La sentence est tombée. Le 24 janvier dernier, Amar Benmohamed – policier et lanceur d’alerte – a été sanctionné pour avoir témoigné à l’Assemblée nationale. Le brigadier-chef avait révélé des centaines de cas de maltraitance et de racisme au dépôt du tribunal de Paris, sur StreetPress en juillet 2020 StreetPress en juillet 2020. La justice s’était dans la foulée saisie du dossier et, presque deux ans après, l’affaire est toujours en cours d’instruction. Depuis, le brigadier-chef subit un véritable « harcèlement de la part de sa hiérarchie », dénonce son avocat maître Arié Alimi.
Première sanction
En janvier 2021, il se voit infliger un premier avertissement pour avoir, selon sa hiérarchie, refusé de rédiger un rapport et de donner les noms de certains de ses collègues qui avaient « dénoncé auprès de lui les comportements critiquables ». S’il conteste le premier grief, il reconnaît et assume d’avoir refusé de révéler les noms de ses sources. C’est avant tout, explique-t-il, pour les protéger d’éventuelles pressions ou représailles :
« Comme je l’ai expliqué au cours de mes auditions, j’attendais de rencontrer un juge pour transmettre ces informations. »
Amar Benmohamed a, par l’entremise de son avocat, contesté auprès du tribunal administratif la sanction. En première instance, la justice a confirmé l’avertissement. Le policier a fait appel de la décision.
Deuxième sanction
Un an après cette première sanction, il hérite d’un nouvel avertissement (2) pour avoir, cette fois, témoigné à l’Assemblée nationale. Dans le détail, on lui reproche de ne « pas avoir avisé préalablement sa hiérarchie » de son audition par des parlementaires membres de la commission des lois. « Ça s’est fait un peu dans la précipitation et c’était sur mes jours de repos. J’ai rédigé un rapport dès mon retour », détaillait Amar à StreetPress en mars dernier. Mais surtout, il a été entendu à huis clos et en visioconférence par deux parlementaires chargés d’évaluer le cadre juridique qui protège les lanceurs d’alerte (1).
« Nous avons invité plusieurs lanceurs d’alerte à témoigner, dont monsieur Benmohamed. Il a scrupuleusement respecté les procédures prévues par la loi mais fait l’objet de représailles. Son cas est emblématique », complétait Jean-Philippe Foegle, responsable du plaidoyer au sein de la Maison des Lanceurs d’Alerte. Même le député LREM Raphaël Gauvain s’indignait de cette procédure. C’est lui qui, au côté du député LR Olivier Marleix, avait auditionné Amar Benmohamed. « Il n’est pas acceptable pour le Parlement qu’une pression soit exercée comme ça. Ça démontre qu’il faut renforcer la protection des lanceurs d’alerte. » Le député LREM avait même envoyé un courrier au ministre de l’Intérieur pour l’alerter de la situation. Sans succès. Le policier et son avocat préparent, cette fois encore, un recours auprès du tribunal administratif.
Jamais deux sans trois ?
La hiérarchie d’Amar Benmohamed n’a visiblement pas l’intention de s’arrêter en si bon chemin… Ce jeudi 3 février au soir, un gradé du tribunal de Paris l’a convoqué pour notifier au brigadier-chef qu’il serait à nouveau entendu dans le courant du mois dans le cadre d’une nouvelle enquête administrative ouverte à son encontre. On lui reproche, semble-t-il, ses interventions « répétées » dans la presse. « L’objectif de l’administration est clair : faire taire un lanceur d’alerte », tonne maître Alimi. Il a, au nom de son client, saisi la justice pour harcèlement et mesures vexatoires. Il attend la désignation d’un juge d’instruction.
Mince rayon de soleil, pour le policier. Le 22 janvier dernier, il s’est vu décerner le prix éthique par l’association Anticor, « pour avoir eu le courage de dénoncer les mauvais traitements et le racisme de policiers au dépôt du tribunal de Paris ».
#PrixÉthique Amar Benmohamed, policier lanceur d’alerte sanctionné par sa hiérarchie pour avoir eu le courage de dénoncer les mauvais traitements et le racisme de policiers au dépôt du tribunal de Paris. #Darmanin pic.twitter.com/PGV8WgUn7h
— Anticor (@anticor_org) January 22, 2022
(1) Audition menée dans le cadre de la mission d’évaluation de la loi Sapin 2 et en vue de transposer en droit français la disposition européenne de protection des lanceurs d’alerte.
(2) La sanction est un avertissement et non un blâme, comme indiqué pendant quelques minutes.
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