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    19/01/2015

    15 ans d’embrouilles et de gros sous avec le roi déchu du streetwear

    La vie rêvée de Mohamed Dia

    Par Geoffrey Livolsi , Michela Cuccagna

    Dans les années 2000, Mohamed Dia traînait avec des stars du rap et des champions du monde de foot. 15 ans plus tard, le businessman au million de hoodies vendus ronge son frein, plombé par sa réputation. Mais il fume toujours le cigare.

    Ce soir de mai 2009, amarré dans la baie de Cannes pour le Festival, Mohamed Dia reçoit sur son yacht de 33 mètres de long, l’Atisan. Un balai de limousines et de grosses cylindrées dépose les invités accueillis par de jeunes hôtesses. Les joueurs de l’OM ont fait le déplacement comme d’autres people. On se presse pour être sur la photo, les flashs crépitent, le champagne coule à flot. Le jeune styliste de Sarcelles est la star de la soirée pour le lancement de sa marque de streetwear éponyme DIA7. Dia a vu grand pour épater la galerie et faire parler de lui. Trop grand. Le propriétaire du yacht, ne verra jamais la couleur des 46.000 euros de frais de location et le chèque de caution de 6.000 euros fait au nom de Dia Management est un faux. Quelques mois plus tard, la boutique de la marque située aux Halles ferme ses portes. Mohamed Dia disparaît des écrans médiatiques, son siège social n’est plus qu’une boite-aux-lettres.

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    Dia dans son bureau du 16e, au 3e étage d’un immeuble cossu près du Trocadéro. / Crédits : Michela Cuccagna

    L’histoire de Mohamed Dia avait pourtant tout de la success-story. Au début des années 2000, ses baggies et ses hoodies sont partout. Le roi du streatwear habille le rappeur Stomy Bugsy ou la star du basket français Tariq Abdul-Wahad, multiplie les partenariats avec les fédérations sportives et distribue ses vêtements de Pimkie à La Redoute. Puis c’est la chute : Dia est impliqué dans plusieurs affaires d’escroquerie après s’être fait … tirer dessus ! Jusqu’à complètement disparaître du game.

    StreetPress le retrouve dans un bureau du 16e arrondissement, au 3e étage d’un immeuble cossu à une centaine de mètres du Trocadéro. T-shirt Dia Wear sur le dos, tatouages sur les bras et cigare à la main, Dia, 41 ans, est toujours aussi bling-bling quand il joue les hommes d’affaires. Alors, où était-il passé ces quatre dernières années ? L’air blasé, il esquisse un des rares sourires de l’interview et répond :

    « On va dire que j’étais parti aux Etats-Unis pour d’autres défis économiques, pour développer ma ligne de vêtements avec des artistes américains. »

    De Sarcelles aux poids lourds du textile

    La carrière de Dia a commencé loin du 16e arrondissement ou des Etats-Unis qu’il affectionne tant. C’est à Sarcelles (95) qu’il se fait connaître. Après plusieurs années au service de la mairie comme médiateur de quartier, il suit l’ascension de ses potes Arsenik, Kenzy, Stomy Bugsy ou Doc Gynéco. Eux explosent sur la scène musicale avec leur groupe Secteur A, lui décide de les habiller. « C’était une manière pour moi d’exister à côté d’eux, en endossant le costume de styliste et businessman », se souvient l’ancien banlieusard. Avec ses quelques sous en poche, il fait fabriquer une centaine de sweats siglés à son nom et les distribue à ses potes rappeurs. Un modèle, la marque américaine Fubu, acronyme de « For us, by us », qu’il découvre lors de ses premiers voyages aux States. Lino, ancien rappeur d’Arsenik – dont le dernier album vient de sortir – connaît Dia depuis le collège. Joint par StreetPress, il se souvient :

    « Il est venu me voir pour me demander de porter sa marque, j’ai tout de suite dit oui… Jusqu’à ce que ça s’arrête. »

    La marque change de dimension à la fin des années 1990 grâce à sa rencontre avec Franck Kalfon, le patron de l’entreprise de textile Adventure Land. Ce fabricant de vêtements, à peine remis de difficultés économiques, flaire le bon coup de la mode streetwear. Il met ses usines tunisiennes et son réseau à disposition du jeune loup. Porté par la notoriété des rappeurs que la marque habille, le succès est viral. « Et cela, bien avant Facebook et Twitter », tient à préciser Mohamed Dia. Résultat des courses : le premier T-shirt se vend à 180.000 exemplaires. Un an après, le chiffre d’affaires de la société qui distribue la marque atteint 7,5 millions d’euros. Dia Wear est vendu dans plus de 600 points de vente en France.

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    Le succès de la marque est viral : le premier T-shirt se vend à 180.000 exemplaires. / Crédits : Michela Cuccagna

    Bling-bling, vous avez dit bling-bling ?

    Dans les faits, Mohamed Dia, n’a jamais été propriétaire de l’entreprise qui commercialisait ses vêtements. Depuis sa création en 1999, D Distribution, la société qui exploite la marque de la fabrication à la promotion, appartient à la famille de Frank Kalfon, le patron d’Adventure Land. Ce dernier exploite aussi les licences de Airness et Lulu Castagnette. Grâce au succès de ses marques, Kaflon revendra en 2000 son entreprise Adventure Land au groupe JAJ, le distributeur de la marque Schott ou de Levi’s en Europe. En 2003, la marque DIA dégage 15 millions d’euros de chiffre d’affaires. Dia, qui possède seulement le nom de marque d’après les registres d’Inpi, se contente de royalties.

    (img) Dia et Lindsay Lohan à Cannes en 2010 mini-dia-lohanok.jpg

    « Pour permettre à la marque de se développer, notamment à l’international, il fallait être soutenu par un grand groupe », se justifie le styliste. Quel pourcentage touche-t-il ? Selon ce qu’il déclarait dans la presse à l’époque, environ 5% du chiffre d’affaire, soit autour de 300.000 euros lors de ses bonnes années. Difficile pourtant de connaître le montant de sa fortune et ce qu’il en reste après tant d’années. En tout cas, Dia étale partout où il peut sa richesse matérielle. L’homme pousse le narcissisme à l’extrême, postant quotidiennement une photo de lui sur les réseaux sociaux. Parfois, de son iPad ou de son Mac Book. Ici, Dia dans des limousines , là, Dia devant des jets privés , puis Dia à des réceptions . Les critiques sur son côté flambeur, il s’en moque :

    « En France, la réussite gêne. Les riches doivent rester riches, et les pauvres doivent rester pauvres. »

    Il assume tout et lâche, sourire en coin :

    « Je n’ai pas fait ça pour rouler en Clio. Si a 41 ans j’avais encore mes bureaux dans la zone industrielle de Sarcelles, je me poserais des questions. »

    Cette banlieue dont il s’inspire, aujourd’hui, il semble la fuir :

    « Les gens que je fréquente aujourd’hui, ils sont d’un autre milieu. Avant ils étaient essentiellement de Sarcelles, mais pour moi tout se passe à Paris. »

    Dès 2001, Dia aurait été persona non grata à Sarcelles. « Au lieu de mener comme un grand sa petite embarcation, Dia s’est défroqué devant les fabricants du Sentier », tançait déjà un concurrent en 2001.

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    « Le rêve américain, ce n'est pas de prendre un avion et d'aller à New-York. » / Crédits : Michela Cuccagna

    Rêve ou mytho américain ?

    Dans ses bureaux du 16e arrondissement parisien, la décoration a des airs de petit musée dédié au rêve américain. Drapeaux yankees brodés sur des coussins, fauteuil club en cuir et statue de la liberté miniature incluse. En 2001, Dia réalise son plus gros coup en signant un partenariat avec la NBA. Dorénavant, le businessman peut exploiter les logos des équipes de basket américaines pour vendre ses vêtements. Le basketteur Tariq Abdul-Wahad, premier joueur français à jouer aux Etats-Unis, devient le représentant de la marque. Gros coup toujours : en 2005, Dia s’offre un défilé au Carrousel du Louvre, habituellement réservé aux plus grandes griffes du luxe, pour présenter ses derniers t-shirts floqués des logos des Lakers ou des Celtics. Cette année-là, la société de Kalfon engrange 17,5 millions d’euros de chiffre d’affaires. Mohamed Dia y va de sa punchline :

    « Le rêve américain, ce n’est pas de prendre un avion et d’aller à New-York, ça tout le monde peut le faire. »

    (img) Punaisés derrière une porte, des croquis de ses modèles mini-dia-croquis.jpg

    Pourtant difficile de distinguer, le vrai du faux, le fantasmé du réel, de cette vie américaine. En octobre, alors que son chargé de relation presse nous assure que Dia est en business aux States, l’édile poste des photos de lui sur Instagram prise depuis ….son bureau du Trocadéro. Dia, continue à faire vivre le mythe de sa réussite outre-Atlantique. Mais des States, il ne fait qu’en revenir. Comme quand il passe un accord avec la star mondial du hip-hop, Wyclef Jean, pour lancer la ligne Refugees by Mohamed Dia. Aujourd’hui impossible de retrouver une trace de cette aventure américaine, la marque semble n’avoir jamais existé. Dia s’explique :

    « Wyclef n’avait pas une actualité assez forte pour soutenir le lancement de la marque, on a dû revoir nos plans. »

