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    28/11/2014

    Ils voulaient dénoncer la colonisation, c’est raté

    Manif contre Exhibit B, la performance qui montre des Noirs en cage

    Par Frantz Durupt

    A l’intérieur du théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, un public blanc est venu assister à la performance. De l’autre côté de la vitre, plusieurs dizaines de manifestants pour la plupart noirs dénoncent une mise en scène raciste.

    Saint-Denis, 93 – jeudi 27 novembre. Vlan, les barrières tombent et une bonne centaine de personnes se regroupe devant les vitres du théâtre Gérard Philipe, protégé par un cordon de policiers, où doit avoir lieu la première représentation d’Exhibit B. « Respectez nos ancêtres », demandent-ils, portant des pancartes où on lit : « J’suis pas un objet », « Décolonisons l’imaginaire », « A bas les zoos humains ». Au porte-voix, des représentants de la Brigade antinégrophobie appellent à « ne pas répondre aux provocations », mais à « frapper si on nous frappe ». Au final, aucun débordement, juste une vitre brisée.

    De chaque côté de la vitre

    C’était jeudi soir que devait avoir lieu la première représentation d’Exhibit B. C’est quoi ? Une « installation-performance » (terme employé par ses programmateurs) signée du Sud-Africain blanc Brett Bailey, qui se présente comme une succession de « douze tableaux vivants qui dénonce des actes commis, d’une part, en Afrique, pendant la période coloniale, et, d’autre part, aujourd’hui, en Europe, envers certains immigrés africains ».

    Exhibit B repose sur le regard du visiteur, qui doit soutenir celui de performeurs noirs, choisis parmi la population locale, dans une mise en scène rappelant les zoos humains. Cette fin de jeudi après-midi à Saint-Denis, dans la nuit tout juste tombée, un autre échange de regards se joue : à l’intérieur du théâtre, derrière les panneaux vitrés, des Blancs observent, impassiblement, des Noirs qui expliquent qu’en dépit de toutes les bonnes intentions affichées par l’auteur, « ce qui est fait pour nous, sans nous, est contre nous », reprenant une phrase de Nelson Mandela. « On est des sauvages, on n’est pas capables de comprendre l’art », ironisera l’un d’eux.

    Culture pour les Blancs

    La comédienne Amandine Gay, lors d’une discussion visible dans cette vidéo à 1’30’’, va plus loin :

    « En France, 90 % des metteurs en scène sont des hommes blancs. Le gros des structures théâtrales sont dirigées par des hommes blancs. C’est un spectacle pour les Blancs, c’est un spectacle qui ne plaît qu’aux Blancs d’ailleurs. »

    La pétition lancée par les militants John Mullen, Ndella Paye et Nathalie Levallois, signée par près de 20 000 personnes, ne dit pas autre chose :

    « Cette exposition, censée sensibiliser le public sur l’ignominie qu’a été l’esclavage, mais où l’oppresseur blanc n’est, contrairement aux noirs privés de parole qui portent ces tableaux, jamais montré, représente une version raciste, indigne et erronée de l’histoire. »

    Hier, la foule regroupait aussi bien des étudiants que des lycéennes, des hommes que des femmes, certains sortant tout juste du travail. Ainsi de cet homme en costume :

    « On est toujours montrés en soumission, jamais en révolte. Ils sont où, nos héros ? »

    A une femme blanche qui se plaignait de n’avoir « pas son mot à dire car blanche », une femme noire a répondu :

    « Moi, mes ancêtres, on ne leur a pas demandé si on les mettait à fond de cale ou pas.»

    Le théâtre annule un « temps d’échanges »

    Pendant plus d’une heure, ils attendent que le théâtre dise si oui ou non la représentation est annulée. L’atmosphère est tendue, l’attente est longue, alors ils entonnent : « Exhibez le directeur ! Exhibez le metteur en scène ! ».

    Pas de bol : ni l’un ni l’autre ne sort. Seule réponse du théâtre Gérard Philipe et du 104, qui doit accueillir l’installation à partir du 7 décembre : un texte publié sur leurs sites le 18 novembre :

    « Comment peut-on juger d’une œuvre sans l’avoir vue et demander son annulation sans la connaître et en l’accusant du contraire de ce qu’elle dénonce ? Faut-il dorénavant penser à travers des a priori ? Programmer Exhibit B est un acte responsable. C’est une œuvre artistique d’une force et d’une clarté incontestable. »

    StreetPress a pu parler rapidement aux attachés de presse du théâtre Gérard Philipe vendredi après-midi, juste avant le début d’un nouveau rassemblement. Un « temps d’échanges » était prévu ce vendredi, mais il a été annulé. Pas très désireux de s’étendre sur le sujet, le théâtre a indiqué que les opposants à Exhibit B n’ont « ni voulu venir voir la pièce, ni voulu participer à la rencontre ».

    Ce vendredi, nouvelle manifestation. L’ambiance serait bien plus tendue :


    Certains dénoncent même des violences policières :


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