« Des figues en avril », c’est le dernier film du journaliste et écrivain Nadir Dendoune, sorti en salle le 4 avril dernier. « C’est le portrait d’une femme de 82 ans, immigrée en France, qui a élevé ses neuf enfants dans un quartier populaire », raconte le réalisateur par téléphone. Dans son film, il retrace le parcours de sa mère, Messaouda Dendoune. Originaire d’Algérie, elle débarque en 1960 en France pour rejoindre son mari arrivé quelques années plus tôt. Depuis que ses enfants sont partis et que son mari a été placé dans une maison médicalisée, elle vit seule :
« L’exil, l’amour, la pauvreté, la solitude,… Au final, c’est l’histoire de beaucoup d’autres. Mais on ne leur a jamais donné la parole. »
A travers ce portrait de sa mère, l’auteur voudrait raconter une génération d’immigrés. Auto-produit et auto-distribué, le long métrage est tourné « avec une vieille caméra cassettes, pour que l’image colle avec le propos du film ». Il nous en dit plus :
Ce film est un hommage à vos parents, mais une génération de personnes qui a immigré en France pour offrir une meilleure vie à ses enfants s’y est reconnue. Vous vous y attendiez ?
Oui, parce que c’est un témoignage rare. Je savais qu’en faisant un film sur ma mère ça parlerait à d’autres mais pas à ce point-là. Ce film comble un vide et c’est la raison pour laquelle il fonctionne. Quelles que soient nos origines, nous les pauvres, on a tous des points communs. Nos parents sont invisibilisés, on ne veut pas parler d’eux. Quand on parle des pauvres à la télé, c’est pour les caricaturer. Le film rétablit la réalité, c’est un témoignage d’époque. Dans quelques années, il n’y aura plus de personnes qui ont vécu les mêmes choses que ma mère. Et dans 50 ans, en voyant le film, on se dira « alors ça s’est passé comme ça » et on n’oubliera pas leurs histoires.
Bande-Annonce Des figues en avril
Qu’est-ce qui vous a poussé à faire ce film maintenant ?
(repitw) Un an après le placement de mon père, qui est atteint de la maladie d’Alzheimer, en maison médicalisée, j’ai senti que ma mère avait besoin de parler. Comme dans le film, elle est à la fois grave et heureuse. Elle ne revendique rien. Elle dit que c’est son mektoub, son destin, de ne pas avoir pu retourner au bled comme elle en rêvait tant. Elle se dit que c’est dommage mais elle est heureuse.
Vous avez donc commencé à la filmer ?
Ma mère a plein d’histoires. Elle avait beaucoup de choses à dire. J’en ai discuté avec une amie monteuse, Stéphanie Molez, puis j’ai commencé à la filmer sans trop savoir ce que j’allais en faire. C’était comme des séances de psy pour ma mère, elle me raconte et j’écoute. Quand finalement j’ai regardé les rushs, je me suis dit qu’on pouvait en faire un film. A ce moment-là, ma mère ne réalisait pas vraiment qu’il aurait une sortie en salle, aujourd’hui elle est touchée de voir que beaucoup de personnes se reconnaissent dans son vécu.
On met rarement en avant les parcours de personnes immigrées qui ont élevé leurs enfants à bout de bras. C’est encore plus vrai lorsqu’il s’agit d’une femme. Elles ont toujours vécu dans l’ombre. C’est un film à message universel.
Plusieurs salles n’ont pas accepté de diffuser le film, pourquoi ?
On nous a expliqué qu’il n’y a pas de public pour ce genre de film. Ca n’est pas contre nous, ça arrive à plein d’autres films. Les salles ne nous font pas confiance et c’est leur droit. Mais ça me fait plaisir de prouver qu’ils se sont trompés. A chaque projection, la salle est comble. A Argenteuil, ils ont carrément dû ouvrir une deuxième salle. Après notre but n’est pas de brasser des sous, mais d’aller à la rencontre du public. Aujourd’hui je suis à Saint-Etienne, demain ce sera à Mantes-la-Jolie, dimanche au Louxor, lundi à Argenteuil et jeudi à Roubaix. J’essaye de participer à un max de projections, je me bats vraiment pour ce film.
Qu’attendez-vous de la diffusion de ce film ?
Notre pari c’était de faire entrer dans un cinéma des gens qui n’y avait jamais mis les pieds. Ma mère n’y était jamais allé avant. Il y a souvent des jeunes qui viennent me voir pour me dire qu’ils emmènent leur mère au cinéma pour la première fois, ça me touche vraiment. C’est l’effet recherché. On veut faire du cinéma populaire.
L’enjeu, c’est aussi de se réapproprier notre histoire. On en a marre que d’autres parlent à notre place. Le paternalisme et la condescendance, il y en a eu assez. Les films qui ont pour décor la banlieue ne fonctionnent jamais dans les quartiers populaires. C’est parce qu’ils ne sont pas faits pour nous donc ils ne nous parlent pas. Maintenant, c’est aussi à notre tour d’écrire et de faire des films.
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