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    17/03/2025

    Elle a eu un traumatisme crânien et plusieurs hématomes

    Dans les Yvelines, une policière accusée de violences sur une gardée à vue dénudée

    Par Vincent Victor

    Amira, 20 ans, dénonce avoir été déshabillée de force, frappée et eu la tête cognée contre le sol par une policière dans la salle de fouille du commissariat de Conflans-Sainte-Honorine. Elle a déposé plainte.

    « J’ai cru qu’elles allaient me violer », confie Amira (1), 20 ans. L’étudiante en médecine accuse une policière de l’avoir violentée dans la nuit du 6 au 7 mars 2025, alors qu’elle était presque nue dans la salle de fouille du commissariat de Conflans-Sainte-Honorine (78). Elle était, peu avant, placée en garde à vue pour outrage et rébellion envers un équipage de la police nationale intervenu au domicile de sa mère pour un différend familial. À leur départ, elle avait alors injurié dans sa barbe une des fonctionnaires. « Ça reste une insulte, j’aurais pas dû le faire », regrette-t-elle au téléphone. Une des policières lui aurait donné une claque à la tempe, la jeune femme l’aurait alors repoussée en lui tirant les cheveux, avant d’être menottée par les fonctionnaires. Ces faits, pour lesquels elle attend une possible convocation devant le procureur, elle les reconnaît parfaitement.

    La tête cognée contre le sol

    Mais au commissariat, ce sont trois policières du même équipage qui se chargent de la fouiller. Dans la salle de fouille dépourvue de caméras, entourée des fonctionnaires en uniforme, l’étudiante, qui n’avait jamais fait de garde à vue, enlève ses vêtements « dans une atmosphère tendue », puis hésite avant de retirer son soutien-gorge. « Je leur ai demandé, “Qu’est-ce que vous allez me faire ?” », indique Amira. La policière brune, agacée qu’elle n’aille pas assez vite, aurait alors tenté de lui retirer le sous-vêtement de force. Puis, elle aurait « complètement vrillé », l’aurait « baffée » plusieurs fois, plaquée à terre, agrippée par les cheveux et « cognée la tête six ou sept fois de suite contre le sol », indique l’étudiante dans sa plainte. Pendants les coups, la policière lui aurait répété :

    « Je vais t’éduquer, tes parents t’ont pas éduqué. »

    La jeune femme se souvient être ensuite dans un « état second », la respiration rapide, pendant que la policière la rassoie et lui retire le soutien-gorge. « Je n’avais plus aucune maîtrise de ce qu’elles faisaient sur mon corps », témoigne la jeune femme, qui considère avoir vécu une agression sexuelle. « J’étais à leur merci. Je me suis dit qu’elles allaient me violer. Que la prochaine étape c’était ça. C’était tellement dégradant. » La même policière lui aurait ensuite ordonné de se rhabiller et menacé de la « traîner toute nue jusqu’à la cellule ». Là, elle tremble et se plaint de vertiges, de nausées, de bourdonnements. Surtout, elle « déréalise », se demandant si « ça s’est vraiment passé ». Elle cogne du poing sur les murs pour attirer l’attention d’autres agents et demander à voir un médecin. Un état psychologique qui choque, selon nos informations, l’officier de police judiciaire qui l’auditionne et fait réaliser une expertise psychiatrique. Car la jeune femme parle volubilement des violences à tous les fonctionnaires qu’elle croise. « Des éléments, une chronologie et une évocation des faits susceptibles d’être vérifiés », souligne son avocat maître Pierre Vinot.

    Ses blessures sont constatées le matin même par le médecin, puis un second, alors qu’elle est transportée à l’hôpital au cours de la garde à vue pour ses douleurs à la tête, et un troisième le lendemain. Son second certificat médical, consulté par StreetPress, constate un traumatisme crânien et plusieurs hématomes, notamment au cuir chevelu, ainsi qu’une « douleur du nez sans déformation ». En la forçant à rentrer dans la voiture de police, les policières l’auraient frappé plusieurs fois la tête contre la carrosserie alors qu’elle était menottée dans le dos. Des photos sont prises sur demande de l’officier de police judiciaire. D’autres photos que StreetPress a pu consulter montrent, plusieurs jours après, des rougeurs au cuir chevelu et des éraflures sur sa joue.

