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    08/10/2024

    Trois frères : un royaliste, un identitaire et un néofasciste

    Bienvenue chez les Guy-Mathon, l’incroyable famille faf lyonnaise

    Par Daphné Deschamps

    Au sein de l’extrême droite lyonnaise, les frères Guy sont incontournables : l’un a été chef de l’Action française locale, l’autre est un néofasciste de Lyon populaire, le troisième porte-parole des identitaires. Sans oublier leur mère, candidate RN.

    « Europe, jeunesse, royauté ! », scandent les militants de l’Action française (AF) le long de l’avenue de l’Opéra, à Paris, le 12 mai 2024, en rang derrière les banderoles de leurs sections locales. Bienvenue à « la Jeanne », l’hommage annuel du mouvement royaliste à Jeanne d’Arc. Perché sur un camion à l’avant de la manifestation, lunettes de soleil sur le nez et chemise parfaitement repassée, Clément Lesur – un pseudo –, enchaîne les chants hostiles à la République au micro, largement repris par la foule. Non loin de lui, autour du cortège, de jeunes militants assurent la sécurité. Parmi eux, un jeune homme détonne avec son cache-cou largement remonté jusque sous ses yeux, quand ses camarades s’affichent visages découverts. Calixte Guy tente de se faire discret malgré sa carrure. Logique : ce n’est pas un inconnu, et c’est même le frère de Clément Lesur, de son vrai nom Paul-Eloi Guy (1). La veille, il défilait, bob enfoncé sur le crâne et brassard « sécurité » bien en évidence sur son polo Fred Perry, au défilé néofasciste du Comité du 9 Mai (C9M), en compagnie de ses acolytes de Lyon populaire et du Groupe union défense (GUD) Paris.

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    Calixte Guy dans le service d'ordre à la manifestation annuelle de l'Action française le 12 mai 2024. La veille, il était dans le service d'ordre du C9M. / Crédits : Captures d'écran Instagram

    Avec le troisième de la fratrie, Victor Guy, le trio est une hydre incontournable chez les groupuscules radicaux lyonnais : Paul-Éloi a été pendant des années le boss de la section locale de l’AF. Calixte Guy est un cadre de néofascistes de Lyon populaire et un habitué des tribunes ultras avec les Lyon 1950. Et Victor Guy est un des porte-parole des identitaires des Remparts, que le gouvernement a dissous en juin 2024. Les trois frangins sont issus d’une famille bien implantée à l’extrême droite lyonnaise, du père militaire à la mère et l’oncle, candidats aux municipales pour le Rassemblement national (RN).

    Le royaliste

    Dans la famille faf, je demande l’ainé : Paul-Éloi, le plus « médiatique ». Depuis plusieurs années maintenant, sous son pseudo Clément Lesur, le jeune homme s’est affiché en tant que porte-parole de l’AF, et dirigeant de sa section lyonnaise jusqu’à peu. Vidéos sur Instagram, prises de parole, interviews, débats avec le néofasciste Jean-Eudes Gannat sur la chaîne YouTube du magazine Valeurs actuelles… Le cadre royaliste est souvent mis en avant. Il a épousé cet été la boss de l’AF parisienne, Aliénor de Grenier de Lassagne. Celle-ci est depuis plusieurs années une des figures féminines du mouvement d’extrême droite, qui promeut les nouveaux littéraires du mouvement royaliste ou appelle à la mobilisation pour leur marche annuelle en l’honneur de Jeanne d’Arc.

    À LIRE AUSSI : Les remparts Lyon, un groupe d’extrême-droite violent dans le viseur de la justice

    Longtemps chef de la section lyonnaise de l’AF, Paul-Éloi Guy s’est engagé dans le mouvement royaliste à 16 ans, non pas par amour de la monarchie, mais car il était « profondément nationaliste », comme il l’expliquait à la Tribune de Lyon en 2022. Il a toutefois embrassé la cause royaliste après « des lectures et réflexions », et n’a pas de souci avec la violence « si elle est organisée et canalisée ». En soi, s’il s’agit de « la violence au service de la raison », vieille devise de l’AF. Le mouvement fondé par Charles Maurras lui a bien rendu son engagement, en lui faisant monter les échelons, mais aussi en lui donnant un de ses premiers jobs, chez Janus International. Cette boîte de com’ politique, où il a été conseiller en communication pour deux candidats pendant la campagne des législatives 2022, est possédée par le président de la fédération Auvergne-Rhône-Alpes de l’AF. Elle a longtemps été employée par la nièce de Marine le Pen, Marion Maréchal. L’entreprise a aussi empoché plus de 25.000 euros entre 2019 et 2021 en vendant ses services au groupe Identité et démocratie, le groupe du Rassemblement national au Parlement européen. Au capital depuis la création de la boite, on y trouve même un certain Damien Lefèvre, plus connu sous le nom de Damien Rieu, influenceur d’extrême droite et cadre de Génération identitaire, qui a été, comme son amie Marion Maréchal, chez Reconquête, le parti d’Eric Zemmour.

