Paris, 14e. « Moi, la photo du Conseil général de Corrèze, je l’ai tout de suite décrochée du mur », raconte en riant Magalie, 20 ans. Dans les quelques 89 chambres que compte la résidence Corrèze, au 9 de la rue Bourdelle, les cadres photos magnifiant la campagne corrézienne sont les seuls références au département. Mais les locataires préfèrent souvent les cacher. Et même le directeur de l’établissement, Pascal Baudoin, environ la quarantaine, reconnaît qu’elles sont un peu kitch. D’ailleurs, il est prévu de les remplacer.
La « résidence Corrèze », c’est quoi ? Un immeuble consacré à l’accueil de jeunes Corréziens de 18 à 26 ans. Les règles : on y vient pour une année maximum, le temps de se trouver un logement pérenne, pour finir ses études et/ou se lancer dans la vie professionnelle. Les tarifs défient toute concurrence : de 416 € par mois pour 16 m2 à 640 € pour 22 m2, à deux. Avec possibilité de bénéficier des aides au logement. Dans le coin, ce n’est pas loin de 300 euros de moins que la même chose dans le privé.
RESEAU
(img) Fière d’être Corrézienne
« Sans ça, je n’aurais pas eu les moyens de monter à Paris », tranche Tiffany, 22 ans, venue pour se lancer dans le mannequinat. Le 20 décembre, son séjour se termine, et quand StreetPress la rencontre, elle ne sait pas encore où elle habitera ensuite. Mais au moins, ce pied à terre à Paris lui aura permis de trouver quelques jobs en tant qu’hôtesse d’accueil. Et puis, à la résidence, elle a rencontré quelqu’un « dont les parents sont dans le stylisme ». Ça fait du réseau.
Pour entrer dans la résidence Corrèze, il faut avoir « un projet social », ça veut dire un job ou une formation en vue, et ne pas être trop riche. Avoir des relations peut aider, aussi. Magalie, 20 ans, venue pour terminer un BTS esthéticienne, reconnaît :
« J’ai pu entrer plus facilement car ma mère connaît M. Hollande de l’époque où il était président du Conseil général. »
La résidence a été ouverte en 1996, à l’initiative de Jacques Chirac, maire de Paris jusqu’en 1995 et ancien président du Conseil général de Corrèze. Il y a une liste d’attente, de trois ou quatre mois. Il faut que la famille réside en Corrèze, mais pas forcément qu’elle y soit née. « Il y a de tout, aussi bien des ingénieurs, des BTS de design, de commerce, d’esthéticienne, que de banquier ou d’apprentissage EDF », dit Pascal Baudoin. Des danseurs aussi, et quelques personnes dans la mode donc.
UNE PLACE AU SOLEIL
Le lieu n’a pas grand-chose de typiquement corrézien, excepté ces fameuses photos dans les chambres. Ces dernières sont simplement meublées : une kitchenette, un lit une place, une table et voilà. A part ça, il y a la salle commune, avec son mobilier des années 1970 et des grands cadres du Conseil général qui expliquent :
« Tous les jeunes ont droit à une place au soleil ! »
En l’occurrence, le soleil, c’est Paris.
(img) Mario party!
Il y a aussi des drapeaux du département qui attendent une grande occasion pour être déroulés. Cette salle commune, en fait, ne sert guère plus que trois ou quatre fois par an. Pascal Baudouin, le directeur de l’établissement, est un grand fan de Mario Kart, il organise donc parfois un tournois sur le jeu de course.
Le reste du temps, c’est calme comme un immeuble. « On se dit bonjour en se croisant », explique Magalie. Venant de Tulle, de Brive-la-Gaillarde ou d’autres patelins de Corrèze, certains résidents retrouvent pourtant ici des camarades d’école ou de collège. Guillaume, qui a quitté la résidence en 2011, et qui travaille désormais comme un magicien, en garde un souvenir ému :
« On était entre copains d’enfance. C’était comme une énorme colonie de vacances, avec des règles mais pas de vacances. »
COUVRE-FEU
Car il y a quand même un règlement, qui fixe notamment qu’on ne reçoit pas d’invités dans les chambres après 22 heures. Ça ennuie un peu tout le monde. Mais bon, il y a de la marge. Directeur depuis 2011, Pascal Baudoin est un type à la cool, plus que son prédécesseur, un ancien militaire.
Parfois, Pascal Baudoin sévit et colle des avertissements, mais ça ne va pas vraiment plus loin. Il est lui-même un résident : il vit avec sa compagne au rez-de-chaussée de l’immeuble, et il compte quelques anciens locataires parmi ses potes.
Il invite StreetPress à boire l’apéro chez lui. Dans son appart il y a des guitares, de la bonne musique, et une Wii U bien sûr pour jouer à Mario Kart. Mais, déformation professionnelle, il ne peut pas s’empêcher de nous demander, à propos d’une des résidentes qu’on vient d’interviewer:
« Dites voir, elle a encore un chat dans son appartement ? »On ne caftera pas.
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