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    25/01/2022

    « Supériorité de la civilisation européenne » et « guerre raciale »

    Jean-Yves Le Gallou, l’intellectuel très radical qui murmure à l’oreille de Zemmour

    Par Maxime Macé , Pierre Plottu

    Il est l’inventeur de la préférence nationale et un VRP de la théorie du grand remplacement. Pire encore, Le Gallou est persuadé que la France va devoir faire face à une « guerre raciale ». Portrait du nouveau conseiller politique d’Eric Zemmour.

    Dans un appartement cossu, enfoncé dans un canapé blanc posé tout près d’une cheminée de marbre, Daniel Conversano et Jean-Yves Le Gallou échangent sur un ton badin. Les deux hommes trinquent au blanc et picorent fromage et saucisson tout en évoquant les « vrais chiffres de l’immigration » et la « lutte contre la diabolisation ». L’entretien est filmé et diffusé sur YouTube où Conversano fait recette. Le militant radical qui a fui la France, terre « bougnoulisée » selon lui, est devenu un influenceur à succès. Depuis la Roumanie, il dirige aussi un dense réseau français « communautaire », mais surtout suprémaciste blanc appelé Les Braves.

    Rebelote en octobre. Le Gallou et Conversano apparaissent de nouveau côte à côte, pour la chaîne YouTube d’extrême droite Sunrise. Ils causent (encore) du pseudo « grand remplacement » ainsi que du « massacre imaginaire » du 17 octobre 1961. Ils nient le consensus historique d’un crime (désormais reconnu par l’Etat) qui a fait de nombreux morts. Ils affirment notamment que cette « démonstration de force » de la police du préfet Papon était « légitime » car « il y a eu beaucoup de meurtres de policiers (commis par) des militants FLN ». Ambiance.

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    Depuis, l’ex-mégrétiste Jean-Yves Le Gallou a rejoint le comité politique d’Eric Zemmour. L’annonce, récente, a fait moins de bruit que les ralliements des eurodéputés frontistes Jérôme Rivière et Gilbert Collard ou que celui du twittos identitaire du RN Damien Rieu. Notamment car il s’agit, pour Le Gallou, plus d’une clarification que d’un transfert surprise. Le poste n’en reste pas moins stratégique. Et confié à un homme de réseaux autant que de radicalités.

    Un ténor de l’extrême droite radicale

    Événements de l’institut Iliade, de la fondation Polémia, des Bobards d’Or et du Forum de la Dissidence, émission hebdomadaire sur TV Libertés : Jean-Yves Le Gallou est un hyperactif de l’extrême droite radicale. Un ténor de la mouvance qui parle avec (presque) toutes les sensibilités, même les plus extrêmes. Qui prend la parole dans la manif organisée par Génération identitaire suite à la dissolution du groupe. Qui disserte sur l’Europe pour un cercle de réflexion royaliste. Qui cajole les cathos-identitaires, lui l’ancien païen.

    Il s’est pourtant d’abord engagé au Parti républicain, une petite formation de centre-droit active de 1977 à 1997. Il fut notamment conseiller municipal élu sur la liste du RPR Patrick Devedjian à Antony en 1983. La suite est plus connue. Jean-Yves Le Gallou rejoint le FN en 1985. Étiquette sous laquelle il sera élu conseiller régional et député européen, avant de suivre Bruno Mégret au MNR, au moment de la scission de 1999.

    On sait aussi qu’il a été l’un des principaux cadres de la Nouvelle Droite, du Grece et du Club de l’Horloge, les groupes de réflexion les plus influents au sein des droites radicales françaises. C’est à lui qu’on doit par exemple le concept de « préférence nationale », repris désormais par toute l’extrême droite mais aussi par Valérie Pécresse – dans une forme « atténuée », selon le spécialiste de l’extrême droite Jean-Yves Camus.

    Jean-Yves Le Gallou a depuis fondé Polémia, qui, selon Le Monde, affichait à sa création vouloir « affirmer sans complexe la supériorité de la civilisation européenne ». Un cercle de réflexion initié notamment avec Grégoire Dupont-Tingaud et Philippe Schleiter, autres anciens du MNR qu’on retrouve également à des postes stratégiques de la campagne de Zemmour.

