Ce samedi 23 novembre, le collectif Némésis profite de la marche NousToutes, contre les violences faites aux femmes, pour faire son petit happening. Cinq de ses militantes scandent des slogans anti-immigration en brandissant des pancartes aux messages similaires : « Schiappa les étrangers violeurs sont toujours là », « Femmes ≠ frontières violables ». Immédiatement, le petit groupe se fait prendre à partie par la foule avant d’être sorti du cortège. « Féministes pas fachos ! », scandent des manifestantes en violet.
Une courte vidéo de notre passage à la manif #Noustoutes pic.twitter.com/ccsouGdd6O
— Collectif Némésis (@NemesisNemesi18) November 24, 2019
Il s’agit là de la première action de Némésis, tout jeune collectif né à la mi-octobre. Il se serait formé dans le sillage du mouvement « féministe de droite » Bellica. Ce groupuscule, essentiellement présent en ligne, promeut un discours xénophobe, islamophobe, cathophobe, ouvertement raciste, mais « anti-réac ». Interrogée par RT France, l’une des membres de Némésis « revendique (…) une certaine affinité intellectuelle avec “le travail de Solveig Mineo” », la fondatrice et principale animatrice de Bellica.
Bisbille chez les « féministes de droite »
Un hommage, pas vraiment du goût de Solveig Mineo. « Elles ont utilisé mon groupe pour promouvoir leur merde catho », enrage-t-elle. Son différend avec Némésis date de 2018, lorsqu’elle découvre un groupe de discussion Messenger intitulé « Bellica – Paris » où conversent notamment Adalhaid et Coco Dev, deux militantes de Némésis présentes à la manif du 23 novembre.
À en croire Solveig Mineo, « féministe occidentaliste », c’est dans ce chat que le nouveau collectif serait né. Ses militantes recrutent des femmes pour des événements d’extrême droite, comme la marche anti PMA-GPA, le rassemblement de Génération Identitaire contre l’islamisme et la « fête de Synthèse Nationale », une revue nationaliste. « Elles essaient de siphonner le travail de Bellica pour se faire mousser dans la réacosphère », peste Minéo. Adalhaid a même glissé dans ses messages privés pour lui proposer de rejoindre Némésis et de leur faire de la promo, ce qu’elle a fermement refusé.
Depuis, Solveig Minéo dénonce l’appropriation de son groupe de discussion par les militantes « cathoréacs » de Némésis. Dans la foulée, elles en ont expulsé la blogueuse, et « Bellica – Paris » a été renommé « Catholand ». Le chat Messenger arbore désormais en image d’illustration un montage de la blogueuse portant la moustache d’Hitler. En réponse, Solveig Minéo a banni les anciennes membres du groupe de Paris du forum général de Bellica et critique ouvertement l’action de Némésis. C’est la guerre chez les « féministes » d’extrême droite.
Sur « Catholand », la tête de Solveig Mineo est agrémentée d'une moustache particulière. Bonne ambiance. / Crédits : Capture d'écran de Messenger.
Un collectif « anti-immigration » féminin plus que féministe
Le lendemain de la manif’ NousToutes, les militantes de Némesis font le tour des médias de réinformation, mais toujours à visage couvert. Elles ont insisté pour que leur anonymat soit respecté après avoir refusé notre demande d’interview.
Dans les colonnes de l’Étudiant Libre – magazine étudiant d’extrême-droite – elles affirment que « beaucoup de cas de harcèlements et d’agressions recensées sont commises par ces populations [immigrées] ». Sur Paris Vox, elles soutiennent que leurs « agresseurs sont massivement d’origine extra-européenne. » Valeurs Actuelles décrit le collectif créé mi-octobre comme « résolument anti-immigration et anti-partisan ». Dans un de leur communiqué repris par le magazine, les militantes taclent le mouvement NousToutes : « Vos valeurs font que vous ferez toujours passer votre antiracisme avant le féminisme. »
« Les pancartes visaient nommément des personnes de manière humiliante et insultante », rembobine Caroline De Haas, militante féministe à l’origine de NousToutes. Elle a d’ailleurs elle-même été la cible d’un de ces écriteaux : « Caroline De Haas tu veux toujours élargir les trottoirs ? », en référence à une proposition de cette dernière contre le harcèlement de rue. « La seule condition pour participer à la manif’, c’était de refuser les violences quelles qu’elles soient. À travers ces pancartes racistes, ce collectif fait le lien entre les personnes étrangères et les violences sexuelles. Le racisme, c’est une violence », explique-t-elle pour justifier l’expulsion des Némésis.
Un féminisme à géométrie variable
L’opération com’ a recueilli un succès modeste. Le nombre d’abonnés de Némésis sur Twitter est passé de 1.000 à 4.000 depuis la marche, et leurs likes sur Facebook a gonflé de 500 à 1300 après que leur page ait été fermée à deux reprises par le réseau social. Histoire de surfer à fond sur la vague, les militantes se sont même lancées dans la vente de produits dérivés : chaussettes, t-shirts, totebag…
Quant à savoir si elles se considèrent féministes, les avis divergent en interne. Dans un tweet datant du 31 octobre, elles répondent à la question : « Êtes vous féministes ? » par « c’est compliqué. Certaines d’entres nous se disent féministes à 100% et souhaitent se réapproprier le terme tandis que d’autres rejettent l’étiquette à cause du dévoiement du féminisme contemporain ». Aujourd’hui, le tweet a été supprimé et leur réponse a changé.
Le tweet en question a été supprimé depuis. / Crédits : Capture d'écran de Twitter.
« Nous ne laisserons personne nous dire que nous ne pouvons pas nous revendiquer comme telle [féministes]. Il y a autant de définitions du mot féminisme qu’il y a de femmes », arguent-elles dans leur FAQ. À l’Étudiant Libre, elles expliquent qu’elles ne croient « pas tellement au patriarcat ». Elles partagent une lutte commune avec le youtubeur d’extrême-droite Papacito, « qui, comme [elles], combat la fragilité et les féministes poilues qui chialent pour des pansements inclusifs », vantent-elles sur Twitter.
Validées par la fachosphère
Le discours de Némésis plaît au sein d’une grande partie de la fachosphère. « Ce sont des propos que l’on tient depuis longtemps avec Génération Identitaire. On soutient leur action : elles ont représenté la voix d’une majorité silencieuse », félicite Anaïs Lignier, porte-parole du mouvement d’extrême droite. Une de leur membre a même participé à des nombreuses actions des royalistes radicaux de l’Action Française parisienne, selon Libération.
Dans les rangs de la Cocarde, syndicat étudiant d’extrême droite, les filles de Némésis ont aussi la cote. « On a trouvé l’action bonne, notamment par rapport aux messages sur les pancartes qui montraient l’hypocrisie du féminisme de gauche, qui ne voit qu’une partie des problèmes », juge Luc Lahalle, président de l’organisation. « Mais elles se revendiquent féministes, ce qui n’est pas du tout notre ligne ».
Luc Lahalle affirme dans un premier temps ne pas connaître les membres de Némésis. Certaines sont pourtant… membres de la Cocarde. Brunehilde, membre du collectif identifiée par CheckNews prend ainsi la pose en compagnie de Marion Maréchal Le Pen lors d’une soirée organisée par le syndicat étudiant. « Ça ne pose pas un problème tant que c’est un engagement qui est totalement séparé du nôtre », concède le président de la Cocarde.
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