    Plus curieux, le pourfendeur de la République Paul-Éloi Guy a effectué deux stages au service de la « Gueuse » : un premier au Sénat en 2023, et un second au sein de la collectivité territoriale de Bourg-en-Bresse (01) à l’hiver 2024. Aucune contradiction pour ce royaliste convaincu, car il « souhaite dans tous les cas œuvrer pour le bien commun », indique-t-il à StreetPress. Au Sénat, Paul-Éloi Guy travaillait aux côtés de la sénatrice Renaissance de Guyane, Marie-Laure Phinéra-Horth. Un stage obtenu grâce au paternel, Lionel Guy, gradé de l’armée de terre et ex-responsable du régiment du service militaire adapté (RSMA) de Cayenne, comme le confirme la sénatrice.

    L’identitaire et le néofasciste

    Dans la famille faf, je demande ensuite le benjamin des Guy : Victor. Lui s’est investi pour la candidate du RN Tiffany Joncour à Meyzieu (69), lors des dernières élections législatives, comme l’a révélé StreetPress. Campagne réussie pour cette néodéputée proche des identitaires des Remparts, dont Victor Guy a été porte-parole avant la dissolution du groupuscule. En février 2024, c’est le jeunot de la fratrie qui a accueilli les caméras de TF1 à la Traboule, à Lyon, le local des identitaires, avant de les accompagner jusqu’à l’Agogé, leur salle de boxe.

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    Victor Guy a été porte-parole du groupuscule Les Remparts. / Crédits : Captures d'écran Instagram

    Seul un des trois frères Guy semble fuir les caméras : le cadet, Calixte. Touche-à-tout idéologique, il a longtemps été militant dans la section lilloise de l’AF. Il y multipliait les stories entre gants coqués et parapluies cassés, ou se mettait en scène cagoulé la nuit. « 0% homme soja », écrit-il sur une image postée sur Instagram. Il a subi, avec son mouvement, une attaque nocturne de militants antifascistes en juin 2022. Depuis, il s’est installé à Lyon, où il assure une sorte de rôle de « second » d’Eliot Bertin, le violent et très néonazi leader du groupuscule Lyon populaire. Il fréquente aussi activement les tribunes de l’Olympique lyonnais, dans le virage sud du stade, parmi le groupe ultra Lyon 1950, connu pour sa porosité avec les groupuscules d’extrême droite.

    À VOIR AUSSI : Notre enquête sur les ultras d’extrême droite de Lyon

    Le vingtenaire s’oriente désormais vers l’apologie du IIIe Reich, entre t-shirt à la gloire de la division Charlemagne – les engagés volontaires français de la Waffen-SS –, saluts nazis et lectures d’auteurs fascistes comme Léon Degrelle, Robert Brasillach ou Julius Evola. Et joue donc les gros bras dans le service d’ordre du C9M.

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    Après quelques années à l'Action française Lille, Calixte Guy a rejoint les néofascistes de Lyon populaire. / Crédits : Captures d'écran Instagram

    Le Rassemblement national n’est pas loin

    Le père des trois frères, Lionel Guy, est un militaire haut gradé. Après le passage en Guyane, qui a permis à son fils d’obtenir un stage au Sénat, il est désormais chef du centre de conduite de l’état-major opérationnel de l’armée de Terre (EMOT). Un poste qui implique en théorie un respect plutôt sérieux du devoir de réserve des militaires. Mais cette obligation de neutralité ne semble guère déranger le patriarche, qui n’hésite pas à afficher ses sympathies nationalistes et radicales en ligne, partageant pêle-mêle des publications de l’institut Iliade, fondé par les ethno différentialistes de la Nouvelle Droite, ou du site Boulevard Voltaire. Le paternel soutient également régulièrement l’élue Reconquête Isabelle Surply, actuellement mise en examen pour diffamation et injures publiques envers une association de prévention contre les violences conjugales et sexistes. Une personnalité que doit bien connaître son second fils, Calixte Guy, qui a pu assister l’année dernière à une conférence de l’élue rhodanienne donnée lors du « forum de l’implantation locale » organisé par Lyon populaire en mars 2023.

    Et dans la famille Guy, le RN n’est pas loin non plus. En 2020, la mère des trois frères, Blandine Guy-Mathon, a été candidate aux élections municipales à Lyon, sur la liste RN menée par Agnès Marion. Girouette de l’extrême droite électoraliste, Agnès Marion a depuis rallié Reconquête le temps des élections de 2022, où elle était la candidate zemmouriste de la 10ème circonscription du Rhône, puis septième sur la liste Reconquête aux européennes, avant d’être à nouveau investie par le RN dans le Rhône en juin 2024. Elle est désormais cheffe de cabinet de Marion Maréchal. Juste après Blandine Guy-Mathon sur cette fameuse liste en 2020, on trouvait son frère, Louis Mathon.

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    La famille Guy-Mathon presque au complet : Aliénor Charbonnier, Paul-Eloi Guy, Lionel Guy, Blandine Guy, Calixte Guy. / Crédits : Captures d'écran Instagram

    Contacté, Lionel Guy nous a indiqué être « abasourdi » par notre message, et estime que « [son] engagement en général, et [sa] carrière en particulier, témoignent de [ses] valeurs de solidarité et de respect de l’autre. [Il a] toujours préféré ce qui rassemble que ce qui divise, et [a] toujours mis la cohésion au cœur de [son] action ». Il a également indiqué ne pas parler politique en famille.

    (1) Contacté, Paul-Éloi Guy nous a également indiqué ne pas parler politique en famille. Quant à Calixte Guy, Victor Guy, Blandine Guy-Mathon et Louis Mathon, ils n’ont pas donné suite à nos sollicitations.

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