    Atmosphère raciste

    Pour la jeune femme, « c’était une vengance par rapport aux insultes ». Elle sera d’ailleurs fouillée une seconde fois à son retour de l’hôpital par une autre fonctionnaire, sans difficulté. Cette fois, l’agent est « respectueuse », lui « dit tout ce qu’elle fait » et, surtout, ne lui retire pas le sous-vêtement. Pour la seconde nuit, un policier lui donne une couverture et lui en propose même une seconde. « J’étais choqué », se souvient-elle. Elle n’en aurait pas eu la veille.

    Pour Amira, il y aurait également un lien entre ces violences et ses origines maghrébines : « Si j’étais blanche, ça ne se serait pas passé comme ça. » Elle témoigne avoir « senti une pression raciste » de la part des trois femmes blanches, la mettant dans « une position de moins-que-rien ». La première nuit, elle aurait entendu un policier passer devant les cellules en souhaitant un « bon ramadan » d’un air moqueur aux différents gardés à vue, tous « arabes ou noirs », selon elle. La nuit suivante, un fonctionnaire aurait lancé à l’un deux : « Si t’es pas content, tu retournes à Alger. »

    Minimisation des faits

    Sans vidéosurveillance, Amira craint qu’on ne la croit pas : « C’est la parole des trois policières contre moi. » Toute la nuit, elle conserve comme « seule preuve de ce qui s’est passé » une mèche de cheveux que lui aurait arraché la policière. Lorsqu’elle interpelle une des deux autres fonctionnaires présentes dans la salle de fouille et qui serait restée passive durant les violences, celle-ci lui aurait répondu : « De quoi tu parles, il ne s’est rien passé. » Une autre l’aurait mise en garde juste avant sa sortie, quand elle prévient qu’elle va déposer plainte :

    « Si vous faites ça, vous allez aggraver votre cas. »

    De fait, lorsqu’elle se rend dans la foulée au commissariat de Cergy pour déposer plainte, le brigadier-chef qui l’entend remet en cause toutes ses déclarations. « Il a reproduit le geste avec ma tête en disant : “Comment vous le racontez, on dirait qu’on vous violentait sans aucune raison” », dénonce Amira. Selon elle, tout au long de l’audition, le fonctionnaire appelle la policière mise en cause « ma collègue », argue qu’il ne pense pas « qu’elle voulait [lui] faire du mal », et va jusqu’à mentionner d’autres histoires de personnes violentées qui, selon lui, l’auraient mérité.

    Quant à la retranscription de ses déclarations, « j’ai tout relu, il avait mal noté », explique Amira. « Il avait fait à sa sauce. » Pour son avocat : « L’enquêteur, en sa qualité de fonctionnaire de police, a tendance à réécrire ou trier les éléments de précision. Et les victimes, à qui on demandera une précision quasi-parfaite, vont payer les conséquences des insuffisances d’un procès-verbal de plainte mal retranscrit. » Lorsque Amira demande des corrections, le fonctionnaire se serait montré agacé, arguant que ce sont « des détails ». Des détails importants pour la jeune femme, notament sur la chronologie des faits et la passivité des deux policières témoins des violences :

    « J’ai peur qu’on me dise que j’ai changé de version. »

    Sollicité par StreetPress, la communication de la police nationale a indiqué être en attente de la réponse des services concernés. Le parquet de Versailles indique pour sa part n’avoir pas encore été saisi, la plainte ayant été déposée dans le Val-d’Oise. Les préfectures des Yvelines et du Val-d’Oise n’ont pas donné suite. La Défenseure des droits a été saisie.

    (1) Le prénom a été modifié.

    Illustration de Une libre de droit de Nicolas Duprey