McDroits a cru avoir sa première victoire. Depuis août, ce collectif composé de salariés et d’anciens commis de la chaîne mondiale McDonald’s dénonce les discriminations et le harcèlement au sein de l’entreprise. Le syndicat a récolté 140 témoignages (1), publiés en octobre dans l’enquête conjointe de StreetPress et Médiapart, qui a démontré un système toxique au sein de la World Company.
Après ce coup de pression et une campagne médiatique, McDroits a obtenu mi-novembre un rendez-vous avec des représentants de McDo’, dont le directeur des ressources humaines. Depuis, c’est la déception : rien ne se passe.
Après un premier rendez-vous, McDo France nous pose un lapin !
— Collectif McDroits (@mcdroits) February 15, 2021
Vous vous souvenez que nous avions obtenu un entretien avec McDo France en novembre dernier ?
Eh bien figurez-vous que depuis, ils n'ont respecté aucun des engagements pris au cours des négociations ! https://t.co/Eox4UOTjZg
La désillusion
Obtenir un rendez-vous chez McDonald’s est « très rare quand on critique et qu’on relève des problèmes », explique Myriam, une des porte-paroles du collectif McDroits. À l’époque, l’entreprise s’engage à former « tout le personnel sur les questions de discriminations » ou encore à créer « un numéro d’appel pour avoir une assistance ou alerter sur les autres problèmes de discrimination, théoriques selon eux », détaille Myriam. Les responsables de la société du Big Mac promettent aussi d’envoyer des notes de service au sein de leurs restaurants, pour rappeler, entre autres, que la jupe n’a pas à être obligatoire. Mais les membres du collectif sont mitigés. Durant la réunion, certaines décisions ont été annoncées avant même que McDroits puisse en discuter avec la direction. « Il y avait peu de place pour des négociations », indique Myriam.
La satisfaction d’avoir fait bouger McDo’ s’estompe au fil des mois. « Les formations promises ne sont pas suffisantes. Elles se passent en visio et sont individuelles. Il n’y a pas de discussions sur ce qu’est le racisme ou le sexisme, même si c’est un début », détaille Myriam. Les formations ont seulement lieu dans les restaurants qui dépendent directement de McDo’ – soit 5% des enseignes du M, les autres sont tenus par des franchisés. Quant au numéro d’appel, qui avait été promis, il n’a pas été mis en place. Le port de la jupe a de nouveau été imposé à des salariées, selon des témoignages récoltés par le syndicat. La porte-parole de McDroits se désole :
« Peu de choses sont mises en place pour que les comportements se modifient et qu’il n’y ait plus ces discriminations systémiques chez McDonald’s ! »
Pourtant, par mail, l’enseigne assure à StreetPress être « pleinement mobilisé » pour tenir les engagements pris depuis trois mois. Elle assure travailler sur « une feuille de route, restaurant par restaurant ».
Ghosting et licenciement
D’autant que, depuis la rencontre, c’est silence radio du côté de la direction. « À la fin de la première réunion, on avait convenu de se revoir, ils n’avaient pas l’air réticents », se souvient Myriam. Depuis McDroits a envoyé des mails et une lettre recommandée. Tout est resté sans réponse pendant des semaines. Après deux mois et de multiples relances, la World Company leur a assuré que « des moyens sont en train d’être mis en place », sans répondre à la demande de rencontre. Un leurre pour Myriam :
« On a clairement l’impression qu’ils ne veulent plus discuter avec nous, alors qu’en parallèle ils communiquent beaucoup sur leur lutte contre le sexisme et les violences sexuelles. »
Les actes du géant des burgers diffèrent pourtant avec sa communication publique. En décembre, l’entreprise annonce fièrement dans un communiqué et sur les réseaux sociaux qu’elle renforce ses dispositifs de lutte contre « toute forme de sexisme » et qu’elle rejoint « l’initiative de référence sur l’égalité “femmes-hommes” #StOpe ». Sauf que le 19, la société licencie Mathilde, comme l’a révélé Mediapart dans une enquête début janvier. La salariée avait témoigné auprès de McDroits contre le comportement de deux hommes qui harcelaient sexuellement des femmes dans son fast-food du Havre. Face à cette situation, elle avait organisé une grève et rejoint McDroits. Officiellement, la commis aurait été virée pour « faute grave pour des messages privés parlant du directeur et des membres de l’équipe de direction, et un like d’un commentaire », précise Nastassja, l’autre porte-parole de McDroits, qui assure :
« Ce sont clairement des excuses pour la licencier. »
Mathilde, elle, a contesté le licenciement aux prud’hommes.
Mathilde a été convoquée le 16 décembre pour son entretien préalable à son licenciement et a reçu sa lettre le 19 décembre. / Crédits : DR
Une participation à la manif du 8 mars
Devant ces promesses non-tenues, le collectif prévoit de se faire entendre lors de la journée internationale des droits des femmes. Les membres vont organiser une conférence de presse et des prises de paroles à Paris, près de Denfert-Rochereau, avant de rejoindre le cortège de la manifestation. « On fera des collages durant la manif pour interpeller McDonald’s, pour leur dire qu’on attend toujours une réponse », sourit Nastassja.
« On savait bien que ça n’allait pas être idyllique et que nous n’allions pas changer l’entreprise en une négociation », résume Myriam. « Mais c’est toujours décevant de voir qu’ils ne tiennent pas le peu d’engagements qu’ils ont pris. »
Photo d’illustration de Yann Castanier dans un McDonald’s à Paris le 24 septembre 2020.
(1) Edit le 05/03/2020 : Nous avions écrit que McDroits avait récolté 40 témoignages. C’était le cas en octobre 2020. Depuis, le collectif en a récolté 140.
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