En ce moment

    24/01/2017

    A l’hôpital, je bosse (juste) 70 heures par semaine

    Par Paul Delval , Lucas Chedeville

    Paul est interne à l’hôpital de Clamart. Il est censé bosser 48 heures par semaines. C’est déjà pas mal, pourtant, il est plus proche des 70. En plus nombre de ces heures ne sont pas payées.

    J’ai commencé en novembre dernier à l’hôpital de Clamart. Théoriquement, je devrais travailler 48 heures par semaine. Je suis toujours aux alentours de 70, voire plus. Je me suis vite rendu compte qu’il y avait toujours des choses à faire une fois que ma journée est officiellement terminée. Il faut avancer le travail, y’a les gardes, etc… On est censés avoir des jours de repos, de compensation, mais en fait, on ne les prend que partiellement parce qu’on est aussi, mine de rien, demandeurs de venir travailler et d’apprendre.

    Que je fasse 20 heures ou 110, je vais être payé pareil

    Le truc à ne pas oublier avec cette règle des 48 heures, c’est que si tu la respectes parfaitement, c’est comme si tu avais fait 6 mois de stage en moins à la fin de ton internat. Soit un semestre de moins sur toute ta formation. Dans mon service, officiellement ils sont très à cheval sur les 48 heures. Dans la pratique, c’est nous qui gérons ça nous-mêmes, y’a pas de contrôle réel ni de truc officiel. En gros, ils te disent “oui oui il faut absolument respecter les horaires” mais ce n’est pas tout à fait le cas.

    En tant qu’interne, j’ai un statut mixte à la fois d’étudiant et de médecin. Résultat : je suis payé à un tarif d’étudiant (moins que le smic horaire), mais mon temps de travail officiel est le même que celui des médecins séniors, sauf que je n’ai pas de RTT. Que je fasse 20 heures ou 110 heures, je vais être payé pareil. C’est juste les gardes qui sont payées en plus (130 euros les 24 heures dont 12 au tarif de nuit) mais c’est tout. En plus, dans le service où je suis, on n’est pas payés pour les astreintes, seulement pour le fait d’être à l’hôpital le week-end.


    « Que je fasse 20 heures ou 110 heures, je vais être payé pareil. »

    Paul, interne en médecine

    C’est illégal

    Quand on nous dit qu’il n’y a pas de budget, c’est faux. C’est pas les 60 euros (une demi-garde) que coûte l’astreinte pour un interne qui vont ruiner l’hôpital. La solution trouvée depuis quelques temps est la même pour tout le monde (les internes et les seniors) : au-delà du temps des 48 heures, nous sommes supposés prendre des jours de repos (que l’on ne prend pas, rappelez-vous).

    Dans un service où je suis passé, les internes ont obtenu de faire payer une astreinte comme une demi-garde ce qui est déjà un gros progrès. Après, c’est vraiment selon les services.

    Quand j’ai fait la remarque à mes supérieurs, ils ont rapidement éludé la question : “Oui mais tu sais c’est difficile…” comme d’hab. Et on est bloqués parce que si un jour moi tout seul je décide de ne pas venir pour protester, je me mets en défaut, je mets en défaut le médecin que je suis censé relever. D’autant que lui n’a pas le droit de rester, du coup tous les médecins doivent travailler plus. C’est un cercle vicieux. Encore plus vicieux depuis que tout cela est passé sous couvert des 48 heures obligatoires.

    Des potes passent quasiment 3 semaines h24 à l’hôpital

    Au niveau du temps libre, ça complique pas mal les choses. Je n’ai pas pris de vacances depuis fin août, mes prochaines, ça va être fin février. Je commence à être un peu crevé là. Surtout que mes jours de repos sont répartis de manière assez inégales. Avec l’épidémie de grippe, l’hôpital souhaite ouvrir une unité dédiée à la grippe dont les malades seront à la charge des internes de l’hôpital, en plus de leurs malades habituels, sur une unité à part entière avec présence 7 jours sur 7. Inutile de dire que la question de la rémunération ou de la compensation du temps de travail n’a même pas été abordée par la direction.


    « La question de la rémunération ou de la compensation du temps de travail n’a même pas été abordée par la direction. »

    Paul, interne en médecine

    Après je ne suis pas le plus à plaindre. Dans certains services de réanimation parisien, où des potes travaillent, les internes sont d’astreintes de week-end trois semaines d’affilée. Ça veut dire qu’ils passent quasiment trois semaines h24 à l’hôpital. Ils sortent dans un état de fatigue qui n’est bénéfique pour personne.

    Les hôpitaux tentent de masquer le problème

    La plus grande crainte des hôpitaux c’est de se faire pointer du doigt par l’Etat. C’est pour ça que dans beaucoup de services, ils prennent un interne en plus. Ça leur permet de faire croire qu’ils vont respecter la règle des 48h à la lettre et ne pas perdre l’accréditation pour accueillir des internes dans le service. C’est complètement illusoire. Il faudrait une vraie mobilisation de tous les acteurs pour vraiment faire bouger les choses.

    Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.

    Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.

    Je fais un don à partir de 1€
    Sans vos dons, nous mourrons.

    Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.

    Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.

    Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.

    Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.

    Je donne

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER