En ce moment

    05/02/2024

    Certains vivaient là depuis plus de dix ans

    Cinq jours après l’incendie du foyer Adef de Montreuil les résidents retrouvent enfin un toit

    Par Lisa Noyal

    Dimanche 28 janvier, un incendie a détruit un foyer de travailleurs de Montreuil. Les locataires officiels sont relogés mais pas les 70 sous-locataires pourtant tolérés. Après cinq jours d’errance et de mobilisation, ils vont enfin retrouver un toit.

    Ivry-sur-Seine (94) – Ce jeudi 1er février, à l’entrée du centre sportif Pierre et Marie Curie, une trentaine d’hommes attendent. Ils discutent et font des allers-retours dans la pièce. « On est en train de répartir tout le monde dans quatre autres centres », explique Adja, militante photographe, en montrant un tableau sur une feuille. Après cinq jours d’errance et d’inconnu, le groupe s’apprête à passer leur deuxième et dernière nuit dans le gymnase de la ville d’Ivry. La mobilisation semble avoir payé : le gestionnaire de foyer Adef leur a promis un logement pérenne à partir de ce lundi.

    S’ils sont sans toit, c’est parce que le dimanche 28 janvier, en début de soirée, un incendie a démarré dans le foyer de travailleurs migrants Adef de Montreuil (93). Quatre étages ont été touchés soit une cinquantaine de logements. Les centaines de résidents ont dû précipitamment quitter leur domicile. Si la majorité a pu être relogée, environ 126 personnes se sont retrouvées à la rue le soir même. Parmi eux, plus de 70 résidents ont vécu sans logement fixe durant cinq jours.

    Un manque de réaction

    « J’étais au 7e étage en train de prier quand on a entendu du bruit », retrace Mamadou. Avant l’incendie, le quadragénaire vivait depuis sept ans dans la résidence sociale. Dans ce foyer, chaque chambre est officiellement occupée par un locataire. Mais la plupart la partage avec trois ou quatre colocataires, qui participent au loyer. Dès la première nuit, ceux munis d’un contrat de location ont pu être relogés, mais les surnuméraires, eux, se sont retrouvés pour la plupart à la rue. Mamadou confirme :

    « J’étais toute la nuit dehors dans Montreuil. »

    Dès le lendemain, le groupe décide de manifester devant la mairie de Montreuil, puis à nouveau le mardi. Mamadou répète qu’il est étonné du manque de réaction de la part de la mairie et de l’État face à leur situation. « On appelle la mairie, on appelle la préfecture, on dort dehors trois nuits et il n’y a pas de réponse », souligne révolté Mamadou, un résident du foyer depuis sept ans. Sophie Modier, présidente de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) de Montreuil, acquiesce. Elle juge la situation dramatique :

    « La mairie fait la morte depuis une semaine. On avait fait quatre propositions de réquisitions possibles, dont deux lieux qui appartiennent à la mairie. Même niveau vêtements et nourritures, ils n’ont rien fait. »

    La mairie de Montreuil de son côté souligne que malgré leurs demandes, la préfecture n’a pas réagi jusqu’en milieu de semaine. Elle certifie également que personne n’a dormi dans la rue la nuit du dimanche au lundi grâce « au réseau de solidarité ».

    Chaque jour, associations, collectifs, militants et habitants cherchent une nouvelle solution pour loger le groupe. Le lundi soir, c’est le cinéma le Méliès qui les accueille. La suivante, c’est un centre social. Puis le centre sportif Pierre et Marie Curie d’Ivry-sur-Seine qui ouvre ses portes pour 48 heures. Même s’il « fait froid » et qu’il « n’y a pas d’eau chaude, c’est mieux que dehors », résument les personnes interrogées.

    La crainte de perdre ses papiers

    Les résidents trimballent le peu d’affaires qu’ils ont pu sauver des flammes. « La seule chose que j’ai pu ramener, c’est ce que j’ai sur moi et mes papiers dans ma poche », lâche Souleyman en montrant sa tenue. Le travailleur en bâtiment vivait, dit-il, depuis 20 ans dans le foyer et y a laissé le reste de ses affaires. Pour ces travailleurs étrangers, la crainte de perdre leurs documents est générale. « Tout est brûlé, je n’ai rien pu récupérer », raconte un jeune malien qui vivait au 3e étage, un des plus touchés. La militante antiraciste Assa Traoré, qui accompagne le groupe depuis plusieurs jours dans la recherche d’un hébergement fixe, souligne :

    « Quand tu viens d’ailleurs le plus important ce n’est pas le matériel, ce sont les papiers. »

    « Tout a brûlé, certains doivent renouveler des documents, c’est une réelle préoccupation pour eux », poursuit-elle. De son côté, la mairie de Montreuil affirme qu’il n’y a pas eu de signalement de perte de documents majeurs et que si c’était le cas, elle accompagnerait les personnes dans les démarches.

    Et après ?

    L’accueil du centre sportif se vide petit à petit, certains vont dehors jouer au foot, d’autres partent s’installer dans la pièce de restauration pour discuter. Tout le monde semble plus serein car les résidents savent qu’ils passent leur dernière nuit ici avant de retrouver un hébergement fixe. La veille, des représentants des résidents et Assa Traoré avaient rendez-vous avec Adef pour trouver une solution. Après plusieurs heures de discussions, ils se voient proposer plusieurs appartements répartis dans quatre résidences d’Île-de-France. Les 70 résidents vont être séparés en plusieurs groupes : « Ils seront sept dans chaque appartement, deux avec papiers et cinq sans-papiers », décrit Adja, la militante photographe.

    Après cinq jours de galère, la crainte reste tout de même présente tant qu’ils n’ont pas mis un pied dans le logement. « J’espère que ce sera un bon logement, on n’a pas envie de redormir dehors », s’inquiète Souleyman. Pour Sophie Modier de la LDH, la situation n’est pas terminée :

    « Il en reste encore qui sont partis, on ne sait pas combien, on ne sait pas où ils sont, ils reviennent petit à petit… »

    Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.

    Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.

    Je fais un don à partir de 1€ 💪
    Sans vos dons, nous mourrons.

    Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.

    Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.

    Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.

    Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.

    Je donne

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER