Cravate à motifs éléphant et rosette de la Légion d’honneur au revers de sa veste, l’ancien général français Dominique Delawarde semble très à l’aise sur le plateau de Sama TV, chaîne de télévision syrienne pro-gouvernement. L’ex-officier de la Légion étrangère est venu dire tout le bien qu’il pense du boucher de Damas, Bachar al-Assad, dont le régime s’est rendu coupable d’innombrables crimes de guerre et contre l’humanité contre sa propre population. À ses côtés, le VRP du régime syrien en France, Adnan Azzam, et le complotiste Claude Janvier. C’était début mai, à Damas, lors d’un voyage organisé par « un petit groupe militant contre l’embargo imposé par les USA à ce pays », dixit les intéressés.
De cette escapade dans un pays ravagé par une guerre civile qui a coûté la vie à plus de 500.000 personnes et fait des millions de réfugiés intérieurs comme extérieurs, Dominique Delawarde en a tiré une longue lettre « à ses amis ». Il y déroule longuement le narratif d’un régime pris pour cible par « Israël et ses proxies anglo-saxons et français » et qui n’a dû son salut qu’au « soutien militaire apporté par la Russie de Poutine en septembre 2015 ». Comprendre : la remarquable expertise de l’aviation russe en matière de bombardement de populations civiles, écoles, marchés et hôpitaux.
Le « qui ? » antisémite
Dans ce texte, l’État hébreu et les Israéliens sont cités pas moins d’une vingtaine de fois et sont rendus responsables d’à peu près tous les maux. Ce qui n’est pas vraiment une surprise quand on connaît le profond antisémitisme qui anime l’ancien général français. Il est l’homme derrière le nouveau slogan antisémite : « Mais qui ? », mis au jour par Libé. Certes, ce n’est pas Dominique Delawarde qui a prononcé ces mots sur le plateau de Jean-Marc Morandini sur Cnews en juin 2021. Mais ce sont bien ses provocations qui ont poussé le communicant Claude Posternak à sortir de ses gonds.
Commentant les soi-disant fraudes qui auraient conduit à la défaite de Donald Trump face à Joe Biden lors de la présidentielle américaine de 2020, Dominique Delawarde expliquait :
« Vous savez bien qui contrôle la meute médiatique dans le monde et en France (…) Qui contrôle le Washington Post, le New York Times, chez nous BFMTV et tous les journaux qui viennent se grouper autour, qui sont ces gens… ? »
Face à un Posternak pugnace qui lui demandait de préciser de qui il parlait, l’ancien général lâche : « C’est la communauté que vous connaissez bien ! ». Claude Posternak est juif.
Une enquête a été ouverte dans la foulée contre Delawarde par le parquet de Paris pour des chefs de « diffamation publique » et « provocation à la haine et à la violence à raison de l’origine ou de l’appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion ». Contacté par StreetPress, le parquet de Paris n’a pas répondu à nos sollicitations.
L’extrême droite et les complotistes antisémites s’étaient emparés de la réaction outrée de Claude Posternak pour la détourner à des fins antisémites. « Mais qui ? » ou le simple hashtag : #qui? sont vite devenus la nouvelle expression antisémite à la mode, notamment lors des manifestations contre le pass sanitaire.
VRP de Poutine
Dominique Delawarde était aussi au nombre des signataires de la tribune réactionnaire aux forts accents racistes dite « des généraux » qui était parue dans Valeurs Actuelles en avril 2021. Moins connu que ses collègues Piquemal et Martinez, Delawarde a fait l’essentiel de sa carrière dans les chasseurs alpins et la Légion étrangère selon la revue de l’armée de terre Inflexions. Il « était à Sarajevo, au plus fort de la crise balkanique, durant l’hiver 1994-1995, alors qu’à la tête du 7e bataillon de chasseurs alpins il devait garantir un cordon ombilical vital à la ville assiégée en tenant le mont Igman ». Contacté par StreetPress, le ministère des Armées n’a pas souhaité nous dire si Dominique Delawarde fait toujours partie de la 2e section des officiers généraux, une sorte de « réserve » où les généraux peuvent être temporairement mis à la disposition de l’armée. Ils y perçoivent une solde de réserve.
Désormais, ses « faits d’armes » (quand il ne s’agit pas d’aller parader dans des dictatures sanguinaires) ont plutôt lieu sur des blogs et des sites de la fachosphère où il déverse sa bile antisémite à longueur de texte et rend des hommages appuyés à la Russie de Vladimir Poutine. On le retrouve sur ERFM, la web-radio d’Egalité & Réconciliation d’Alain Soral, en janvier dernier.
Sans surprise, il est aussi à la table d’une conférence organisée par l’association pro-Kremlin : « Dialogue franco-russe » en octobre dernier avec deux autres ex-officiers français, Jacques Hogard et Vincent Desportes, qui affichent pour le moins une certaine sympathie pour le régime de Vladimir Poutine. Les trois hommes y ont déroulé un narratif complotiste sur la guerre en Ukraine, faisant peser l’entière responsabilité de l’invasion du pays par l’armée russe sur les États-Unis. Un discours pour le moins classique au sein de ce cénacle où défilent les invités d’extrême droite et complotistes depuis des années.
Dialogue franco-russe a été fondé en 2004 avec comme but avoué de « développer la coopération économique entre les deux pays » sous le co-patronage de Jacques Chirac et Vladimir Poutine. Elle est co-présidée depuis 2012 par l’eurodéputé RN Thierry Mariani et fait l’objet de deux enquêtes ouvertes à Paris en 2021. La justice enquête sur des soupçons de corruption et de trafic d’influence ainsi que d’abus de confiance et de blanchiment.
Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.
Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.
Je fais un don à partir de 1€Faf, la Newsletter
Chaque semaine le pire de l'extrême droite vu par StreetPress. Au programme, des enquêtes, des reportages et des infos inédites réunis dans une newsletter. Abonnez-vous, c'est gratuit !
Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.
Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.
Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.
Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.
Je donne
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER