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    15/10/2024

    Le Crous de Bretagne porte plainte contre trois étudiantes syndiquées

    Des étudiantes virées de leur logement universitaire pour avoir manifesté

    Par Lisa Noyal

    Fin 2023, trois étudiantes rennaises se mobilisent pour demander qu’un hébergement d’urgence au Crous soit accordé à un étudiant handicapé et sans papiers. L’organisme dépose plainte et interdit le renouvellement de leur logement universitaire.

    « Le Crous s’en prend à trois étudiantes et nous met à la rue », lâche Alys, écoeurée. En mai dernier, au moment des affectations de logements du Crous, comme deux de ses camarades syndiquées à la Fédération syndicale étudiante (FSE), elle apprend qu’elle ne pourra finalement pas renouveler le bail du logement universitaire qu’elle occupait. Une plainte a aussi été déposée contre les trois étudiantes. La raison selon elles : avoir participé à une mobilisation en soutien à un étudiant sans logement. « Ça a compliqué nos vies pour la rentrée », souligne Alys, boursière, qui vit depuis chez son copain.

    À la rentrée 2023, la FSE est alertée sur la situation d’urgence dans laquelle se trouve Mohammed (1). Cet étudiant handicapé et sans papiers ne parvient pas à trouver de logement stable et sa santé est en danger. Après avoir envoyé des mails et appelé le Crous de Bretagne pour trouver une solution, le syndicat organise deux rassemblements les 21 et 23 novembre 2023 devant l’organisme. Ils demandent à rencontrer le directeur pour le convaincre d’accorder un logement d’urgence adapté. Parmi la trentaine de personnes présentes, une dizaine d’entre elles s’introduisent dans le bâtiment et chantent des slogans. À la deuxième intrusion, les forces de l’ordre interviennent pour déloger les étudiants.

    Finalement, une solution temporaire est proposée à Mohammed : un logement d’urgence à l’Institut national des sciences appliquées (Insa) dont le Crous paie une partie du loyer. Il y restera deux mois, entrecoupé de deux semaines dans un Airbnb. Il obtiendra par la suite une place dans un hébergement spécialisé. Une petite victoire pour les étudiantes qui ne se doutaient pas de ce qui les attendait.

    Une plainte et l’exclusion de leur logement

    « L’année est passée et on a appris qu’une plainte avait été déposée en décembre contre nous trois », relate June, qui n’était pourtant pas présente le jour des actions. Fin mai, elle reçoit une lettre du Crous de Bretagne où les faits reprochés sont listés : dégradation, diffamation et atteinte à l’intimité de la vie privée par captation. La lettre indique également qu’elle ne pourra pas demander le renouvellement de son logement. « Si je n’ai pas de logement au Crous, je ne peux pas faire mes études », précise June qui entame avec ses camarades un recours devant le tribunal administratif. Fin juillet, la requête en référé est examinée : June peut finalement réintégrer un logement à la cité U de Beaulieu qu’elle occupait, mais ce sera la seule. Alicia se tourne vers le parc privé, beaucoup plus cher et éloigné, et Alys ira chez son copain.

    Pour leur avocate Me Lucie Clairay, cela s’apparente à une « sanction déguisée ». Si le règlement intérieur du Crous de Rennes mentionne qu’en cas de manquement aux règles un étudiant peut être exclu sans avertissement préalable, il ne parle pas de l’impossibilité de renouveler son bail. Par ailleurs, il est notifié que : « Les sanctions d’exclusion sont précédées d’un entretien avec le directeur ou la directrice générale du Crous ou son représentant, au cours duquel l’occupant peut être assisté de tout défenseur de son choix. » Les étudiantes n’ont pas eu le droit à cet entretien.

    De la répression syndicale ?

    Pour June et Alys, c’est de la « répression syndicale ». « On pense que c’est un prétexte pour nous impressionner, car on se mobilise beaucoup en cité U », déduit June. De son côté, l’avocate des trois étudiantes, Me Clairay, parle de discrimination :

    « On fait ici une différence entre tous les autres étudiants qui auraient pu loger au Crous et elles trois qui sont connues pour leur engagement, donc c’est sur que ce n’est pas un hasard… »

    La secrétaire générale de la FSE, Michelle Gromada, qualifie la situation d’exceptionnelle :

    « On n’a jamais vu une telle répression, on a suivi de près parce que ce n’est jamais arrivé que trois camarades se fassent virer de leur logement pour une action. » La représentante du syndicat s’inquiète que cette première fois puisse se généraliser. « Ça peut donner des idées et se reproduire dans le futur… »

    Mi-septembre, la nouvelle directrice de la Cité U de Beaulieu Mirabeau aurait annoncé aux militants de la FSE que le porte-à-porte et l’organisation d’animations sont désormais interdits sur le campus. L’organisme confirme et justifie la première interdiction par le fait que certains étudiants se sont plaints de cette pratique. « Si le règlement intérieur affirme le principe de liberté syndicale, il contient également des dispositions destinées à préserver l’ordre, la tranquillité et la sécurité des étudiants locataires d’un logement », souligne le Crous. Pour ce qui est de l’animation, l’organisme met en avant sa volonté de recrutement de 14 étudiants référents, chargés d’animer la cité et la mise en place d’un partenariat avec une association étudiante qui propose des activités : « Conformément à sa mission, le Crous souhaite donc aujourd’hui assurer l’animation à 100% dans la cité »

    « On nous dit que la FSE n’a plus sa place sur la Cité », résume June après avoir mentionné l’importance des actions menées contre l’isolement. Pour elle, c’est une nouvelle forme de répression qui s’installe.

    (1) Le prénom a été changé.

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