La scène remonte au 6 juillet dernier, veille du second tour des législatives anticipées. En ce début de soirée estivale, les lycéens Baptiste et Ethan (1) profitent d’une dernière baignade à la plage du Mourillon à Toulon (83). Alors que le bord de mer commence à se vider, un groupe d’une dizaine de personnes autour de trente ans, s’installe. Ethan en reconnaît certains, il les aurait vus sur la page Instagram du Maquis. Ce mouvement d’extrême droite identitaire est actif à Toulon, Aix-en-Provence (13) et Avignon (84), et se présente comme un « groupe de défense de l’identité provençale ». À cette même période, StreetPress a présenté un de leur membre, issu de la Marine nationale, qui a fait plusieurs saluts nazis dans un rassemblement contre l’extrême droite dans la ville du Var, déclenchant une enquête. Dans un contexte électoral très tendu avec une flopée d’agressions racistes, Ethan s’inquiète. « On ne va pas traîner avec des nazis », lance-t-il à son camarade qui n’a, quant à lui, jamais entendu parler de ce groupe.
Frappé avec une pierre
Mais dès la sortie de l’eau, les hommes du Maquis interpellent les lycéens : « Pourquoi vous nous regardez de loin ? » Au même moment, la seule femme du groupe semble les filmer avec son téléphone. D’après Sacha (1), témoin de la scène, la situation dégénère d’un coup : « J’ai tourné la tête quelques instants et puis j’ai vu des coups. » Selon les dépositions des lycéens, que StreetPress a pu consulter, les agresseurs auraient donné des coups de poing à Ethan qui commençait à rassembler ses affaires. Ils auraient ensuite frappé Baptiste au visage à l’aide d’une pierre. Ce dernier raconte :
« Je suis tombé d’un coup. Je saignais énormément et j’avais la mâchoire craquée. »
Choquées par la violence de la scène, les familles sur la plage commencent à s’interposer et appellent la police, ce qui fait partir les auteurs. Selon les dépositions, un membre du groupe aurait, en partant, crié :
« Les noirs et les arabes ne sont pas à leur place en France. »
Dans leurs plaintes, les lycéens précisent que Baptiste est métisse, d’origine malienne.
Bien que brève, l’agression a été violente. Baptiste a passé quatre jours à l’hôpital pour opérer sa mâchoire et va garder une cicatrice à vie. Avec ce coup à quelques centimètres de la tempe, les conséquences auraient pu être bien plus dramatiques, comme l’expliquent l’ensemble des personnes interrogées. « Un peu plus haut, il serait mort », lâche Ethan. Ce dernier, qui travaille en tant qu’animateur l’été, s’en sort avec cinq jours d’interruption de travail (ITT).
Sans nouvelles
À la sortie de l’hôpital, les deux lycéens déposent chacun plainte contre X pour violence commise en réunion. Grâce au compte Instagram du Maquis, ils identifient plusieurs suspects et transmettent leurs noms et photos à la police. Avec autant d’éléments, les deux familles partent confiantes. « On nous a dit qu’en trois mois, ça serait réglé », affirme Ethan.
Mais huit mois plus tard, les lycéens et leurs parents sont toujours sans nouvelles. Leur avocat, Frédéric Pariente, n’a pas plus d’informations. « Je m’apprête à écrire au parquet pour savoir où en est l’enquête », explique-t-il. L’avocat se dit tout de même serein : « C’est long, car la justice est dans un mauvais état, mais je ne me fais pas de soucis. Ils ont fourni des éléments essentiels », argue-t-il en référence aux photos fournies par les lycéens. Contacté par StreetPress, le parquet n’a pas souhaité indiquer si une enquête était ouverte.
Un collectif toujours actif
L’attente nourrit l’angoisse des deux mineurs. Le duo a déjà recroisé leurs agresseurs dans les rues de Toulon. « Dans ce cas, on fait demi-tour », explique Ethan. D’autant qu’un autre de ses amis, d’origine algérienne, se serait fait frapper en pleine rue par deux hommes durant la même période électorale. « Ils sont arrivés de dos et lui ont donné des coups de poing », raconte le mineur. Si le duo n’a établi aucun lien avec le Maquis, l’un des hommes portait un t-shirt avec le slogan suprémaciste : « White Power ». « C’est devenu facholand ici », se désole Ethan.

Sur son compte Instagram, qui compte près de 2.000 abonnés, le Maquis met en scène ses actions xénophobes. / Crédits : Capture d'écran Instagram
Quant au Maquis, le groupe réfute l’implication des militants identifiés par les lycéens : « Ni notre mouvement, ni nos militants, sympathisants, ou proches ne sont impliqués dans cette affaire. […] Nos actions sont publiques. » Sur son compte Instagram, qui compte près de 2.000 abonnés, le mouvement met en scène ses actions xénophobes. Comme cette banderole affichée sur la plage à destination des réfugiés syriens, les enjoignant à partir, après la chute de Bachar Al-Assad : « Bachar est parti, les vacances sont finies. » Dernier coup d’éclat, une distribution de flyers dans les rues de Toulon et Aix-en-Provence pour la Saint-Valentin. En se basant sur des chiffres trompeurs, si ce n’est inventés, le document établit un lien entre immigration et violences avec la mention : « Offrez la sécurité à ceux que vous aimez. » Ethan et Baptiste n’ont visiblement pas reçu le cadeau.
(1) Les prénoms ont été modifiés.
Illustration de Une de Caroline Varon.