recrue parlementaire de la médiatique Laure Lavalette depuis 2023 dégainait de compulsifs laïus insultants sur X, selon les Jours. À traiter Edouard Philippe, Guillaume Meurice et autres Jean-Michel Aphatie d’« enculés » à longueur de tweets, l’agité des réseaux a fini par être débranché. Et viré le 2 octobre.
Des réactions en phase avec les propos tenus fin août par Jean-Philippe Tanguy : crispé par un papier du Monde qui mentionnait, entre autres joyeusetés, l’hommage rendu à Pétain par le collab’ du député des Alpes-Maritimes Lionel Tivoli ou le choix d’un assistant parlementaire du Pas-de Calais de blablater sur Facebook sous l’alias de « Schwarze Sonne » en référence au symbole nazi du Soleil Noir, le président délégué du groupe RN à l’Assemblée avait martelé :
« S’il devait être avéré que des collaborateurs avaient des positions contraires [au] programme ou [aux] valeurs [du parti], leurs députés devr[aie]nt mettre fin à leur collaboration. »
L’ancien d’Unité radicale
Pilier d’une fachosphère qu’il écume depuis des lustres, André-Yves Beck s’est longtemps assumé « nationaliste révolutionnaire ». Tête pensante de groupuscules néofascistes et identitaires tels Troisième voie et Nouvelle résistance, ce sexagénaire a aussi pavoisé aux couleurs d’Unité radicale, mouvement sorti de l’ombre lors de la tentative d’assassinat de Jacques Chirac par l’un de ses membres, Maxime Brunerie, le 14 juillet 2002. Quelques mois plus tard, la justice a prononcé la dissolution de ladite officine pour cause « d’idéologie raciste et discriminatoire, antisémitisme, encouragement de la discrimination, de la haine et de la violence ». Malgré ces radicales casseroles, André-Yves Beck, qui a adhéré au Front National en 2016, a intégré le staff de la députée du Vaucluse Bénédicte Auzanot en 2022, comme l’a rappelé Le Monde fin août dernier. Compagnon de route de l’identitaire Philippe Vardon, cet expert de la com’ politique et des punchlines assassines fut aussi dircom’ de Jacques Bompard à la mairie d’Orange, puis directeur de cabinet de Robert Ménard à Béziers.
Sollicitée par StreetPress, Bénédicte Auzanot a choisi de faire silence sur ce parcours sulfureux. Dans la Croix, le spécialiste de l’extrême droite Jean-Yves Camus s’est montré plus prolixe : « Beck est une bonne recrue car il a une colonne vertébrale idéologique, une bonne connaissance du terrain et une grande expérience de l’administration. » À en croire le directeur de l’Observatoire des radicalités, les loupés de recrutement reprochés au RN n’en sont pas forcément :
« Je me demande si ces candidats étaient vraiment des erreurs de casting parce qu’il n’y avait personne d’autre, ou si cela relève d’une stratégie du parti qui fait le ratio bénéfice-risque de ce que chacun peut lui apporter. Idéologiquement, le RN n’a pas vocation à devenir complètement aseptisé. »
L’ancien du groupe violent Ligue du Midi aux côtés d’Edwige Diaz
Cette analyse pourrait justifier l’impunité dont jouissent la plupart des collabs pointés du doigt par la presse. Malgré l’opération « mains propres » confiée à l’eurodéputé Aleksandar Nikolic dans la foulée des dernières législatives afin d’éviter candidatures foireuses et recrutements douteux, les anomalies demeurent. Dans la cohorte des troubles assistants, Libé a récemment outé un dénommé Alexandre Ledoux : supplétif de la députée de Dordogne Florence Joubert, il a été épinglé pour sa connivence avec des néonazis bordelais. Visée par trois plaintes pour injures à caractère raciste comme l’ont rapporté StreetPress et Mediapart, la sémillante Julie Gahinet, vibrionne aux côtés du député audois Julien Rancoule après avoir servi l’as de la provoc’ médiatique Julien Odoul.
Selon les Jours enfin, Jordi Vives Carceller, qui a frayé dans le sillage de la violente et raciste Ligue du Midi, s’est fondu il y a peu dans l’équipe d’Edwige Diaz, députée de Gironde et vice-présidente du RN. Un recrutement pour le moins ironique pour qui sait qu’Edwige Diaz vient de se voir confier par Jordan Bardella la charge de professionnaliser les candidats à la députation et leurs troupes dans la perspective d’une prochaine dissolution. Quand y’en aura plus, y’en aura sûrement encore.
L’INSTITUT ILIADE souhaite revenir sur l’article publié sur le site STREETPRESS le 10 octobre 2024 intitulé « Assistants parlementaires du RN : la galerie des horreurs ». L’auteur y affirme que l’INSTITUT ILIADE est un « bidule racialiste dégainé en 2014 pour “protéger la longue mémoire européenne”. Autrement dit pour prêcher la suprématie blanche et sonner le tocsin de la bataille culturelle. »
L’INSTITUT ILIADE réaffirme que ses travaux, formations et publications n’ont ni visée raciste, racialiste ou tendant à établir une quelconque supériorité raciale. Sa seule mission est la défense de la civilisation européenne, et non la « civilisation blanche » comme tend à faire croire, par une lecture pernicieuse, l’auteur de l’article.
Par conséquent, les affirmations insultantes de Madame Nathalie GATHIÉ, auteur de l’article, sont mensongères et ne visent qu’à jeter l’opprobre et le discrédit sur les activités de l’INSTITUT ILIADE.
Nous invitons tout intéressé à se renseigner directement sur notre site internet https://institut-iliade.com/ pour se faire un avis sur la réalité de nos travaux.
Photo d’illustration de Jordan Bardella en Une prise le 26 mai 2019 lors des élections européennes par Yann Castanier.
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