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    13/04/2022

    Stepan Bandera a collaboré avec les nazis avant d’être déporté

    Le FC Bandera Paris, club de foot de la diaspora ukrainienne au nom controversé

    Par Christophe-Cécil Garnier

    Stepan Bandera est une figure nationaliste en Ukraine, qui a collaboré avec les nazis avant d’être déporté. C’est aussi le nom d’un club de foot du dimanche à Paris. StreetPress a été y faire un tour.

    Stade Rigoulot, 15e arrondissement de Paris – Le bruit des voitures qui passent sur le périphérique couvre la plupart des consignes lancées aux joueurs sur le terrain. Mais même sans, peu autour de la petite enceinte pourraient les comprendre : elles sont en ukrainien. Ce mercredi soir de mi-mars, les amateurs du FC Bandera Paris et du COEGF Atom s’affrontent. Un match de foot loisir, comme il y en a des dizaines par soir dans la capitale. Au FC Bandera, tout le monde n’a pas le maillot rouge et noir de l’équipe, certains foulent le terrain synthétique avec des sweatshirts ou des chasubles de couleurs similaires.

    Le club a été fondé en 2017 par Igor Karumov, un ancien habitant d’Odessa et aujourd’hui homme d’affaires qui dirige l’entreprise Cimeks, principal sponsor du FC Bandera. Ce quadra aux yeux bleus perçants et aux cheveux grisonnants est arrivé en France à 18 ans pour les études et n’en est plus reparti. En 2017, il a monté avec des amis ukrainiens une équipe de foot pour un petit tournoi. La dizaine de joueurs ont invité quelques amis chacun et, cinq ans plus tard, le FC Bandera a maintenant trois équipes distinctes qui jouent en semaine et le weekend. Avec succès : leur équipe première a gagné deux fois son championnat.

    « On n’est pas des racistes, on n’est pas des nazis. »

    En moins de dix minutes, les joueurs ukrainiens marquent un premier but. Ils enchaînent et mènent rapidement 3-0. « On essaie de prendre du plaisir », détaille le président du FC Bandera. Mais ce n’est pas pour leur jeu offensif que l’équipe est connue jusqu’au pays et a eu les honneurs de la télé ukrainienne. C’est surtout par leur nom : Stepan Bandera est un nationaliste qui a eu un rôle majeur en Ukraine lors de la Seconde Guerre mondiale. Pas de coïncidence, la tête de l’homme politique apparaît sur le logo du club. Et de toute façon, Igor Karumov revendique cette filiation. S’il assure « ne pas faire de politique », le président de 43 ans a choisi ce nom en raison du conflit entre la Russie et l’Ukraine qui a commencé avec l’annexion de la Crimée en 2014. « C’était pour casser tous les stéréotypes de la propagande russe qui dit que Bandera est un fasciste, un nazi contre les juifs », annonce-t-il. Une référence à Vladimir Poutine, qui a parlé de « dénazifier l’Ukraine ». Le club reprend également le rouge et le noir de l’armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA), la branche militaire de l’Organisation des nationalistes ukrainiens (Oun). Mais Igor Karumov prévient :

    « On n’est pas des racistes, on n’est pas des nazis. »

    Pour prouver que ce n’est pas le cas, l’homme d’affaires pointe que dans son équipe, il y a « des arabes, des noirs, des juifs ». Il présente Adama et Samir, qui jouent ce soir comme arrière droit et gardien. Avec un autre de leur pote, ils ont affronté le FC Bandera lors d’un match amical. Igor Karumov les a « transférés » dans son équipe pour jouer en semaine. Le weekend, ils continuent d’évoluer avec leur club de Chevilly-Larue. « Les Ukrainiens jouent très bien, ils sont meilleurs que l’équipe B de mon club », indique Adama, qui joue avec un bandage à la main droite. De Bandera, il sait juste que c’est « une personne politique ».

