Place de la République (Paris 3e) – Il est 22h et Momo a soif. Pour acheter une bière après la fermeture des supérettes aux alentours, ce deboutiste a ses habitudes. Au milieu des badauds le quinquagénaire tombe sur Thomas, son vendeur préféré. Il vide ses poches et lui file un peu plus de 5 euros pour une canette de Heineken. La veille Momo n’avait plus assez d’argent. Son dealer de canettes lui avait avancé deux bières pour finir la soirée. Depuis, il le rembourse petit à petit. A coup de gestes commerciaux, Thomas s’est rapidement construit une petite clientèle :
« Sur la place, j’ai une dizaine d’habitués. »
Son record : plus de 200 bières vendues en une soirée. / Crédits : Denis Meyer
Thomas squatte République depuis 2 semaines avec son caddie rempli de 1664, Heinekein ou Kro’. A partir de 22h, la plupart des commerces proches de la place ferment et les vendeurs de bières ambulants en profitent. A 3 euros la canette de 50 cl le business du vendeur mauritanien est florissant malgré la concurrence.
Un caddie rempli de 65 canettes
Mercredi 20 avril, un « orchestre debout » interprétait La symphonie du nouveau monde, d’Antonin Dvorak place de la République. 350 musiciens et plus du double de spectateurs profitaient du concert au pied de la statue de Marianne. Thomas a le smile :
« C’était encore mieux que vendredi dernier, j’ai dû écouler plus de 200 bières»
Tous les jours vers 19h, il se pointe à Nuit Debout avec son caddie qui peut contenir 65 canettes. Quand le réservoir est épuisé, il retourne chez lui à Gare de l’Est faire le plein. Sur le chemin il taxe des glaçons dans les bistrots pour garder ses boissons au frais. Sur chaque carton de 45 bières acheté dans les supermarchés, le vendeur de 23 ans affirme empocher à peine plus d’une dizaine d’euros :
« Beaucoup de gens négocient les tarifs et quand je vois qu’il n’ont pas assez j’accepte quand même. »
Il fait aussi crédit pour les bons clients comme Momo.
Une bière et une AG, c'est ça la vie! / Crédits : Denis Meyer
Des petits soucis avec la sécu
Pour se démarquer des autres vendeurs Thomas empile une ou deux bières sur sa tête. Mais cela attire aussi l’attention du service d’ordre du mouvement. Le jeu du chat et de la souris est incessant entre vendeurs et organisateurs. Bandeau blanc de la sécu autour du bras gauche, un homme d’une cinquantaine d’années peste :
« C’est pas compliqué vous restez près de la statue, pas dans la foule. On a vraiment autre chose à faire que de rappeler la limite toutes les dix minutes. »
La ligne imaginaire censée délimiter le périmètre « autorisé » est vite franchie. Un grand gaillard de l’orga rouspète :
« On ne veut pas de mélange des genres, pas de vente d’alcool au milieu des commissions »
Thomas s’exécute. Il sait que son activité n’est pas toujours bien vue. La vente d’alcool reste interdite sur la voie publique et la police intervient parfois pour l’en dissuader. Les forces de l’ordre lui ont confisqué plus de 100 canettes depuis le début. Il préfère cependant ne pas faire de vagues. « C’est la loi, ils ont raison », reconnaît-il, beau joueur.
Nettoyeur de locaux la journée
La journée, jusqu’à 16h, Thomas nettoie les grandes surfaces et autres commerces. Il refuse de préciser pour quel enseigne il travaille. Il a peur que son patron découvre son nouveau job d’appoint.
La méthode de Thom' pour attirer l'attention des deboutistes. / Crédits : Denis Meyer
Son frère jumeau est également présent à l’autre bout de République. Les 2 hommes ne restent jamais après minuit ou une heure du mat’. Passé cette heure, certains badauds, déjà éméchés, ne s’enquiquinent plus des tarifs et se montrent assez menaçant pour obtenir de quoi se faire mousser le bide. C’est presque le seul point négatif pour Thomas. Après le service, il squatte parfois sur la place. L’occasion de voir l’un des nombreux films qui y sont projetés chaque soir.
*Le prénom a été modifié.
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