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    06/01/2025

    « Toutes les mouvances de l'extrême gauche s’y retrouvaient »

    Bastons, chasse aux nazis et pintes de bière : vie et mort du Saint Sauveur, le bar antifasciste de Paris

    Par Clara Monnoyeur

    Le bar historique de la gauche radicale parisienne créé par Julien Terzics, le « chasseur de nazis », a fermé ses portes ce samedi 4 janvier 2025. Retour sur l’histoire et les légendes du repère antifasciste de Paris, né il y a 19 ans.

    Ménilmontant, Paris 20e – Au fond du bar, un homme en cagoule rouge et gants noirs tatoue un poing américain entouré du texte « Welcome to Ménilmontant ». De l’autre côté de la salle, demi de bière à la main, le chef de file de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon tente de se frayer un chemin parmi la foule. Assis au bar, l’homme politique trois fois candidat aux présidentielles a décidé de se déplacer exceptionnellement et prend la pose le poing levé. De l’autre côté, l’artiste et activiste queer décoloniale Habibitch – suivie par 50.000 personnes sur Instagram – attend sa conso. Plus tard dans la nuit, le mythique compositeur et producteur français DJ Pone commence son set parmi d’autres habitués plus anonymes, de tous les âges. Un dernier rendez-vous pour l’ultime soirée d’adieu du bar le Saint Sauveur : le QG de la gauche radicale ferme ses portes. Après 19 ans, le bar du 20e arrondissement est connu comme le bar antifasciste de la capitale.

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    Au fond du bar, un homme en cagoule rouge et gants noirs tatoue au choix : un poing américain entouré du texte « Welcome to Ménilmontant » ou un ange, emblèmes du bar le Saint Sauveur. / Crédits : Leo Kekemenis

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    L’artiste et activiste queer décoloniale Habibitch – suivie par 50.000 personnes sur Instagram – attend sa conso au bar le Saint Sauveur ce samedi 4 janvier 2025. / Crédits : Leo Kekemenis

    « Le Saint Sau’, c’est une famille : ici, tout le monde se connaît ! » À chaque entrée dans le bar, les mains se serrent et les bises claquent. Quant aux visages inconnus, ils sont vite remarqués, voire dévisagés. « Il s’est passé des choses au Saint Sau’, personne ne peut s’imaginer… Qu’est-ce que je peux raconter sans aller en prison ? », lâche un ancien barman. Alors « les secrets restent entre les habitués », assure-t-il avant de se reprendre :

    « Dans ce bar, j’ai vu des mecs sortir leur portefeuille pour payer et faire tomber un poing américain. »

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    Le QG de la gauche radicale ferme ses portes. / Crédits : Leo Kekemenis

    Dans ce milieu militant, les prénoms se changent en pseudos. « Des bagarres ? Ici ? Moi, en tout cas, jamais. Et je n’en ai jamais vues », rétorque Brendix (1), un habitué accoudé au bar le 13 décembre dernier, l’air faussement innocent. « T’as entendu parler de bagarres toi ? », balance-t-il à son comparse en riant. « Ici, on n’aime pas les journalistes. »

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    Jean-Luc Mélenchon tente de se frayer un chemin parmi la foule venue en nombre pour la dernière soirée du Saint Sauveur. / Crédits : Leo Kekemenis

    Mais la fin programmée de l’endroit libère quelques paroles. Il y a ceux qui ouvrent leurs archives photos, et d’autres qui scannent les murs, presque entièrement recouverts de stickers antifascistes et d’affiches de manifestations au fil des années. Les anciens eux, murmurent quelques légendes bien gardées. « C’est le seul lieu vraiment politique de France », martèle l’actuel et dernier gérant, Marto.