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    Samir joue gardien. Il a été « recruté » au sein du FC Bandera cette saison, après un match amical. Pour Igor Karumov, sa présence montre que le FC Bandera n'est pas raciste. / Crédits : Christophe-Cécil Garnier

    Bandera, figure nationaliste

    Sur le bord du terrain, quatre joueurs sont assis sur les gradins de béton gris et encouragent leurs coéquipiers, qui continuent d’empiler les buts. Igor Karumov, lui, continue son petit speech. « Une seule chose qu’on peut dire contre Bandera, c’est qu’il était nationaliste patriote d’Ukraine. C’est tout. » En réalité, il y a un peu plus. Car Stepan Bandera « a eu un rôle assez ambigu, même si c’est vrai que, depuis 2014, la propagande russe essaie de grossir les traits », rappelle le chercheur Adrien Nonjon, spécialiste de l’Ukraine, de l’extrême droite et du nationalisme ukrainien. Dans les années 30, Bandera s’impose comme un des leaders de l’Oun, qui veut créer un état indépendant à tout prix. Marqués par l’antisémitisme et « surtout » l’antibolchévisme, l’Oun et Bandera se rapprochent de l’Allemagne nazie. « Ils reçoivent une formation, sont en lien étroit avec les services de renseignement de la SS et reçoivent des armes », narre Adrien Nonjon. Ce passé en fait l’idole des néonazis du bataillon Azov – dont Igor Karumov assure « ne pas comprendre les idées ».

    Sauf qu’après l’invasion de la Russie par Hitler, les nationalistes proclament une Ukraine indépendante. En retour, les Allemands arrêtent Bandera, qui passe trois ans dans un camp de concentration. Pendant ce temps, les forces de l’UPA résistent à l’Allemagne nazie, aux forces soviétiques mais tuent également des milliers de Polonais. Finalement libéré en 1944 quand l’Armée rouge reprend du terrain, « Bandera refuse toute compromission avec les Allemands », souligne le chercheur.

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    Le passé de Bandera en fait l'idole des néonazis du bataillon Azov, dont Igor Karumov assure « ne pas comprendre les idées ». / Crédits : Christophe-Cécil Garnier

    Un tiraillement national

    La figure de Bandera n’est pas célébrée que dans ce club parisien. Il y a des rues Stepan Bandera et des statues à sa gloire en Ukraine. Aux premiers jours de l’invasion russe, les Ukrainiens ont renommé le « cocktail Molotov » en « Bandera smoothie ». « L’Ukraine est un pays jeune, qui n’a jamais eu l’occasion de bâtir une mémoire historique et faire ce devoir de mémoire. Bandera ou l’UPA sont avant tout des symboles mis en avant pour montrer que la nation ukrainienne a résisté sur le temps long », professe Adrien Nonjon.

    Au bord du terrain, pendant que leurs coéquipiers plantent trois autres buts, Misha l’attaquant ou le latéral Igor ont la même vision de Bandera :

    « La force ! »

    Une aide humanitaire

    Avec l’invasion de la Russie, le FC Bandera s’est aussi lancé dans l’action humanitaire. Ils ont créé avec des Français une association nommée Aide Civil Ukrainiens. Ils récupèrent des médicaments, des vêtements, du matériel de première nécessité et de la nourriture qu’ils envoient ensuite en Ukraine. Le 17 mars, un convoi est par exemple parti pour Tchernivsti et Kyiv après une collecte à la Cité universitaire de Paris. Depuis mi-mars, ils ont également un stand au Kremlin-Bicêtre (94) grâce à la mairie, via un ami d’Igor Karumov :

    « Ils nous ont donné un énorme local et nous aident avec toutes les autorisations. »

    Ils aident également les réfugiés à s’installer et se sont rendus à porte de la Chapelle pour servir de traducteurs. Des membres du club sont aussi retournés en Ukraine pour combattre. « Des Français sont aussi volontaires et nous demandent mais j’essaie de les calmer et leur dire que s’ils nous aident ici, c’est déjà beaucoup », lâche le président du FC Bandera. À la fin du match, ponctué par une large victoire, il demande une photo commune avec les adversaires. Tous tiennent un grand drapeau bleu et jaune. Igor lance dans sa langue natale : « Gloire à l’Ukraine. » Le reste du groupe reprend :

    « Gloire aux héros. »

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    À la fin du match, Igor Karumov fait poser le FC Bandera avec ses adversaires du soir, autour d'un drapeau ukrainien. / Crédits : Christophe-Cécil Garnier

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