« Comme je fais encore de la télé, c’est facile de savoir si je suis vivant ou mort. Il suffit de regarder IDF1. » Facile mais Jacky Jakubowicz, 66 ans, n’a pas l’air très jouasse quand StreetPress lui apprend qu’une des premières suggestions de Google quand on tape « Jacky Club Dorothée » est « Jacky Club Dorothée mort ». Fact-checking : ce mardi, dans le bâtiment de la chaine de télé IDF1, à deux pas du Stade de France, il est bien vivant. Et dans une heure, il va présenter le 997e numéro de son émission quotidienne : le JJDA.
Club
IDF1, c’est la TNT francilienne, mais Jacky Jakubowicz revient des grandes heures du hertzien. Il était l’une des vedettes du Club Dorothée, cette émission pour enfants diffusée sur TF1 de 1987 à 1997. Il faisait le zouave aux côtés de Dorothée, Ariane et Corbier (le type un peu effrayant). A l’époque, jusqu’à 75 % des enfants devant leur télé le mercredi après-midi se branchaient sur TF1. C’était la grande époque, surtout que Jacky avait parallèlement sa propre émission, le Jacky Show, sur la même chaîne. Maintenant, il relativise :
« J’étais déjà connu quand j’ai fait le Club Dorothée. Avant, j’ai fait plein de choses hein. »
En roue libre, il déballe sa carrière :
« J’ai démarré par Chorus avec Antoine de Caunes, Les Enfants du rock, Platine 45, et avant la télé j’ai fait attaché de presse de Gainsbourg et aussi de tout le catalogue anglais de Phonogram, Roxy Music, Genesis. »
N’empêche qu’aujourd’hui encore, il aime rappeler qu’il faisait des années avant tout le monde le « Ice Bucket Challenge » dans « la séquence culte le Jacky Seau ». Et de sous-entendre qu’il serait l’inventeur du concept :
« Il faut rendre au JJDA ce qui appartient au JJDA, et à César ce qui appartient à César. »
Rabbi Jacky
Misère de la notoriété télévisuelle : quand on disparaît de TF1, c’est comme si on avait disparu tout court. Des bisbilles entre TF1 et le groupe AB, producteur de l’émission, conduisent à la disparition du Club Dorothée en 1997. Depuis, Jacky en a fait des choses : il a monté une boîte de production, nommée Une grosse boîte américaine, qui a créé des dessins animés pour TF1 et Canal J. Il a écrit des articles people dans Entrevue. Il a animé pendant sept ans, sur TFJ, une chaîne juive, le Rabbi Jacky Show, où il a demandé à Stéphane Bern s’il était circoncis.
Jacky sur le plateau du JJDA, sur IDF1 / Crédits : Frantz Durupt
De bric et de broc
Ok, on le voit encore à la télé. Sur la TNT francilienne, tout au fond sur votre télécommande, canal 32. Le JJDA, même dans le genre trucs à part, c’est à part. Après l’interview, on suit Jacky, qui a revêtu un pantalon orange et une veste assortie et couverte de LEDs, jusqu’au plateau de l’émission : en fait un studio de bric et de broc posé dans un couloir ouvert aux quatre vents, où passent régulièrement des employés de la boîte. Ca fait huit ans que l’émission a été lancée. Description par Jacky :
« Comme on n’avait pas tellement d’argent sur IDF1, on s’est dit « On va faire une émission un peu kitsch ». Pas cheap, mais kitsch. Ça rappelle les années 80, les débuts de la FM, les premières émissions un peu artisanales où on ne filtrait pas, c’est à dire que tout le monde peut appeler. »
Et en effet, quand on appelle le 32 67 (« 1,35 € / appel + 0,34€ / min, hors surcoût éventuel de l’opérateur »), c’est Jacky qui décroche directement, sans intermédiaire. C’est d’ailleurs ainsi que StreetPress l’a contacté. Deuxième coup de fil ce mardi : Robert. Le type se dit « proxénète », vivant dans le 17e arrondissement de Paris. Apparemment, ce n’est pas son premier passage à l’antenne. Il demande à Jacky :
« Qu’est-ce que tu fais au bois de Boulogne à minuit ? »
« Je te l’ai déjà dit, je fais mon jogging », répond Jacky, visiblement pas mal à l’aise. Il faut dire qu’il a l’habitude :
« Il y a des gens qui m’insultent, qui profitent de la télévision pour dire des grossièretés car c’est humain. En m’appelant moi, ils se désinhibent complètement. »
47 millions de téléspectateurs
On se demande comment il fait pour meubler une heure d’antenne chaque jour en direct, certes avec au moins un invité. Une de ses astuces est de passer beaucoup de temps à rappeler que son émission est « inculte devenue culte », et que c’est lui, Jacky, qui la présente. Sinon, il appuie toutes les trente secondes sur un clavier qui lance des applaudissements enregistrés. Et elle lui plaît, son émission :
« Qu’on aime ou qu’on aime pas, c’est la seule au monde. C’est une émission qui à mon avis pourrait fonctionner sur d’autres chaînes plus importantes, mais ils le feront pas parce qu’ils ne veulent pas prendre de risque ».
Et peu importent les audiences, il n’en a « aucune idée ». La chaîne est trop confidentielle pour être mesurée par Médiamétrie. Chaque jour donc, il donne les audiences réalisées la veille par les chaînes « préhistoriques », et déduit le total des 65 millions de Français que compte le pays. Lundi 17 novembre, c’était un joli score pour le JJDA : 47.649.089 téléspectateurs.
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