En deux ans, le site Haute Culture est devenu la référence des mixtapes de rap français. Ce format, hérité de l’époque où les DJs sortaient des compilations sur cassettes, cartonne aux États-Unis depuis des années. Pas une grosse tête d’affiche US qui ne passe pas par la case mixtape. De Drake à Young Thug, ils ont tous sorti un projet gratuit qui annonce leur album. Sur Haute Culture, 50 nouvelles mixtapes sont mises en ligne chaque semaine. Les rappeurs ou beatmakers sont libres de poster leurs productions. Le contenu est ensuite dispo en téléchargement libre pour les internautes, sans forcément s’inscrire.
Importé des US
Le concept de la plateforme germe, en 2013, dans la tête de Chuck, un ricain de 23 ans qui vit à Washington. L’étudiant, qui a un temps vécu en France, remarque le succès des plateformes de mixtape aux US, sans trouver d’équivalent dans l’Hexagone. Au pays de l’oncle Sam, le site DatPiff est le leader du secteur et publie les mixtapes de Kendrick Lamar à Future. Mehdi Maizi, journaliste de l’Abcdr du son, décrypte le phénomène chez les Yankees :
« Lil Wayne ou Young Thug ont construit un culte grâce aux mixtapes. Ça existe depuis un moment même si ça n’avait pas forcément ce nom-là. 50 cent était déjà une star avant son premier album grâce à 50 cent Is The Future. »
Tout est gratuit. / Crédits : -
Avec quelques potes, Chuck lance officiellement Haute Culture le 1er Janvier 2014. Une centaine d’artistes français jouent le jeu. A l’époque, la tête de gondole est 3010. Le cofondateur raconte :
« Je trouvais que le rap français était trop centré sur les majors. Il n’y avait pas assez de diversité. Je voulais soutenir les nouveaux styles. »
Des nouveaux rappeurs qui veulent être découvert
Haute Culture est plutôt le site des nouveaux talents. En janvier, la barre des 10.000 mixtapes sur le site est dépassée. DJ Weedim, producteur pour Alkpote, a déjà balancé plus de 10 projets instrumentaux sur le site. Il explique :
« C’est tout bénéf, Haute Culture a besoin de contenu et peut offrir une vitrine pour les jeunes talents. C’est de la promo mutuelle. »
L’un des derniers succès du site est le rennais Lorenzo qui squatte le top de la semaine depuis la sortie de son premier projet Empereur du sale le 31 mars.
Quelques stars sur Haute Culture
Haute Culture connaît son plus gros succès en octobre 2014. Gradur n’a pas encore sorti l’Homme au Bob, son album, futur disque d’Or. Barclay, sa maison de disque, accepte d’offrir une mixtape en exclusivité quelques mois avant. Une exception en France, où le modèle single promotionnel avant l’album domine. Pour chaque téléchargement de ShegueyVara, une adresse mail est demandée. En une semaine 50 000 fans chopent la mixtape : une grosse base de clients potentiels pour l’album qui va suivre
Le groupe MZ, dont certains clips dépassent plusieurs millions de vues sur Youtube, a lui aussi sorti une mixtape sur Haute Culture avant l’album « La Dictature ». Davidson, le manager du groupe, confirme :
« Haute Culture est la plateforme la plus adéquate pour fidéliser le public. »
Aujourd’hui les ventes digitales et le streaming ne rapportent pas beaucoup aux artistes. Internet est plutôt une vitrine. « L’émergence des mixtapes est aussi une conséquence de la consommation gratuite sur Internet », explique Mehdi Maizi.
Haute Culture mise sur YouTube
Le seul revenu de Haute Culture provient de la publicité. Contrairement à son grand frère américain DatPiff, où les rappeurs peuvent payer et sponsoriser leurs mixtapes, sur Haute Culture ce sont Chuck et ses potes qui s’occupent de classer les prods dans les différentes catégories. La répartition se fait en fonction des goûts et de la popularité (vues et téléchargements). Les rappeurs et le site conviennent parfois d’une exclusivité du projet en échange d’une mise en avant sur la home page.
La gratuité est indissociable des mixtapes. Haute Culture veut se développer via sa chaîne Youtube, en s’appuyant sur des jeunes rappeurs. Chuck souhaite s’inspirer d’une chaîne comme Rap Nation qui compte 73 millions de vues et touche donc des royalties. Une nouvelle version du site devrait voir le jour prochainement avec une place plus importante pour les clips. Des articles et des news sur le rap français y seront également intégrés.
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