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    Après 19 ans, le bar du XXe arrondissement connu du milieu antifasciste pour être le lieu de ralliement de la gauche radicale ferme ses portes. / Crédits : Leo Kekemenis

    Le rendez-vous de la gauche radicale et des démunis

    « J’y allais à chaque fin de manif ! », lâche, dépité, un habitué en apprenant la fermeture. « Je ne connais pas un seul groupe militant qui ne se soit pas rencontré en grande partie au Saint Sauveur ! », assure Zelda, 25 ans, ex-barmaid et gérante. Elle a rencontré ses potes, ses amis et même son copain au bar :

    « Au Saint Sau’, on se rencontre et on milite ensemble ensuite. »

    Dans cette institution du quartier de Ménilmontant, les anciens skins, hooligans, communistes ou militants de la Confédération nationale du travail (CNT) côtoient la nouvelle génération d’anarchistes, autonomes, antifascistes ou activistes intersectionnels. Zelda, cheveux bruns et crayon noir sur ses yeux noisettes, fait partie de cette deuxième catégorie. La jeune femme a lancé les « Saintes Sauveuses », une programmation de conférences, ateliers, débats, expositions, dédiés aux luttes féministes. Parmi les invitées : la coordination féministe antifasciste, la syndicat des travailleurs et travailleuses du sexe (Strass), ou encore l’association afro-féministe DIIvinesLGBTQI+ :

    « C’est un lieu hyper important de socialisation des militants. Dans tous les milieux, les gens ont besoin d’un lieu physique pour se rencontrer. »

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    « C’est le seul lieu vraiment politique de France », martèle l’actuel et dernier gérant Marto. / Crédits : Leo Kekemenis

    Sorona, une ancienne barmaid, a ainsi vu les générations se succéder. Les anciens sont aussi arrivés au bar avec leurs enfants. La jeune femme de 38 ans les occupait avec la tireuse à bière, dont l’une des manettes porte son nom. « Je connais la vie de tout le monde ! Je suis même devenue marraine du fils d’un des clients ! », raconte, fière, cette figure du lieu.

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    Sorona, une ancienne barmaid, a ainsi vu les générations se succéder. Les anciens sont aussi arrivés au bar avec leurs enfants. / Crédits : Leo Kekemenis

    Le bar a toujours été un « refuge ». Son nom, d’ailleurs, n’a pas été choisi par hasard : le Sauveur Saint, ou Saint Sauveur, représente celui qui chassait les démons, guérissait les malades, accueillait les pauvres. « Tous les SDF du quartier venaient chez nous parce qu’on était le seul endroit qui les laissait entrer », se souvient Richie (1), qui accueillait aussi les vendeurs de roses et les livreurs :

    « L’hiver, ils se reposaient au chaud. Dans les autres bars, ils se faisaient jeter dehors. »

    L’âme de Julien Terzics

    « C’était ouvert à tous. Après… il fallait accepter l’ambiance ! Si tu n’étais pas dans le mood, on te faisait gentiment comprendre de dégager », tient à préciser Richie, qui a lui aussi tenu le bar. « Julien voulait un lieu où toutes les mouvances de l’extrême gauche puissent se retrouver », explique le gérant Marto à propos de son ami Julien Terzics. Le fondateur et propriétaire du Saint Sauveur a été emporté par un cancer en juillet 2024, à l’âge de 55 ans. L’homme au visage carré, aux bras tatoués et au regard dur a désormais son portrait accroché sur les murs. « Ce bar, c’était Julien. Sans lui, ce n’est plus Saint Sau’ », lâche un habitué. « C’était l’œuvre d’une vie », ajoute Marto.

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    Le fondateur et propriétaire du Saint Sauveur Julien Terzics est décédé en juillet dernier, à l’âge de 55 ans. / Crédits : Leo Kekemenis

    Dans les années 1980, les slogans racistes du Front national de Jean-Marie Le Pen s’affichent en plein Paris. Pour la première fois, le parti d’extrême droite réunit 15 % des suffrages. Des skins néonazis, exaltés par le contexte politique, additionnent les attaques violentes dans les rues de la capitale. Julien Terzics, fan de sport de combat, s’intéresse aussi au mouvement antifasciste. En 1986, il fonde les « Red Warriors », un groupe pour répondre aux identitaires. « Pour nous, les défoncer, c’était acte de salubrité publique », racontait le militant radical dans le documentaire Antifa, chasseur de skins, étoffant au passage sa légende de « chasseur de nazi ».

    Devenu la figure de la lutte antifasciste, il continue de militer sur tous les terrains, mais délaisse progressivement les bastons de rue. Dans les années 1990, il devient secrétaire confédéral à la CNT, donne des cours de boxe et rejoint comme batteur la Brigada Flores Magon, un groupe de oi! – un courant musical punk rock. Julien est encore partout, mais jamais vraiment chez lui. Las de traîner de café en café ou de squat en squat, le militant voudrait ouvrir le lieu où les différents courants de pensées de la gauche radicale seraient protégés. À Paris, ça n’existe pas encore. Marto, le gérant, embraye :

    « Quand tu vas dans les grandes villes italiennes, il y a 36.000 lieux. En Grèce, je n’en parle même pas. En Allemagne, tu as tous les squats… Et en France, il n’y a eu que le Saint Sauveur. »

    En 2005, Julien Terzics rachète un vieux local à un marchand de sommeil, où dormaient dans la salle du fond plusieurs ouvriers chibanis sur des lits picots. Situé dans le 20e, le lieu n’est pas choisi par hasard : le quartier fait partie des terrains conquis par la gauche, avec le 19ème et les principaux squat autonomes de l’époque y ont élu domicile. « Avant, les diverses bandes étaient éparpillées dans plusieurs bars, avec des patrons plus ou moins complaisants. On n’avait pas trop de lieu à nous. Et quand il a ouvert ça, ça a vraiment fédéré ! Tout le monde s’est retrouvé là-bas ! », explique Richie, l’ancien barman.

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    La fin programmée de l’endroit libère quelques paroles. / Crédits : Leo Kekemenis

    Violences et extrême droite

    « Il fallait une figure comme lui pour tenir ce genre de lieu », résume Marto, son ami de toujours, qui assure que, sans Julien, le bar n’aurait pas tenu deux ans. Les débuts sont difficiles. Des tensions montent avec les voisins de la « Banane », le quartier d’à côté. « Il y a eu des flingues posés sur la tête et tout », lâche un ancien qui souhaite rester anonyme avant d’ajouter :

    « Parfois, on passait de bonnes soirées et, parfois, on devait les éclater. »

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    Selon Marto, sans Julien à sa tête, le bar n’aurait pas tenu deux ans. / Crédits : Leo Kekemenis

    Julien Terzics fait partie de ceux qui considèrent la violence comme un mode d’action politique. Son bar a hérité de ses idées. « C’est un lieu qui n’avait pas de sécurité. C’était une auto-sécurité », résume Marto. « Le Saint Sauveur, c’était un lieu pacifiste… Avec les capacités de sa violence », avant d’ajouter :

    « Si on a tapé, j’en suis fier. »

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    La fréquentation du bar a longtemps été majoritairement masculine. / Crédits : Leo Kekemenis

    Julien Terzics craint lui les attaques de militants d’extrême droite. Surtout que la bande de Serge Ayoub, avec qui il est en guerre depuis les années 1980, vient lui aussi d’ouvrir son lieu dans le 11e arrondissement, « Le Garage ». Selon la légende, Julien Terzics aurait caché une arme derrière son comptoir, au cas où. Il n’aurait pas eu besoin de s’en servir.

    « Pendant quelques années, le Saint Sauveur a été le grand test des nazis et des fascistes un peu fous », reprend l’ancien. Une fois, un « gros légionnaire » serait rentré en déclarant : « Moi, je suis nazi, qu’est-ce qu’il y a ? », armé d’un couteau. « Ça a été joli, je peux te le dire… C’était horrible, horrible », rigole l’homme, sans préciser la fin de l’histoire…

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    e bar historique de la gauche radicale parisienne créé par Julien Terzics, le « chasseur de nazis », a fermé ses portes ce samedi 4 janvier 2025. / Crédits : Leo Kekemenis

