Elle espère ne plus jamais y remettre les pieds. Maria (1) et sa fille de neuf mois ont passé une semaine « effrayante » au centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot (77). Saleté, fatigue et stress ont rythmé leur quotidien. Originaire de Côte-d’Ivoire, elle est en France depuis environ un an. La jeune femme a déposé une demande d’asile et chaque mois, elle doit pointer à la préfecture. Sauf qu’à la fin du mois de mai, alors qu’elle se rend à la préfecture pour émarger, on lui apprend qu’elle doit être renvoyée vers l’Italie pays par lequel elle est arrivée. « La France considère ne pas être responsable des demandes d’asiles quand des personnes comme Maria sont en procédure Dublin », explique Candice Leroy, accompagnatrice juridique à la Cimade. En attendant un éventuel avion, elle est enfermée en Centre de rétention… avec son nourrisson de neuf mois. Un bambin qu’elle allaite encore.
La France a été condamnée à plusieurs reprises pour sa politique d’enfermement des enfants. Pourtant depuis le 19 mai, six autres familles se sont retrouvées dans la même situation, dont six enfants âgés de trois mois à 14 ans. La dernière en date est une fillette de quatre mois, placée en rétention le 13 juin dernier avec sa mère par la préfecture du Bas-Rhin d’après La Cimade.
Entourés de barbelés
Derrière les barreaux, rien ou presque n’est fait pour accueillir des enfants. En mars 2018, dans un rapport, le contrôleur général des lieux de privations de liberté indiquait :
« les conditions matérielles d’hébergement, minimalistes, sont (…) totalement inadaptées à l’accueil des enfants. »
« En théorie, c’est censé être un peu adapté pour les enfants, mais à part deux jeux dans la cour et une table à manger dans le réfectoire, il n’y a pas de grandes différences. », explique Elsa Charnois de la Cimade. Au Mesnil-Amelot où a été emmenée Maria, les hommes seuls sont séparés des femmes, enfants et couples. « Nous étions avec d’autres femmes, dont certaines étaient enceintes, mais il n’y avait aucune différence ou traitement de faveur pour nous », raconte Maria.
Adaptés ou non, les enfants restent enfermés dans un centre entouré de barbelés et clôturé par des grilles. Les portes métalliques sont seulement ouvertes et fermées par des policiers, présents en grande majorité au Mesnil-Amelot. « Ils nous surveillent tout le temps. On a très peu d’intimité », se rappelle la jeune mère. La journée, aucune activité n’est mise en place pour occuper les enfants. « Je sortais un peu dans la cour pour marcher avec ma fille, sinon je restais dans la chambre. »
Hygiène douteuse
À l’exception des couches, aucun vêtement ni produit d’hygiène étaient donnés à la fille de Maria. « Même du savon, on n’en avait pas, assure-t-elle. Je la rinçais seulement avec de l’eau, pas très chaude. » Un manque d’hygiène qu’elle constate aussi dans sa chambre. Sans oreiller, avec une seule couverture, elles dormaient sur un lit simple « très sale ». « Ça grattait, on avait des petits boutons. » Les nuits étaient compliquées. Entre le froid et le bruit, difficile de trouver le sommeil. Le Cra du Mesnil-Amelot est tout près de l’aéroport Charles De Gaulle :
« Ma fille était effrayée par les avions qui décollaient et atterrissaient. Elle se réveillait d’un coup et commençait à pleurer. Quand elle ne dormait pas, moi non plus. La journée, on était épuisé. »
Les problèmes liés à l’alimentation ont particulièrement troublé Maria :
« [Certains policiers] ne voulaient pas qu’on sorte avec la nourriture après l’heure du repas. On devait manger à 18 h, mais si on avait faim à 20 h, ce n’était pas possible. »
Les retenus ont un laps de temps précis pour manger. Avoir un enfant à nourrir ne vous en accorde pas plus. « J’avais seulement cinq minutes pour donner le sein à ma fille. En plus, je ne mangeais pas beaucoup donc j’avais très peu de lait pour elle. » Au petit-déjeuner, on sert du pain et du café. Midi et soir, c’est repas unique, et « parfois le même au déjeuner et au dîner », précise Elsa Charnois. Les plats, déjà peu fournis en quantité, ne correspondaient pas aux habitudes alimentaires de la jeune femme. Et aucun plat de substitution ne lui est proposé.
Neuvième condamnation
Le 31 mars dernier, la France a été condamnée une neuvième fois par la Cour européenne des droits de l’homme pour sa politique d’enfermement des enfants dans les centres de rétention administrative. La jurisprudence de la CEDH considère que la rétention des enfants dans ces lieux constitue un traitement inhumain et dégradant. « Les juridictions nationales nous répètent que l’enfermement n’est pas prohibé en soi et que le but recherché en retenant une famille, c’est de l’expulser au plus vite », s’indigne Candice Leroy.
À l’exception de la famille récemment placée en rétention, toutes les autres ont été libérées au bout d’une semaine. « La CEDH qualifie le traitement inhumain au bout de sept jours. Les préfectures libèrent généralement à la fin de cette durée pour éviter de nouvelles condamnations. » La Cimade joue aussi un rôle dans la libération des enfants, en saisissant le défenseur des droits ou en envoyant des requêtes auprès de la CEDH. « Les familles sont réparties dans le centre d’hébergement où elles avaient une place, mais il est possible que certaines perdent leurs conditions matérielles d’accueil parce que la préfecture peut aussi les avoir placés en fuite », nuance l’accompagnatrice juridique. Aucune n’a été renvoyée dans le pays par lequel elles sont arrivées, car elles ont refusé le test PCR obligatoire pour être expulsées. « Dans ce cas, ça annule le vol », explique Candice Leroy.
Malgré les contestations, la fermeture des Cra n’est pas pour demain. En 2025, un troisième centre devrait ouvrir ses portes au Mesnil-Amelot. 64 places supplémentaires sont prévues.
Image de Une : photo du CRA de Mesnil Amelot par Yann Castanier en 2017
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