Spatium est un “extrait” de l’exposition Hic, ouverte depuis le 18 Novembre au Centre d’art de la Villa Arson, à Nice. Cette grande exposition, regroupant les travaux d’une cinquantaine d’artistes, représente un projet un peu particulier, une exposition venant conclure le travail théorique de discussion et de réflexion de l’ensemble de La Forme des idées, un groupe d’artistes, de philosophes et autres personnalités issues de trois écoles d’art (ENBA de Lyon, Villa Arson de Nice, ESBA de Montpellier).
Comment raconter la prise d’otages par Human Bomb à Neuilly ?
Le groupe Spatium occupe deux pièces de l’exposition, au sous-sol du centre d’art : une salle du Graal et une salle des archives. La salle des archives retrace le parcours intellectuel du groupe, à travers les différentes réalisations qui ont accompagné sa genèse.
Tout part d’une anecdote très médiatique survenue en 1993 : la prise d’otage, par celui qu’on appelle depuis “Human Bomb”, d’une école maternelle de Neuilly, et l’intervention directe de Nicolas Sarkozy. L’ambition du groupe, sous la direction de Bastien Gallet (philosophe) et de Christophe Hanna (poète), est, dans un premier temps, de trouver une forme artistique qui vienne écrire une contre-histoire de la prise d’otage de Neuilly. Il en naît plusieurs formes au fil des workshops et des séminaires : un opéra (filmé, sur la musique de la Flûte enchantée) ; une sitcom ; un livre ; une série de photographies documentant les tournages. Tout ceci ou presque est présenté dans la salle des Archives, sous une forme inaboutie qui témoigne d’un travail en cours. Ce qui s’en dégage, c’est la recherche d’une sorte de Graal : quelle forme (forcément idéale) donner à un récit ? Comment incarner dans la matière d’une œuvre d’art un savoir fait de mots ?
La salle du centre, dite justement « salle du Graal », présente les essais de réalisation matérielle de ce travail de réflexion très théorique : quatre jeunes artistes ont proposé leur version de cette quête métaphysique. Leurs propositions, tout en demeurant dans l’ambiguïté entre l’achevé et l’en-cours, le complet et l’incomplet, viennent illustrer le débat des philosophes sur le fond et la forme.
HIC / L’exposition de LA FORME DES IDEES
Quand ? 19 novembre 2010 – 16 janvier 2011
Commissariat: Julien Bouillon, artiste et enseignant à la Villa Arson
Exposition ouverte tous les jours sauf le mardi de 14h à 18h.
Entrée libre !
Villa Arson
20 avenue Stephen Liégeard, Nice
L’installation, inspirée des décors d’une sitcom
Benjamin Collet et Lisa Duroux réactivent les décors qu’ils avaient réalisés lors du tournage de la « sitcom » : un travail de menuiserie à grande échelle, montré tel quel – des plaques d’aggloméré sont appuyées contre un mur, à côté de poutres liées par des sangles, comme si elles allaient être bientôt enlevées – mais où différents éléments aux formes identifiables émergent.
Une pyramide tronquée de plusieurs mètres de haut surplombe une étrange mer aux profondeurs d’un noir très pur : il s’agit d’une plaque de Dibon vierge, dont la surface liquide réfléchit l’image du spectateur. La plaque est de l’exact format d’un monochrome d’un vert vif peint à même le mur opposé, et qui servira de « fond d’incrustation » (une technique de studio pour incruster des acteurs sur un fond vidéo) pour la performance d’Emilie Marc. Contre le mur, à l’entrée de la pièce, des cylindres de bois donnent l’échelle chromatique de l’installation à travers cinq petites touches de couleur à peine perceptibles.
Une pyramide tronquée
Un paysage de montagne et un programme 3D
Un peu plus loin, l’étrange paysage de montagnes en six petits modules carrés de papier de l’œuvre de Lucille Uhlrich repose sur une table d’atelier. Cet objet mystérieux, conçu selon la technique de l’origami japonais, constitue un passage entre le cube et la pierre : les petites montagnes se replient les unes sur les autres pour former un cube, forme élémentaire de l’art et de l’abstraction. Dans l’autre sens, elles se referment sur une roche aux reliefs géométriques, conçue avec un programme de 3D, métaphore de la matière brute de l’art et de la potentialité contenue dans la pierre, qui n’a pas encore reçu la forme que l’artiste va lui imprimer.
Modules de papier
Des chanteurs se mêlent au public, sorte d’opéra minimal
Le soir du vernissage, un événement vient faire résonner l’ensemble et traverser comme un souffle ce paysage aride et métaphysique (au sens où l’on appelle “métaphysique” la peinture d’un De Chirico) : des voix, dont les sources sont difficiles à identifier au sein des centaines d’invités du vernissage, s’élèvent d’une pièce à l’autre de la Villa Arson. Les murs vibrent de sons tenus, parfois stridents, qui se déplacent dans l’espace et changent avec l’architecture du lieu.
Les chanteurs sont dans la foule et font mine de s’y fondre (voir la vidéo ci-dessus). Dans un deuxième temps, celui du dévoilement, ils se regroupent autour du monochrome vert, qui devient lui aussi un décor, un fond dont la vocation est d’être changé en post-production, et qui contient donc potentiellement l’infinité de tous les décors possibles. Devant ce paysage vert, les chanteurs s’accordent lentement sur une même note : la résolution de la tension entraîne la fin de la performance. Le minimalisme musical d’Emilie Marc répond au minimalisme des formes.
Les rappels formels sont nombreux d’une pièce à l’autre et tissent un étroit réseau de liens qui rendent l’ensemble exceptionnellement cohérent, sur la base commune de l’idée de potentialité : les pièces montrées par ces quatre jeunes artistes ne sont pas “finies”, elles ne tiennent pas de discours définitif. Elles demandent de la part du spectateur un effort d’imagination et d’interprétation, facultés déjà sollicitées par la sobriété globale de l’installation. Une superbe proposition commune de ce que pourrait être le nouveau minimalisme, dans une version ouverte, en questionnement.
Camille a participé a participé à l’événement sonore pour la soirée de vernissage de Spatium. Retrouvez Camille en train de faire des vocalises dans la vidéo ci-dessus.
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