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    30/03/2023

    La CPPAP défend sa décision

    La lettre d’extrême droite Faits & Documents bénéficie d’un agrément de « publication de presse » du ministère de la Culture

    Par Maxime Macé , Pierre Plottu

    La « lettre confidentielle » d’extrême droite Faits & Documents qui a diffusé la fake news : « Brigitte Macron est un homme », bénéficie d’un agrément de « publication de presse », accordé par la CPPAP qui dépend du ministère de la Culture.

    Peut-on accorder un agrément de « publication de presse » à une lettre confidentielle qui parle de « communauté organisée » pour évoquer la communauté juive ou qui se vante d’être « l’unique publication française à réellement traiter des réunions maçonniques ou des groupes mondialistes » (sic) ? Visiblement, puisque Faits & Documents bénéficie de l’agrément, délivré par la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP). Un organisme qui dépend du ministère de la Culture.

    La lettre confidentielle d’extrême droite a été fondée en 1996 par le journaliste Emmanuel Ratier, connu pour son obsession pour les « réseaux d’influence », spécialement s’ils sont liés de près ou de loin aux francs-maçons ou aux Juifs. L’homme, qui est décédé accidentellement en 2015, s’était rapproché de la galaxie d’Alain Soral au mitan des années 2000. Jusqu’à devenir le conseiller éditorial occulte de Kontre Kulture, la maison d’édition de Soral.

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    Au décès de l’ancien journaliste, ce sont deux hommes proches de Ratier mais aussi de Soral qui vont reprendre la production de la lettre confidentielle : Vincent Moysan et Xavier Poussard, comme l’avait expliqué StreetPress dans un précédent numéro de FAF, notre newsletter dédiée au suivi de l’extrême droite. Poussard est toujours le rédacteur en chef de Faits & Documents et s’affiche régulièrement dans des émissions avec Alain Soral.

    La CPPAP défend sa décision

    Cet agrément de « publication de presse », F&D en bénéficie depuis sa création, en 1996, nous confirme le secrétaire général de la CPPAP, Vincent Thierry. Une reconnaissance par l’Etat, donc, l’instance dépendant de la sous-direction de la presse écrite et des métiers de l’information du ministère de la Culture. En 2018, la société Edition et Documentation parisienne éditrice de la lettre (par ailleurs propriétaire du fond de commerce de Culture pour Tous, navire amiral de la Soralie) a déposé une demande de renouvellement. Demande à laquelle la Commission a répondu positivement par un courrier daté du 30 janvier 2019, que nous avons pu consulter et qui entérine cette inscription jusqu’au 30 octobre 2023.

    Vincent Thierry précise que Faits & Documents n’est pas éligible à la TVA à taux réduit et aux ristournes sur les tarifs postaux puisque la qualité de publication d’information politique et générale (IPG) lui a été refusée par la CPPAP. La formation plénière de la Commission a ainsi « estimé que cette publication n’avait pas pour objet principal d’apporter, de façon permanente et régulière, des informations, analyses et commentaires sur une diversité de sujets politiques et généraux ».

    « Il n’appartient pas à la CPPAP de procéder à un contrôle de la “qualité” des “informations publiées” explique Vincent Thierry, le pluralisme de la presse est un “objectif à valeur constitutionnelle” ». Ainsi, « la CPPAP ne se prononce donc en aucune façon sur la “couleur” politique de la ligne éditoriale d’une publication. Elle a cependant déjà refusé l’inscription (ou le renouvellement) d’une publication au motif que son directeur de publication a fait l’objet d’une condamnation définitive, par le juge pénal, pour avoir commis certains des délits les plus graves prévus par la loi ». Et de citer l’exemple du journal ouvertement antisémite Rivarol. « Aussi, poursuit M. Thierry, en l’absence de condamnation pénale du directeur de la publication pour des propos tenus dans ses colonnes, la CPPAP ne peut pas juridiquement, considérer que celle-ci est “antisémite”. »

    Cette même commission avait pourtant pris moins de précautions juridiques pour retirer l’agrément accordé à France Soir. Motif invoqué par la CPPAP en novembre 2022 : « Défaut d’intérêt général et atteinte à la protection de la santé publique. » Pas de condamnation donc, mais plutôt un retrait motivé par l’ensemble de l’œuvre journalistique récente du canard préféré des conspi-antivax.

    Il y avait quelques éléments pour offrir le même traitement à Faits et Documents. La « lettre confidentielle » a été fondée par le journaliste et documentaliste Emmanuel Ratier. Il est certes passé par Sciences Po’ et le CFJ (une école prestigieuse de journalisme), mais il est surtout le disciple du collaborationniste Henry Coston, ouvertement antisémite et conspirationniste. Ratier a développé une obsession pour les sociétés secrètes. Il allait, selon nos informations, jusqu’à envoyer ses disciples infiltrer la franc-maçonnerie ou un mouvement de jeunesse juif radical, le Betar. Emmanuel Ratier n’en restait pas moins un journaliste plutôt rigoureux qui a dégoté quelques scoops. Il avait, par exemple révélé en 2011, une liste des membres du Club du Siècle, un cercle mondain où se côtoient politiques, hommes d’affaires et journalistes influents.

    Mais cette rigueur s’est envolée avec le décès de son fondateur. Dernièrement, sa lettre a surtout fait parler d’elle pour avoir affirmé que Brigitte Macron serait transgenre. Un infox basée sur rien ou si peu qui est allègrement depuis reprise par les sphères complotistes notamment.

    Les auteurs de cette brillante enquête pourraient, même en théorie, prétendre à la carte de presse. Pour l’obtenir, il faut en effet exercer une activité de nature journalistique depuis au moins trois mois consécutifs et avoir perçu au moins 50% de ses revenus d’un organe de presse. Ce qu’est Faits & Documents puisqu’il a un numéro de CPPAP. Rien ne prouve cependant qu’une telle demande a été déposée. Contactée par StreetPress, la CCIJP qui attribue les cartes de presse n’a pas répondu à nos questions.

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