    Arnaques, textile et botanique

    Vous aurez compris, la réussite de Mohamed Dia sent aussi l’embrouille. Déjà en 1999, suite à une émission de Capital qui lui est consacré, il se fait rayer de la liste des emplois-jeunes de Sarcelles. Le jeune homme avait omis de déclarer que depuis son embauche à la mairie, il avait trouvé un nouveau job. Puis en 2001, Dia se prend deux décharges de fusil de chasse dans le dos lors d’un guet-apens à Sarcelles. Les policiers concluent à un règlement de compte concernant une affaire de drogue. Mohamed Dia ne portera pas plainte. Aujourd’hui, il dément que cette affaire ait un lien avec le biz’ :

    « On a dit qu’on m’avait tiré dessus à cause d’une histoire de drogue, tout ça parce que quelques années plus tôt, j’étais impliqué dans une affaire de haschich avec des amis. »

    (img) Dia et J-L Errant, avant l’affaire des contrats non-honorés mini-dia-maillotsok.jpg

    Mais les embrouilles concernent aussi sa marque. Dia est accusé à plusieurs reprises d’escroquerie. Comme quand en 2009, il vend ses licences à l’entrepreneur du textile Jean-Luc Errant. Les deux hommes doivent développer une gamme de « vêtements intelligents » en partenariat avec Microsoft ainsi qu’une série de smartphones. La machine s’emballe : Dia doit aussi équiper le rugby club de Toulon, le club de football de Boulogne-sur-Mer et même la Fédération française de ski. Problème : Dia aurait vendu les droits de sa marque à son nouveau partenaire dans le dos d’Adventure Land et de Frank Kalfon, toujours titulaire de la licence. Jean-Luc Errant, le partenaire d’un jour, reçoit une assignation en justice. Sa société Boostyle se retrouve avec 300.000 euros de stock de vêtements et 500.000 euros de contrats non-honorés. Elle est placée en liquidation judiciaire en 2011.

    Contacté par StreetPress, Jean-Luc Errant refusera de nous répondre. Tout comme Frank Kalfon. À la Fédération française de ski, on se souvient de cet échec : « On était vraiment emballés par le projet, explique Hervé Bernard, le directeur de la communication. Les athlètes ont reçu leurs premiers équipements, puis plus rien. Les commandes avaient du retard et les sommes dues à la fédération n’ont jamais été versées. On a mis fin nous-même au contrat. »

    Le skieur Patrick Fayolle, qui avait signé un contrat d’équipement sur 5 ans pour équiper des athlètes de sports de glisse en Dia, a connu la même mésaventure avec sa société. Joint par StreetPress, celui qui disposait d’une petite usine de vêtement en Tunisie a la dent dure contre le styliste :

    « Au final j’y ai perdu 55.000 euros, mais j’ai décidé de ne pas entamer de poursuite, cette société était de toute façon exsangue. »

    Jean-Luc Errant portera plainte contre Mohamed Dia pour escroquerie en bande organisée. L’instruction est toujours en cours au tribunal de Grasse. Elle s’ajoute à celle du yacht impayé.

    De retour, au moins sur la TNT

    La justice et les créanciers courent après Mohamed Dia. La marque a vécu, lui aussi. Même si le styliste ne sera jamais condamné, il est grillé auprès de la profession. Un de ses anciens partenaires résume la situation ainsi :

    « Dia c’est du passé. Il a su créé le buzz à un moment. Aujourd’hui, il n’y a plus que lui et son égo pour croire qu’il est encore un grand de la mode. »

    Le gosse des cités balaie d’un revers de main les accusations :

    « Toutes ces histoires, ce ne sont que des malentendus. Mes exemples, ce sont les artistes américains comme Jay-Z, Puff Dady, qui ont aussi été attaqués. On a accusé Jay-Z d’avoir mis des coups de couteau dans une boite de nuit et maintenant, il mange à la même table qu’Obama. »

    Il faut dire que l’intéressé est en quasi-adoration devant Bernard Tapie. « Un homme qu’on a voulu abattre, mais qui se relève toujours. » Dans son bureau du 16e, il prépare son énième retour. Le nouveau site de sa marque est en place, avec un décompte assez hallucinant : plus que 19 mois avant le lancement de sa boutique en ligne. Des pubs passent sur les petites chaînes de la TNT avec Dia himself en acteur principal. Fort de ses déboires, il aurait changé : « Je m’autoproduis moi-même ». D’où viennent ses fonds ? Qui fabriquera ses vêtements ? Il refuse de nous en dire plus. Nouveau fantasme ou réel retour ? Rendez-vous en 2016 pour la réponse. En attendant, lui y croit. L’un de ses tatouages au bras, résume sa confiance dans l’avenir, un idéogramme chinois qui signifie « promis à la victoire ».

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    Tyson, Gbagbo, les Illuminatis ... Dia, en quête d'un nouveau mentor ? / Crédits : Michela Cuccagna

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