Après le récent décès de sa grand-mère, Ismaël (1) quitte Mayotte pour rejoindre sa tante et ses cousins dans l’Hexagone. Mais à peine atterri à Roissy (95) le 23 novembre dernier, le jeune homme est placé en zone d’attente. Il est accusé par un agent de la police aux frontières d’avoir falsifié sa carte d’identité française. Aucune preuve n’est avancée. Mercredi matin s’est tenue l’audience devant la juge des libertés et de la détention (JLD) au tribunal de Bobigny (93) durant laquelle son maintien en zone d’attente a été repoussé à huit jours. « On prive un individu de sa liberté sur la base d’aucun élément factuel », résume son avocat Samy Djemaoun. Celui-ci parle d’une « détention arbitraire » et a fait appel de la décision ce vendredi matin.
Problèmes de santé
Né dans les Comores, Ismaël est arrivé très jeune à Mayotte en raison de ses problèmes cardiaques. Il aurait par la suite retiré sa carte d’identité française à la préfecture mahoraise en 2019. Malgré sa demande et un certificat médical mentionnant sa maladie cardiaque congénitale, le jeune homme n’aurait pas pu avoir accès à un médecin durant la semaine écoulée. Lors de la première audience de mercredi, Ismael semble essoufflé et amorphe. « Il dormait littéralement sur la table d’audience et pouvait à peine s’exprimer », décrit inquiet son avocat. La juge lui aurait alors indiqué de parler plus fort pour clarifier ses propos. Quand Me Djemaoun lui explique que son état actuel dû à ses problèmes de santé et aux conditions en zone d’attente ne lui permet pas, elle lui aurait répondu :
« Ce n’est pas une raison. »
Une procédure « vide »
« C’est une histoire complètement folle. Je n’ai jamais vu une procédure aussi vide… », s’étonne encore Me Djemaoun. Ce dernier, saisit par la famille, rapporte que le placement de son client serait uniquement basé sur les propos de la police aux frontières : « Vous vous présentez aux arrivées du terminal 2B avec une CNI [carte nationale d’identité] française contrefaite et ne disposez d’aucun autre document vous permettant l’entrée sur le territoire national », peut-on lire dans les observations de l’agent. Il n’y aurait ni trace de falsification ni d’éléments matériels allant dans ce sens.
Aucune recherche dans le fichier des titres électroniques sécurisés ni saisine d’un analyste en fraude documentaire n’aurait été effectuée pour vérifier cet élément. Aucun procès-verbal ni preuve du caractère falsifié aurait été avancé. Pour l’avocat, la charge de la preuve est ici renversée : « Le fait que le ministre de l’Intérieur ne verse aucun élément alors qu’il a tout à sa portée pour vérifier le caractère falsifié de cette carte interpelle grandement. Tout repose sur une déclaration aucunement corroborée d’un agent de la police aux frontières estimant que la carte est contrefaite. C’est très choquant. »
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En appel, c’est la même rengaine. Ismaël devra donc prendre un vol retour pour Mayotte dès ce samedi 30 novembre 2024. L’avocat regrette le durcissement d’entrée sur le territoire. Le 19 octobre dernier encore, une de ses clientes, une jeune française de 11 ans s’est vu retirer son passeport à son arrivée et a passé quatre jours en zone d’attente à Orly :
« On a de plus en plus de cas comme ça, c’est catastrophique. »
(1) Le prénom a été modifié.
Contacté, le ministère de l’Intérieur a transmis notre message au Sicop qui n’a pas répondu à nos sollicitations.
Photo de Une d’illustration de la zone d’attente de Roissy, prise par Yann Castanier lors d’un reportage en 2017.
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