41 rue Bourdonnais, à Paris (1er arrondissement). Il est 13h et le restaurant Saveurs Veget’Halles – à quelques encablures du métro Châtelet – est plein comme une aubergine farcie. Musique relaxante, brochettes de crevettes végétales, propriétaire bouddhiste : aucun doute, vous êtes bien dans un resto végétarien. « En fait, végétalien », rectifie Maxime, le jeune proprio de 33 ans. « On ne propose rien qui soit d’origine animale, à part nos lasagnes qu’on saupoudre d’un peu de fromage. »
Vegan = Ecolo ? Un végétarien est-il nécessairement écologiste ? Maxime, le propriétaire, tient à rappeler que les clients de son restaurant ne sont pas tous « vegans » par conviction : « Certains viennent parce qu’ils ont des allergies aux produits laitiers, à certaines protéines, au gluten… »
Mais manger végétarien c’est aussi pour beaucoup un acte politique: contre la souffrance animale et les élevages intensifs qui polluent la planète. Un coup à voter Eva Joly … ou Marine Le Pen.
Mayday ! On a perdu Eva ! « Oui évidemment ! Je regarde ce que les candidats proposent sur la question de la souffrance animale. » Bernard, 42 ans, travaille dans un fond d’investissement et est devenu végétarien il y a 3 ans pour « des questions d’écologie. » Soupe de champignons sous le nez, le « vegan par conviction » a tout pour faire partie des 1% d’électeurs d’Eva Joly… Mais en fait non :
« Europe-Ecologie, ils ne sont pas assez intéressants dans leurs propositions sur la question de la souffrance animale. De toute façon, là-dessus, il n’y a pas d’offre qui me convient. Je vais voter, mais pas sur ces thèmes. »
Jusqu’à la présidentielle, retrouvez sur StreetPress la série des Pour qui votent les … On y parle politique avec des groupes socio-culturels par forcément dans les sondages Ipsos.
[Saveurs Veget’Halles – C’est ou ?]
Si tu veux manger un rôti de champignon ou des brochettes de kebab végétales, le restaurant Saveurs Veget’Halles est the place to be. Comptez autour de 13 euros pour votre plat.
Pour Bernard, ce sera François Hollande ou François Bayrou, « les plus aptes » sur les questions sociales et sur la crise économique. Même s’ils mangent de la viande.
Si Suzie, 32 ans, ne mange ni viande, ni poisson, c’est parce que « son choix de consommation est un acte politique. » La végétarienne, proche du mouvement des décroissants, est à fond derrière Mélenchon, le meilleur pour « changer le système » :
« Tout est lié ! Tous les problèmes découlent du système ! Europe-Ecologie Les Verts veulent saupoudrer un peu de vert dans la société telle qu’elle existe. Mais c’est la société entière qu’il faudrait changer. »
Encore raté pour Eva ! Suzie, qui achète pourtant ses légumes dans une Amap, en rajoute même une couche : « Pffff … Europe Ecologie ? N’importe quoi ! Oui ils sont pour le bio mais à part ça … »
L’essentiel
Le cliché: Les végétariens ont des cheveux longs de soixante-huitards et sont tous des écolos de la première heure qui mangent uniquement bio, ont les boules des micro-ondes et exècrent le foie-gras.
Combien y’en a: 1 million en France, quand même ! Une vraie niche.
Où on est allez pour vérifier: Dans le restaurant Veget’Halles, à Paris
Vers qui ils se tournent ? Hollande, Mélenchon, éventuellement Bayrou. Mais surtout pas Sarkozy.
Et Marine dans tout ça ? Il y a bien Natacha, qui n’a pas mangé un steak depuis 15 ans, qui va glisser dans l’urne un bulletin Eva Joly. « La question de la souffrance animale, il n’y a que Les Verts qui en parlent. » Ah bon ? Et Marine Le Pen pardi ? La docteur ès boucherie du FN a suffisamment répété cet hiver être contre le halal pour des questions de respect des animaux.
« Marine Le Pen a le chic pour récupérer ce qui peut faire parler d’elle ! Elle ne parle pas vraiment de la souffrance animale d’ailleurs, elle parle de l’islam. Ce n’est pas le vrai débat. »
Hitler était végétarien. Ça montre bien qu’il n’y a pas de liens entre la gauche et le végétarisme
Maxime, le propriétaire du resto, ne vote pas FN mais n’est pas mécontent du débat lancé par Le Pen :
« Ça ne me gêne pas que ce soit le FN qui en parle. On reconnaît la conscience de l’animal qui souffre. C’est un premier pas. C’est même plutôt une bonne chose. »
Nazi-vegan « Des végétariens qui votent à droite ? Là comme ça je n’en connais pas ! », rigole Suzie. D’ailleurs vendredi 23 mars au Veget’Halles, il n’y en a pas. « On est plutôt des non-violents, contre l’idée que la force fasse la loi, donc c’est plutôt de gauche », analyse Bernard, le financier.
Mais Jacques, chemise verte à rayures et végétarien depuis 1972, se souvient avoir déjà rencontré « un végétarien royaliste ». Natacha, elle, rappelle que « Hitler était végétarien. Ça montre bien qu’il n’y a pas de liens entre la gauche et le végétarisme. »
L’avis des experts Joint par StreetPress, Olivier Rafin de l’association Mangez Végétarien a sa petite idée sur le désamour des végétariens pour la droite et l’UMP en particulier : « Ce qui a fait bondir les associations végétariennes, c’est l’arrêté ministériel qui impose qu’il y ait des protéines animales à tous les repas ! » En effet, depuis le 30 septembre 2011, les collectivités doivent proposer un minimum de protéines animales dans leurs repas. Ordre du ministre de l’agriculture Bruno Le Maire.
Jacques a déjà rencontré un végétarien royaliste
En France, le rapport avec les vaches est très important
Début mars, l’Association Végétarienne de France a envoyé un courrier à tous les candidats à la présidentielle pour leur demander s’ils s’engageaient, une fois élus, à proposer chaque semaine un repas végétarien dans les collectivités. « Il n’y a que Mélenchon et Joly qui ont répondu ‘‘oui’‘ », regrette, jointe par StreetPress, Aurélia, la porte-parole de AVF. L’association se veut apolitique mais par la force des choses, son cœur balance.
Olivier Rafin, de Mangez Végétarien, rappelle pourtant que « les végétariens sont un million en France, une niche à ne pas négliger. Mais en face, il y a le lobby de la viande. Aucun parti politique ne veut se mettre à dos les éleveurs. En France, le rapport avec les vaches est très important. » Et de citer en modèle ses adversaires de Chasse, Pêche, Nature et Traditions :
« On est trop dispersés pour constituer un lobby. Les chasseurs par exemple sont le même nombre mais bien mieux organisés. Les végétariens, eux, ne vont pas beaucoup dans les associations. »
“Des végétariens qui votent à droite ? J’en connais pas!”
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