    Mais le 6 juin 2013, le Saint Sau’ perd brutalement un membre de sa famille : Clément Méric, 18 ans, meurt sous les coups de l’extrême droite en plein Paris. Le groupe de jeunes antifascistes et des skinheads s’affrontent après s’être croisés par hasard à une vente privée de vêtements de la marque Fred Perry. Clément Méric se prend cinq coups violents au visage, dont certains auraient été donnés avec un poing américain. Deux militants des Jeunesses nationalistes révolutionnaires, dirigées par Serge Ayoub, sont condamnées en 2021 à huit et cinq ans de prison ferme pour violences volontaires en réunion ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Leur groupe d’extrême droite Troisième Voie est dissous dans la foulée.

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    Le 6 juin 2013 Clément Méric, 18 ans, meurt sous les coups de l’extrême droite en plein Paris. / Crédits : Leo Kekemenis

    Dans le bar, le nom de Clément Méric est partout. Une fresque en son hommage a été réalisée dans la rue d’à côté. Chaque année, les militants antifascistes marchent en mémoire du martyr. Sur une photo d’archive de mars 2013, le jeune homme mince au crâne rasé est assis à une table du Saint Sau’. Il est 17 heures, le bar vient d’ouvrir, et comme souvent, le pain et les rillettes sont gratuits pour les riverains. Grand sourire, le garçon, végan, se contente des tranches de pain. Il était ici chez lui.

    En 2020, la veille de l’anniversaire de sa mort, Les Zouaves Paris, groupuscule d’extrême droite issu du GUD, débarquent et gazent la terrasse du bar. Du gaz lacrymogène ? Une « technique de faible » pour les vieux skins. « Je n’étais pas présent ce jour-là, mais ça m’a touché : c’est le Saint Sau’, c’est chez nous, c’est la famille », confie Antoine (1), un habitué, qui aurait aimé être présent pour se défendre, pour contre-attaquer, pour faire quelque chose, énumère-t-il.

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    Le 6 juin 2013, le Saint Sau’ perd brutalement un membre de sa famille. / Crédits : Leo Kekemenis

    Un lieu mascu ?

    « Les premières années, la radicalité était totale : on a tapé énormément de mecs, c’était incroyable », se remémore Marto, fier. « Si tu rentrais avec des écussons antifa, il y avait toujours un vieux skin pour te dire : “Ah t’es skin ? T’es chaud ? Bah vas-y on va se taper !” ». Le rîte de passage le fait sourire. Dans une longue expiration de fumée, il ajoute :

    « Si tu te déballonnais, c’était mort : tu n’étais plus le bienvenu dans la famille, c’était fini. Alors je disais aux jeunes : “Vas-y, va prendre ta peigne, mets-toi en boule !” Et après on payait des verres aux gamins. »

    D’après lui, la fréquentation du bar a longtemps été majoritairement masculine. Il y avait aussi des femmes, parfois tout aussi violentes, comme les « Bird », des femmes skins.

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    Le DJ Stuff commence son set. / Crédits : Leo Kekemenis

    Le temps a passé, les gérants se sont succédé, et ces cérémoniaux ont cessé. Depuis plusieurs mois, le bar n’ouvre plus que trois jours par semaine, en prévision de sa fermeture. Ce vendredi 13 décembre 2024, à l’entrée, une table présente des stickers, des fanzines et des t-shirts aux couleurs du club de foot antifasciste du quartier, le Ménilmontant FC 1871. Ensuite, c’est soirée « italo disco ». Alix, femme trans, mixe de la house-électro-techno-communiste avec un maillot de l’URSS. Le temps de la Oi!, du ska, du punk-rock, du hardcore et du reggaeton s’est tari. « Avant il n’y avait pas de la merde », lâche Richie qui déteste les nouvelles playlists.

