« Je suis au Kirghizistan pour une conférence sur la paix », dit-il par téléphone à StreetPress, quand, nous le contactons pour la première fois, courant novembre. Ce jour-là c’était le Kirghizistan, mais un autre jour c’était la Tunisie, et un autre jour c’était Saint-Avold. Pas facile d’attraper Hassen Chalghoumi, « l’imam de Drancy », porte-parole proclamé et contesté des musulmans de France.
StreetPress a essayé pendant près de deux mois, sans succès. Pourtant, on se disait que ce serait intéressant de connaître un peu mieux son métier de recteur. Et quel imam : Chalghoumi, c’est le gars bonne poire qui accourt sur les plateaux quand il faut expliquer aux journalistes que les musulmans n’ont rien à voir avec l’assassinat d’Hervé Gourdel. Chalghoumi, c’est le chantre de la paix entre Israël et la Palestine, « mais plutôt côté Israël », résume Madjid Messaoudene, élu Front de gauche à Saint-Denis et opposant farouche au recteur :
« C’est l’idiot utile de la classe politique islamophobe. Sur la forme, c’est un analphabète, qui a le niveau de français d’un gamin de CP. Sur le fond, il est imam comme moi je suis boulanger. »
Une mosquée 3 étoiles
Direction Drancy donc, au bout de la ligne 7, un vendredi vers 13 heures. C’est le jour et l’heure où Chalghoumi est censé délivrer ses prêches, dans cette mosquée coincée derrière le parking du supermarché Carrefour. Le reste du temps, soit 9 fois sur 10 selon les fidèles, c’est un Imam comorien qui s’en charge.
Orange et moderne, le lieu a ouvert en 2008 à l’initiative du maire (UDI) de la ville, Jean-Christophe Lagarde. « Au moins, c’est un vrai lieu de culte, avec une grande salle », se réjouit Jamel*, médecin de 49 ans, de retour de la prière un vendredi. Et d’ajouter :
« Quand on est dans une cave, ce n’est quand même pas la même chose. »
C’est la première des raisons avancées par nos interlocuteurs pour expliquer leur présence ici : c’est ce qu’il y a de plus proche de chez eux et en plus, « il y a un grand parking ». Pratique. Jamel, lui, vit à Drancy depuis 10 ans et n’a pas besoin de voiture. Mais s’il vient ici, ce n’est pas non plus par amour pour l’imam Chalghoumi et ses prêches :
« C’est vrai qu’il ne répond pas à ce qu’est la réalité des musulmans. Il n’a pas le profil et les capacités requises, sur le plan religieux et linguistique. »
« Chacun vient prendre ce qu’il y a à prendre »
Dans ses prêches, Chalghoumi défend « l’intégration, le bon comportement dans la société, avec soi-même et avec son Dieu », résume Jamel. Il se contente d’expliquer des passages du Coran, disent d’autres fidèles à StreetPress. Ce jour-là, la prière vient de prendre fin. Il y a eu tellement de monde que des tapis ont été installés dehors pour que tous aient une place.
Les hommes sont de tous les âges, et visiblement de tous les milieux : certains sont en costume, d’autres en survêt, d’autres, plus rares, en qamis. Sur une table, du jus d’orange et un grand plat de riz à la tomate sont à disposition. Peu importent les polémiques, dit un homme, « moi je viens ici avec mes devoirs devant Dieu, et c’est tout ». « Chacun vient prendre ce qu’il y a à prendre », synthétise Jamel.
Une parole médiatique contestée
Mais sur les apparitions médiatiques du recteur, c’est une autre histoire. Ce vendredi, à la mosquée, un jeune homme portant le béret et qui a repéré notre qualité de journaliste s’approche de nous :
« Nous, on n’est pas extrémistes, on est pour la paix, on n’a rien à voir avec les tarés qui décapitent. »
Enfin quelqu’un qui soutient l’activisme médiatique de l’imam de Drancy ? « Chalghoumi ne représente que lui, personne ne peut dire qu’il parle au nom des musulmans », tranche, en fait, le jeune homme au béret. Il ajoute :
« C’est comme vous. Marine Le Pen dit qu’elle représente tous les Français dits de souche, mais ce n’est pas vrai. »
« Il n’arrive même pas à finir une idée »
Le problème, c’est qu’aux yeux des médias qui l’invitent, Chalghoumi semble représenter un peu plus que lui-même. Comme quand il écrit un livre avec David Pujadas et va en faire la promotion dans On n’est pas couché. Une émission dont certains fidèles de la mosquée de Drancy gardent un souvenir irrité. Jamel évoque ce moment où les invités choisissent de montrer des dessins de presse qui leur plaisent.
« Il y avait des dessins pornographiques, et ils l’ont provoqué avec ça. Il n’a pas su quoi répondre. Etre dans cette position, un peu ridiculisé, ça n’agrandit pas son image dans les yeux de sa communauté. »
Et puis, quand il parle, « il n’arrive même pas à finir une idée », souligne Jamel. Et de théoriser :
« Je pense qu’il est poussé à être sur le devant de la scène, il y a de la manipulation. En revanche, je ne sais pas s’il s’en rend compte ou pas. Je pense qu’il doit savoir un petit peu ce qu’on attend de lui. »
A la recherche d’Hassen Ghalghoumi
Et l’intéressé ? Début novembre, la première fois que StreetPress lui parle au téléphone, par l’entremise de son assistant Jaffa, il se montre enthousiaste à l’idée d’un article sur sa mosquée et ses fidèles. Mais il ne sera pas là avant deux semaines. Deux semaines plus tard, rebelote : il ne sera pas là avant le 28 novembre. Le 28, on y va, mais il n’est toujours pas là. Jaffa nous invite gentiment, mais avec insistance, à ne parler à personne.
Au final, on est censé rencontrer Chalghoumi à la mosquée le 12 décembre. Et ce jour-là, il est bien là, mais… « Je ne vous ai pas envoyé de SMS pour vous confirmer », nous dispute-t-il à moitié quand un employé de la mosquée nous fait entrer dans son bureau. « Je vous serre quand même la main », lance-t-il avec un sourire, promettant de nous parler, mais pas maintenant, car « je rentre de voyage et je suis débordé ». Puis de se replonger dans sa conversation avec les hommes qui l’entourent. Ce sera l’unique rencontre avec lui, et le dernier contact.
* le prénom a été modifié à sa demande
Reportage effectué fin 2014.
Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.
Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.
Je fais un don à partir de 1€Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.
Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.
Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.
Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.
Je donne
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER