La soirée avait pourtant bien commencé pour Thomas (1). Ce samedi 13 avril, un concert de musique berbère est organisé au Libertaire, petit local associatif de Mâcon (71), dans la Saône-et-Loire. Mais de retour chez lui, vers 1h30 du matin, des bénévoles du local l’appellent en panique. « Ils m’ont dit qu’il y avait des hommes menaçant devant le local et qu’ils avaient besoin d’aide », se rappelle le Mâconnais de 38 ans.
Tandis que quelques bénévoles finissent de ranger le local, cinq hommes se présentent à la porte. L’un d’entre eux aurait tendu plusieurs stickers antifascistes en vrac, affirmant qu’ils « polluent » la ville. « La personne qui a ouvert nous a dit que ça sentait pas bon », nous raconte Pierre (1), un des bénévoles présent ce soir-là.
« Couteau », « poings américains » et 15 jours d’ITT
Sur place, Thomas raconte que cinq hommes lui « tombent dessus ». « J’ai reçu des coups de pieds dans la tête, dans le dos », détaille-t-il au téléphone à StreetPress. « De l’intérieur, on a entendu un gémissement. On est sortis et c’est là que l’on a vu Thomas à terre, la tête en sang », se souvient Pierre. Une bagarre générale éclate alors et les cinq agresseurs finissent par partir. Laure (1), également présente, raconte :
« C’était violent, il y en a un qui a sorti un couteau, ils avaient des poings américains… Ils ne sont pas venus pour rigoler. »
Comme le précise le certificat médical consulté par StreetPress, Thomas présente « plusieurs contusions au niveau du cuir chevelu » et des hématomes au visage, dans le dos et sur la cage thoracique. Le médecin lui prescrit alors 15 jours d’ITT.
Les agresseurs de Thomas seraient les membres du groupuscule d’extrême droite Active Club France. / Crédits : DR
Des militants néo-nazis
Pour Thomas et les bénévoles interrogés, aucun doute sur l’identité des agresseurs. Ce seraient des militants d’un groupuscule d’extrême droite : Active Club France. « On sait que c’est eux, parce que quand ils ont fini de me tabasser, ils ont dit : “Ici c’est comme l’Allemagne nazie” », affirme Thomas, qui a également reconnu un des agresseurs. « Ça fait huit mois qu’ils se sont vraiment installés. Au début, c’était des stickers sur les vitrines et petit à petit ils ont pris confiance. Maintenant, c’est des tags et des menaces écrites sur les murs du local », explique-t-il.
« Au début, c'était des stickers sur les vitrines et petit à petit ils ont pris confiance », affirme Thomas. / Crédits : DR
Nouveau dans la sphère d’extrême droite radicale, Active Club France propose entre autres des entraînements aux sports de combat et au tir. Comme l’explique Libération, ce groupe importé des États-Unis, promet un « communautarisme entre nationalistes » et ouvre plusieurs sections dans toute la France, dont un à Mâcon.
Le local Libertaire régulièrement pris pour cible
Ce n’est pas la première fois que le local Libertaire est victime d’intimidation. Stickers et tags fascistes sont régulièrement placardés sur la vitrine du local, comme dans plusieurs rues mâconnaises et ses alentours. « Ça fait quatre fois que la vitrine est saccagée », précise Pierre, qui travaille dans l’industrie.
Ce n’est pas la première fois que le local Libertaire est victime d’intimidation. / Crédits : DR
« On avait déjà été suivi pendant la manifestation pour Nahel, mais c’est la première fois qu’on assiste à une agression physique », raconte Laure, bénévole au local Libertaire. Si Pierre se sent tout de même en sécurité, Laure avoue être inquiète depuis quelque temps. « J’ai peur que l’on se fasse repérer ici », raconte cette commerçante de 58 ans, habitante d’un petit village à quelques kilomètres de Mâcon. Laure détaille les tags fascistes sous les ponts et les rues qu’elle voit de plus en plus. « Ça a pris une ampleur assez importante depuis la loi Darmanin [contre l’immigration] », estime-t-elle.
Sur Telegram , le canal d’extrême-droite Ouest Casual revendique l’agression et publie une vidéo de Thomas, frappé à la tête.
— Maria Aït Ouariane (@Ait_maria) April 20, 2024
Contrairement à ce qu’ils disent, la victime était devant un local associatif, seul. Selon des témoins, c’est bien les agresseurs qui étaient armés. https://t.co/SoVJ3583zc pic.twitter.com/xwzaZuztlI
(1) Les prénoms ont été changés.
Contacté par StreetPress, Active Club France a choisi de répondre avec un GIF de la danse Fortnite : « T’as perdu ».
Edit le 22/04/24 à 10h50 : La chaîne Telegram néofasciste Ouest Casual a publié une vidéo de l’agression. Une manière pour les militants d’extrême droite de revendiquer l’agression.
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