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    Un dernier rendez-vous pour l’ultime soirée d’adieu du bar le Saint Sauveur. / Crédits : Leo Kekemenis

    À l’image du milieu antifasciste qui s’ouvre et du quartier qui se gentrifie, la population du bar a aussi évolué. « Il n’y avait aucun noir ou arabe à l’époque, c’était que des skins blancs », glisse un habitué de longue date. Le bar se féminise, et les habitants du quartier viennent aussi prendre leur café. « C’est devenu la “place to be”, le lieu où il faut être », résume Marto. « Il y a eu une aseptisation du bar », estime celui qui ne se sent pas toujours en accord avec la jeunesse. Il rêve de faire la chasse aux « saloperies de bobos », qui seraient arrivés en masse dans le café. « C’était viriliste, mais quel bonheur ! », regrette un autre.

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    À l’image du milieu antifasciste qui s’ouvre et du quartier qui se gentrifie, la population du bar a aussi évolué. / Crédits : Leo Kekemenis

    Téléphone à la main, Richie fait défiler ses photos souvenirs. Un brin nostalgique, il se remémore son arrivée, à 16 ans, dans le milieu des skins tatoués aux cheveux rasés, musclés, Dr Martens aux pieds, jean bleu à ourlets. Puis, quand il a été embauché comme barman à 20 ans. Il a vu les touristes faire demi-tour la seconde après avoir poussé la porte. « Ils devaient se demander où ils étaient tombés. » Un soir, un client lui lance :

    « Un whisky et de l’eau pour mon cheval ! »

    Mort de rire, il ajoute : « C’était vraiment une ambiance de saloon. » L’odeur forte de tabac, la fumée envahissante dans l’ambiance sombre, les bastons…

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    Depuis plusieurs mois, le bar n’ouvre plus que trois jours par semaine, en prévision de sa fermeture. / Crédits : Leo Kekemenis

    Il y a eu le babyfoot démonté à cause des bagarres entre joueurs, les débats politiques qui partaient en embrouilles, les courses-poursuites après les mecs bourrés pour les empêcher d’aller sur la terrasse du voisin ou devant l’Ehpad d’en face. Et les lendemains moins joyeux, avec les voisins mécontents, les vomis sur le goudron, et l’odeur d’urine dans la ruelle adjacente, que tout le monde surnomme « la rue de la pisse ». Un ex-barman éméché résume :

    « C’était viriliste. D’accord. C’était violent aussi. Mais c’est politique. Si tu n’aimes pas, tu ne viens pas au Saint Sauveur et tu vas au Lieu Dit. »

    Le Lieu Dit, autre repère de la gauche militante version intello, également à Ménilmontant, vient de fermer ses portes. La Mutinerie, lieu de rendez-vous lesbien et queer, est, lui, écrasé sous les dettes.

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    Comme Julien Terzic le voulait, son bar sera vendu et l'argent sera reversé à ses enfants. / Crédits : Leo Kekemenis

    Ce 4 janvier 2025, c’est au tour du Saint Sau’ de célébrer sa clôture. « C’est le lieu qui ferme, mais tout ce qu’on a créé ici ne se perdra pas », se rassure l’ancienne barmaid, Zelda. Les slogans « Paris, Paris, antifa ! » résonnent dans la rue des Panoyaux, alors que le bar déborde de monde. Les lancers de fumigènes s’enchaînent, et recouvrent la place d’une fumée rouge étouffante, pendant qu’une banderole en l’honneur du patron est déployée au-dessus du bar. Dans un dernier lancé de feux d’artifices, les centaines de militants rassemblés sous la pluie regardent le ciel s’éclairer dans une détonation. Comme Julien Terzics le voulait, son bar sera vendu et l’argent sera reversé à ses enfants. Après quelques câlins et accolades, il faut partir. Sur le départ, tous se posent la même question : « Demain, on ira où ? »

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    Les lancers de fumigènes s’enchaînent, et recouvrent la place d’une fumée rouge étouffante, pendant qu’une banderole en l’honneur du patron est déployée au-dessus du bar. / Crédits : Leo Kekemenis

    Photos d’archives et de reportage de Leo Kekemenis

    (1) Les prénoms ont été changés.

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