« Je ne vois nulle part sur son agenda qu’il faisait une réunion à ce moment-là. Vous êtes sûr ? ». Au téléphone, l’assistante parlementaire de Lenaïck Adam est confuse. Le député LREM de Guyane est candidat aux municipales à Saint-Laurent-du-Maroni, deuxième ville du département. En campagne, il ne ménage pas ses efforts (1), jusque dans un lieu de culte…
La scène se déroule le dimanche 23 février dans l’Église Nouvelle Vie Sables Blancs de Saint-Laurent-du-Maroni. Un temple du courant évangélique. Dans une vidéo prise par une fidèle et transmise à StreetPress, on voit le député en campagne faire un prêche politico-religieux en bushinengue (un créole local), traduit en français par une femme qui se tient à ses côtés :
« Ce que je vous demande c’est de me confier au Seigneur dans la prière comme vous le faites pour tout un chacun. »
« Je suis donc dans une église, je ne vais pas vous demander de voter pour moi en particulier », rappelle-t-il un peu plus tard. Selon l’article 26 de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État, « il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l’exercice d’un culte ». Sauf que la Guyane n’est pas soumise à ce texte. Ce n’est donc pas à proprement parler illégal. Même si ça ne correspond pas vraiment au discours gouvernemental sur la laïcité.
Fake news
« Ça n’a pas été organisé », tente de justifier l’assistante parlementaire du député (2). « D’autant plus que le terme “réunion politique” n’est pas quelque chose de défini par la jurisprudence. Après vous l’interprétez comme vous voulez », lâche-t-elle dans l’espoir d’éteindre l’incendie. L’équipe de Lenaïck Adam évoque « une mise au point » liée à une fake news. « Beaucoup de personnes disaient que le député souhaitait la fermeture de cette église », détaille son assistante. Dans la vidéo, le candidat à la mairie dément fermement face à l’assemblée évangélique.
Mais ce dernier ne s’arrête pas là et demande aux fidèles, « tel que le pasteur l’a dit », de « continuer à prier » pour chacun des candidats des municipales à Saint-Laurent-du-Maroni :
« Afin que, quel que soit le choix qui sera fait, vous aurez à travailler avec cette personne-là qui sera choisie par Dieu. Car c’est lui qui choisit. »
Votez Jésus !
Le député-candidat LREM profite également de l’occasion pour répondre à ses détracteurs qui lui reprochent son manque d’engagement en faveur des Guyanais :
« Si vous dites que le député aurait dû construire des maisons, aurait dû faire des routes, aurait dû vous donner un emploi, et bien il est en règle avec le seigneur car ça ne relève pas de sa compétence. »
Saint-Laurent-du-Maroni a une forte communauté de « Noirs Marrons », l’autre nom des Bushinengués, et les églises évangéliques se sont développées en Guyane depuis plusieurs années. Prendre la parole dans un temple, dans la langue des descendants d’esclaves qui ont fui le Suriname n’est donc pas anodin. Qu’aurait dit la majorité présidentielle si un candidat avait fait campagne dans une mosquée ?
(1) Dans un premier temps, nous avions affirmé à tort que la prise de parole du député contrevenait à la loi de 1905. Celle-ci ne s’appliquant pas à la Guyane, nous avons modifié cet article une demi-heure après sa publication.
(2) Contacté, le député n’a pas répondu aux questions de StreetPress et a préféré laisser à son assistante parlementaire le soin de préciser ses positions. Le parti LREM n’a également pas répondu à nos sollicitations.
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