La justice, en l’espèce la Cour administrative d’appel de Paris, reconnaît au policier Amar Benmohamed la qualité de lanceur d’alerte. Le brigadier-chef avait – en interne, puis dans les colonnes de StreetPress à l’été 2020 –, dénoncé des maltraitances policières dans les geôles du tribunal de justice de Paris. Dans les cellules du dépôt, plus d’un millier de personnes ont subi de la part de policiers : humiliations, insultes souvent racistes ou homophobes, privations de nourriture ou d’eau, refus de soins médicaux… Certains des fonctionnaires mis en cause auraient également, à plusieurs reprises, profité des transferts vers les prisons pour voler des liquidités ou du petit matériel informatique à des retenus choisis parce qu’ils ne parlaient pas français. Une seconde enquête de StreetPress racontait comment une partie de la hiérarchie avait tenté d’étouffer l’affaire, qui était remontée jusqu’au cabinet de l’ancien préfet de police de Paris, Didier Lallement.
Ces révélations avaient, à l’époque, fait grand bruit. L’alerte du policier avait été reprise par l’ensemble de la presse nationale et discutée jusque dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Au lendemain de la publication de l’article, le parquet de Paris annonçait l’ouverture d’une enquête judiciaire qui sera finalement discrètement enterrée deux ans plus tard. En effet, malgré plusieurs dépositions de policiers qui confirmaient l’alerte de M. Benmohamed, le parquet de Paris a décidé deux ans plus tard, de classer sans suite l’affaire. Amar Benmohamed a quant à lui fait l’objet de plusieurs sanctions administratives successives. La première, évoquée par le ministre de l’Intérieur tout de suite après les faits, reposait sur les modalités de l’alerte lancée par le policier.
Le brigadier-chef et son conseil Arié Alimi ont contesté la sanction devant le tribunal administratif. C’est ce dernier qui, en appel, a, le 28 juin dernier, prononcé l’annulation de l’une des sanctions prononcée par le préfet de police et condamné l’Etat à verser 1.500 euros au policier. Dans son délibéré que StreetPress a pu consulter, le tribunal reconnaît à Amar Benmohamed la qualité de lanceur d’alerte :
« Il n’est pas contesté qu’il l’a fait de manière désintéressée et de bonne foi. M. Benmohamed doit dès lors être regardé comme ayant ainsi procédé à un signalement constitutif d’une alerte au sens […] de la loi. »
Par cette décision, la justice reprend à son compte les conclusions de la Défenseure des droits, Claire Hédon. « C’est une grande victoire dans ce dossier », commente Arié Alimi. « Il reste plusieurs autres sanctions administratives, que nous contestons. » Amar Benmohamed est sous le coup de plusieurs autres procédures administratives notamment pour avoir témoigné à l’Assemblée nationale et pour s’être exprimé dans la presse. Ainsi, le 27 juin dernier, il s’est vu notifier un blâme pour avoir, selon la procédure, accusé sa hiérarchie « de passivité et de complicité dans les dysfonctionnements qu’il a dénoncés au sein du dépôt du tribunal » dans « la presse écrite et audiovisuelle ».
À RELIRE : Comment la hiérarchie policière a tenté d’étouffer les affaires de maltraitance au Tribunal de Paris
Photo de Une de Yann Castanier
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