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    Il a pas l'air fou le saucisson. / Crédits : DR

    En famille avec Frédéric Châtillon

    Depuis de nombreuses décennies, Le Gallou baigne dans un environnement radical. « Pour bien comprendre le cas Le Gallou il faut savoir que son épouse, Anne-Laure Blanc, est la fille de Robert Blanc : un ancien Waffen-SS français. Une de ses petites-nièces est Sighild Blanc, l’épouse de Frédéric Châtillon (ancien leader du Gud). Anne-Laure Blanc a été l’une des cadres dirigeants d’Europe-Jeunesse (un mouvement scout très marqué à droite), du Grece Ile-de-France et une proche de Pierre Vial du mouvement Terre & Peuple puisqu’elle a participé à ses Recueils païens. Cela situe un peu le milieu où elle et son époux évoluent », souligne un fin connaisseur de la mouvance contacté par StreetPress.

    Autrice de livres pour enfants, Anne-Laure Blanc publie aux éditions de la Nouvelle Librairie de François Bousquet (un autre proche d’Alain de Benoist) des ouvrages à destination des plus jeunes ayant pour thème l’Europe antique. « Elle est beaucoup plus radicale que Jean-Yves Le Gallou. Elle a été très discrète pendant toute la carrière de son époux dans l’administration mais elle tend à sortir du bois à la faveur de sa retraite, on la voit beaucoup plus dans les médias radicaux. Elle a même donné un entretien à Réfléchir & Agir », une revue d’inspiration néofasciste, ajoute notre source.

    « Entrepreneur idéologique »

    Jean-Yves Le Gallou fait partie des durs de l’extrême droite française. À l’instar de Guillaume Faye, il estime que l’Europe doit faire face à une « guerre raciale qui menacerait les fondements ethnoculturels de la civilisation européenne », comme l’explique Stéphane François dans son ouvrage La Nouvelle droite et ses dissidences (ed. Le Bord de l’eau, 2021). Ce postulat, allié à un « nationalisme blanc » selon l’historien interrogé par StreetPress, est le socle de la pensée de Jean-Yves Le Gallou. Il n’en a jamais dévié depuis les années 80. Jean-Yves Camus estime par ailleurs qu’il est l’une des « très rares personnes à l’extrême droite à ne pas être opportuniste » et à « s’être adapté avec le temps sans dévier de sa ligne ».

    « C’est un homme qui arrive à adapter les vecteurs qu’il utilise pour populariser la pensée du Grece aux attentes du temps. Jean-Yves Le Gallou a vieilli mais il a appris à utiliser les réseaux sociaux et il est assez bon dans leur utilisation. Les Bobards d’Or sont une manière intelligente de jouer de la dérision pour faire passer ses idées. Avec l’Institut Iliade, il a réussi à créer une école de formation de cadres bien plus efficace que l’ISSEP de Marion Maréchal. Leur colloque annuel est régulièrement un succès d’affluence », nous explique Camus. En d’autres termes, Jean-Yves Le Gallou est un « entrepreneur idéologique qui a un talent certain et une fidélité à ses convictions assez inébranlable ».

    Il n’est donc pas surprenant de le retrouver aux côtés d’Eric Zemmour perçu comme incarnant la « vraie droite nationale » face à une Marine Le Pen qui deviendrait trop modérée. Le candidat représente le centre magnétique de l’extrême droite, dont il agrège tous les radicaux.

    Un radical au coeur du système

    Ancien inspecteur général de l’administration et ancien élève de l’ENA, Jean-Yves Le Gallou peut amener à Eric Zemmour un réseau de fonctionnaires, désormais retraités, beaucoup plus libres de s’engager politiquement. De par son ancienne fonction, « il peut apporter une certaine expérience technocratique qui manque un peu au sein de l’équipe actuelle de Zemmour », analyse Stéphane François.

    Même son de cloche chez Jean-Yves Camus qui pense toutefois que ce qui rapproche les deux hommes, au-delà de la volonté de faire le meilleur score possible à la présidentielle, c’est une espérance. « Je crois que pour Jean-Yves Le Gallou, Eric Zemmour est ce qu’on appelle au sein de la Nouvelle Droite un “éveilleur”, dans la lignée de Jean Mabire et Dominique Venner. C’est-à-dire un individu qui va, dans l’adversité, mettre en avant une thématique qu’il martèle car il croit que c’est le point central d’une vision du monde », explique le chercheur.

    Dans le cas d’Eric Zemmour, c’est la vision du monde identitaire – avec en corollaire la théorie conspirationniste du grand remplacement – qui prime sur tout le reste. Jean-Yves Le Gallou la porte en bandoulière depuis les années 80. Le candidat a réussi à l’imposer dans le débat politique et dans la société. Au point que l’identité est devenue un des thèmes structurant la campagne présidentielle. Le second s’est donc rallié naturellement.

    Contacté par StreetPress, Jean-Yves Le Gallou n’a pas répondu à nos sollicitations.

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