Il n’avait manqué à personne, à l’exception de la frange la plus radicale de l’extrême droite, mais il est quand même de retour. Comme StreetPress l’avait noté dans sa dernière édition de Faf, Yves Alphé a sorti un nouveau morceau après près de dix ans d’un silence bienvenu. Plus connu sous son nom de scène Goldofaf – jeu de mots entre le robot de dessin animé japonais Goldorak et Faf, l’acronyme pour « France aux Français » –, ce rappeur est un des plus célèbres de la mouvance. Il a commis trois albums entre 2008 et 2012 avant de retourner dans un certain anonymat et se reconvertir dans les pompes funèbres avec son frère à Orléans (21). Ce come-back, « cela faisait quelques mois que j’y pensais et des années que des amis m’encourageaient à reprendre », assure le mélomane, contacté par StreetPress.
Vitrine de l’extrême droite violente
Dans cette nouvelle chanson, Yves Alphé revient en long et en large sur les valeurs de la famille traditionnelle, et surtout de la femme au foyer, avec l’un de ses sept enfants aux choeurs dans un titre sobrement intitulé « Espérance et Tradition ».
Le texte, bien que très réactionnaire, est plus sage que ses anciens « tubes ». Quand il chantait par exemple la gloire du « héros de guerre » Léon Degrelle, collabo belge engagé dans la waffen-SS, dans « Hommage à Rex », en 2008. Ou son ode à la violence de rue avec le très modeste « Vivre pour l’honneur de la patrie », dans lequel il racontait ses bagarres « contre les crouilles », en 2009. Sans oublier la reprise en version raciste du titre « Gravé dans la roche » de Sniper qui l’a fait connaître en 2007 et dont le clip « a été supprimé une dizaine de fois » par YouTube car « le système n’aime pas le succès des patriotes », selon lui.
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En tant que rappeur à la mode de l’extrême droite, Goldofaf a fait tourner les copains. « Vivre pour l’honneur de la patrie » avait par exemple fait l’objet d’un clip avec des guests pour le moins marqués politiquement. À l’image de François-Xavier Gicquel, exclu du Front national en 2011 pour sa fâcheuse tendance à tendre le bras droit ou à participer avec Yvan Benedetti et Alexandre Gabriac à des hommages à Mussolini, qui officie désormais avec l’association d’extrême droite SOS Chrétiens d’Orient. Même chose avec « Le rêve parisien » où apparaissait un certain Esteban Morillo, skinhead jugé responsable de la mort de Clément Méric, tué en 2013. Clip qui avait d’ailleurs été tourné dans l’ancien bar de Serge Ayoub, dit « Batskin ». Ambiance. Point positif, ce dernier son avait mis fin à la pénible carrière musicale d’Yves Alphé.
Si le nouveau titre de Goldofaf ne déchaîne pas les passions et est passé relativement inaperçu, il a été accueilli avec enthousiasme dans la fachosphère française. Du responsable de la section parisienne des catholiques intégristes de Civitas aux néofascistes de Jeune nation en passant par le leader nationaliste Yvan Benedetti, tous ont salué le retour musical du petit chanteur à la croix de fer. Pourtant, le chanteur assure :
« Il s’agit d’un single, l’avenir nous dira s’il y aura un album mais pour le moment ce n’est pas d’actualité. »
Menaces contre un journaliste
Le croque-notes est retombé dans l’anonymat à mesure qu’il s’est éloigné de la vie militante pour se consacrer à ses activités de croque-mort. Mais les vieilles habitudes ont la peau dure. En décembre 2021, il se présente menaçant au domicile de Mourad Guichard, journaliste pour le média Magcentre (et également pigiste à StreetPress). Motif de ces intimidations ? « Suite à un article et une émission de radio dans lesquels je me faisais insulter de raciste identitaire et de néonazi, j’ai pris contact avec ce journaliste indépendant », qu’il qualifie de « militant antifa » afin de lui « demander un entretien », tente aujourd’hui de relativiser Yves Alphé. « Je suis allé à sa rencontre pour lui remettre ma carte de visite et quelques minutes après il appelait la France entière pour dire que je l’avais menacé ».
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Le journaliste Mourad Guichard n’a pas du tout la même version. « J’ai entendu tambouriner à ma porte. S’il était venu une heure plus tard, il tombait sur mes gamins ! », témoignait ce dernier à France 3. « J’ai fait sciemment le choix de ne pas le citer nommément dans l’article, ni son entreprise », avait-il d’ailleurs précisé, dénonçant « une tentative d’intimidation ».
Dans cet article, il était notamment question de la montée « inquiétante des idées fascistes » à Orléans. Et du fait que l’entreprise de Goldofaf avait étonnement participé au transport du cercueil de Jean Zay d’Orléans vers le Panthéon, en mai 2015. Un choix pour le moins étonnant quand on sait que cette figure de la Résistance, ancien ministre de l’Education nationale de Léon Blum, a été assassiné en 1944 par la milice de Joseph Darnand, ardent partisan de la collaboration avec l’Allemagne nazie. Alors que le même Yves Alphé chantait en 2009 son amour de la France de Pétain dans son morceau « Travail, Famille, Patrie ». Soit la devise de la France de Vichy. Comme quoi, le business…
Dernière actualité en date avant ce come-back musical, Yves Alphé avait été définitivement débouté par la justice en mars dernier dans un procès qui l’opposait au collectif antifasciste La Horde. Il avait porté plainte pour injure publique et diffamation suite à l’article sur leur site qui l’associait au mouvement d’extrême droite Renouveau français. En vain.
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