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    15/02/2022

    Les #Threepercentersfrance

    Extrême droite : la tentation milicienne

    Par Maxime Macé , Pierre Plottu

    Aux USA, les 3% sont organisés en milices. En France, une poignée de leurs disciples organise des stages d’autodéfense d’inspiration paramilitaire et des voyages à l’Est pour tirer à l’arme de guerre. Enquête sur une petite mouvance surveillée.

    Sur les premières images de la vidéo, on voit un petit groupe qui progresse en colonne, fusil d’assaut en main, à la manière des soldats des forces spéciales. Les séquences s’enchaînent sur fond de musique électronique énervée. On devine un entraînement au combat rapproché, puis une simulation de prise d’otages par des hommes en armes. Des tirs…

    La vidéo vante les stages de Taranis Global, « centre de formation à la défense personnelle, secourisme tactique et protection du domicile », selon sa page Facebook. Taranis ne propose en réalité que deux modules. Le premier, baptisé « TECC Care under fire » est consacré au soin des hémorragies « sous le feu ». Le second porte sur la « protection du domicile » et ressemble à un stage de formation à la guérilla urbaine si on s’en réfère aux images en ligne.

    Dereck Carrillo (qui se fait appeler « McLeod », comme dans le film Highlander), le patron de Taranis Global, propose au cours de ce stage : un point sur le cadre légal de la légitime défense, l’acquisition d’une « méthode de travail » pour « faire face à toutes les situations et tous les actes malveillants » ainsi que des mises en situation de cas concrets. En somme, une préparation pour anticiper les conséquences « de catastrophes naturelles ou d’effondrements de plus grande ampleur ». Dans ces stages qui s’étalent sur un week-end, on dort dans un sac de couchage sur site et on mange sa « popote » préparée au réchaud à gaz, « pour l’ambiance » nous dit-il.

    Du survivalisme ? Pas exactement. Dereck Carrillo, contacté par StreetPress, récuse d’ailleurs le terme :

    « Je ne suis pas un catastrophiste, j’estime simplement qu’il est indispensable que tout un chacun apprenne à se défendre chez soi et le cadre légal de la légitime défense. »

    Son inspiration à lui, ce sont les « Three percenters » (3%) américains. Un mouvement qui s’organise outre-Atlantique en milices armées et s’oppose au gouvernement fédéral. Sur Instagram, Dereck Carrillo conclut d’ailleurs certains de ses postes par le tag #Threepercentersfrance.

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    Sur la page Facebook de Taranis Global, un groupe en stage pose fièrement, armes à la main. / Crédits : DR

    Un honnête formateur

    Au téléphone, il se présente plutôt comme un respectable formateur. Il assure par exemple que ses stages se font avec des répliques d’armes à feu. « Ça permet que ce soit moins triste, mais il ne s’agit pas de former des fous de la gâchette ». D’ailleurs « Taranis est une activité annexe », dit-il à Streetpress, « je suis avant tout référent sûreté dans un Office public de l’habitat portant sur 24.000 logements ». Et Taranis Global est une entreprise individuelle dont l’adresse renvoie à un petit pavillon de la banlieue de Perpignan.

    Il met aussi en avant ses formations à destination des « pros », dont il ne fait pas étalage sur son site :

    « Je vais au CHU de Limoges ce week-end (c’était ces 12 et 13 février, ndlr) par exemple. Je forme aussi des membres de polices municipales ou des membres d’unités spécialisées comme la BRI ou d’antennes GIGN qui viennent sur leur temps personnel. »

    La plupart des sessions sont organisées dans l’Aude, où il met à profit un ancien circuit et un village vacances abandonnés.

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    Dereck Carrillo (qui se fait appeler « McLeod »), le patron de Taranis global. / Crédits : DR

    Mais StreetPress a également retrouvé traces de stages Taranis à l’étranger. C’était fin 2019 en Pologne, chez Hussard. Un centre de formation « antiterroriste » qui propose des activités plus musclées encore. Les stagiaires peuvent cette fois tirer à balle réelle avec toutes sortes d’armes à feu, et même du gros calibre, grâce à une législation polonaise bien plus permissive. Son fondateur Grégory Leroy ne cache pas son côté « patriote » et assume d’ailleurs vouloir « redonner aux Français le goût du combat armé ». Dans ces stages, les instructeurs plaisantent parfois en dessinant des barbes aux personnages représentés sur les cibles de tir… Ça cartonne chez les fafs.

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    Dans sa vidéo, Taranis Global propose des stages de de « Protection du domicile » / Crédits : DR

    Des drôles de copains

    Car Dereck Carrillo est aussi un militant d’extrême droite. En 2018, son nom apparaît dans des comptes-rendus de réunions de la section des Pyrénées-Orientales de Debout la France que nous a fourni le Comité de vigilance antifasciste des Pyrénées-Orientales (CVA 66). Carrillo s’y proposait, sans obtenir gain de cause, pour être nommé délégué de canton du parti de Nicolas Dupont-Aignan. Plus radical encore : sur une photo, le même pose avec un pin’s des Nationalistes, groupuscule qui a succédé à L’Oeuvre française après sa dissolution par les autorités. Des nostalgiques de Pétain qui exaltent la collaboration avec l’Allemagne nazie.

    Le CVA 66 a également repéré Carrillo sur un cliché posté sur Facebook par Yvan Benedetti, le leader du groupe, aux côtés de deux autres militants. C’était à l’occasion d’un déplacement en Suède, en 2019. Les quatre hommes posent tenant un drapeau Les Nationalistes ainsi qu’une bâche antiraciste tenue à l’envers, pour montrer qu’elle a été prise au camp d’en face. À coups de poing ? En légende, Benedetti écrit simplement : « #AntifaAhAhA », « #Suède » et « #LesNationalistes ». Ses amis Facebook sont ravis. « Tout à l’extrême droite de la photo il y a comme une quenelle subliminale », commente aussi un certain « Sanglier Halal ».

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    Le CVA 66 a également repéré Carrillo sur un cliché posté sur Facebook par Yvan Benedetti, le leader du groupe, aux côtés de deux autres militants. / Crédits : DR

    Les three percenters

    Sur ses propres réseaux sociaux, où il se présente comme un ancien militaire et met en scène ses stages, il conclut certains de ses postes du hashtag : « #threepercenters ». Celui-ci renvoie clairement à une milice américaine qui était par exemple en première ligne lors de l’assaut mené par les pro-Trump contre le Capitole américain le 6 janvier 2020. Et qui, si elle se revendique apolitique, entretient selon un rapport militaire canadien « des idées anti-musulmans, anti-gouvernement, qui s’appuient sur des théories conspirationnistes ». Les autorités du pays considèrent d’ailleurs les « Three percenters » comme un groupe terroriste. Il y a quelques années, une poignée de Français ont tenté de l’importer dans l’Hexagone.

    Selon une évaluation de la DGSI que StreetPress a pu consulter, ils « se revendiquent comme un réseau patriote qui se prépare à agir au niveau local en cas d’attaque sur le territoire national ». Ils « proposent des stages de survivalisme en forêt ou en milieu urbain ». Le service de renseignement évoque au conditionnel une autre association, qui pourrait servir de « vitrine officielle » au groupuscule. Parmi ceux qui ont fricoté avec les Three percenters apparaît un certain Yann F., par ailleurs administrateur de la « DNR Division Sud ». À savoir une bande de néonazis bardés de tatouages à la gloire de la SS.

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    Selon Dereck Carrillo, dans ces stages qui s’étalent sur un week-end, on dort dans un sac de couchage sur site et on mange sa « popote » préparée au réchaud à gaz, « pour l’ambiance » . / Crédits : DR

    Les Three percenters français se sont même formellement constitués en association dont les statuts ont été déposés auprès de la préfecture de Montargis (Loiret) en janvier 2018. Et ont organisé dès le printemps de la même année un week-end de « formation initiale tactique ». Pour le promouvoir, a été diffusée une vidéo un peu… particulière (voir vidéo). Quarante cinq secondes d’images guerrières et d’hommes cagoulés en tenues paramilitaires vidant des chargeurs d’armes de guerre dans une forêt. En intro, le logo des Three percenters. En conclusion, un slogan qui sonne comme celui de Taranis : « Préparez-vous ». D’autres stages ont été organisés, notamment dans la friche géante de l’hôpital thermal des armées d’Amélie-les-Bains (66).

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    Si on s’en réfère aux images en ligne, ces stages ressemblent plus à un stage de formation à la guérilla urbaine. / Crédits : DR

    On n’est pas antisémites, on est suprémacistes !

    Selon ses statuts que nous nous sommes procurés, le groupe a changé plusieurs fois de nom, pour finalement se rebaptiser d’un bien plus sage « Menelas formation » début 2019. Pour brouiller les pistes ? C’est en tout cas cette structure qu’évoque le renseignement lorsqu’il parle de « vitrine officielle ». Et certains des stages de Menelas sont organisés en Pologne, en partenariat avec Hussard et Taranis, où l’on retrouve comme instructeur : Dereck Carrillo ! « J’ai eu un engagement politique », euphémise ce dernier, « mais les Three percenters américains c’est de la suprématie blanche, absolument pas l’ultradroite antisémite comme Benedetti ». À croire que c’est mieux.

    Il reconnaît certes avoir fait partie des Three percenters français dès 2018 et organisé leurs stages, mais assure avoir pris ses distances car « ils avaient une vision trop militante ». « Alors j’ai créé Taranis » enchaîne-t-il, « Taranis, c’est une entreprise et elle n’a absolument aucune activité militante ». Pour preuve il avance par exemple « travailler de moins en moins avec son partenaire Midgard » car il ne serait, lui, « pas dans l’idéologie, contrairement à eux ».

    Le 21 décembre il publiait toutefois sur la page Facebook de Taranis global une vidéo d’un week-end organisé par ladite association « Midgard France » près de Toulouse pour célébrer le solstice d’hiver, une tradition chez les néo-païens d’extrême droite. Dereck Carrillo y a participé et proclame dans son post Facebook :

    « Traditions, enracinement, camaraderie furent au programme. Plus qu’un organisme de formation, nous nous voulons garants des traditions et valeurs séculaires qui nous animent. »

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