Polo rouge et barbe de trois jours, Rémy Chanson reçoit dans les bureaux de son équipe, ArmaTeam, installée dans une pépinière d’entreprises du Kremlin-Bicêtre. « Je suis désolé, c’est encore un peu le bazar. On a fait une méga compet’ ce week-end. » Chanson, c’est un peu le papa du eSport en France. Il a tout vu, tout fait :
« J’ai commencé à faire des compet’ sur StarCraft en 98. Je faisais mes premiers tournois sur la scène parisienne dans des cyber cafés. A l’époque, on galérait pour avoir Internet, on pouvait jouer que là-bas. »
L’explosion de l’e-sport dans l’hexagone, il l’a vécu de l’intérieur. D’abord comme joueur, connu sous le pseudo de Llewellys, puis comme directeur d’équipes depuis une dizaine d’années. Il se marre :
« C’est comme si je jouais à eSport Manager. »
Fort de son expérience, il a sorti il y a quelques semaines son bouquin, Le guide de l’eSport. Sur 200 pages, il raconte l’histoire de la profession et part à la rencontre de nombreux spécialistes, journalistes ou joueurs.
Assis au calme dans le canapé du bureau, il explique :
« J’ai toujours aimé le côté pédagogique. Si ce bouquin peut permettre aux gens qui n’y connaissent rien d’avoir quelques bases, tant mieux ! Si on reste sur soi même, c’est pas étonnant qu’on soit stigmatisé. Autant s’ouvrir aux autres. »
Il était une fois l’eSport
C’est en 2003, après quelques années à arpenter les salles de la capitale comme gamer, qu’Armateam, équipe assez connue à l’époque, lui propose de gérer toute la partie logistique de la team.
Dans l’équipe, des joueurs français, mais aussi des Américains, des Russes, et un Coréen. Ce sont à peine les balbutiements du eSport en France :
« Nous étions semi-pro. Alors qu’en Chine ou en Corée, par exemple, il y avait déjà un vrai business autour de ça. Mais on partait quand même faire quelques tournois en France et en Europe, c’était cool. »
Mais l’idylle ne dure pas. Lassé du milieu, Chanson quitte un temps la partie pour se consacrer à son taff au Ministère des Finances.
Sans totalement décrocher les crampons pour autant : « J’ai continué à jouer à World of WarCraft, j’étais même le meilleur Français sur la démo du 3 ! »
Studieux boss ! /
Epoque Millenium
Des figurines, des coupes, des écrans d’ordis et des caméras traînent un peu partout dans les petits bureaux d’Armateam.
Ici, les joueurs de l’équipe viennent s’entraîner, faire leur live dans le grand studio au fond du couloir ou parler stratégie avec le boss.
Comme gérant d’équipe, Rémy Chanson a de l’expérience. Après quelques années de pause, il rejoint Millenium. La team, qui compte parmi les meilleurs d’Europe, est à l’origine basée à Marseille. Lui reste sur la capitale et enchaîne les allers-retours avec la cité phocéenne :
« Il fallait quand même avoir une présence à Paris, pour les soirées, les évènements, les rendez-vous et tout. Et puis je continuais à bosser au ministère. C’était un peu chaud de tout gérer en même temps. Surtout que quasiment tous les week-ends on partait en tournoi à l’étranger. »
Tout va changer en 2015, quand Millenium est racheté par Webedia, major de l’internet français, qui possède notamment jeuxvideo.com, Allociné, et s’occupe de gros youtubeurs. Toute l’équipe monte s’installer sur Paris et Chanson est chargé de gérer les effectifs à plein temps.
« Là-bas, ça a commencé a être compliqué. Webedia a vite racheté la licence marketing du PSG eSport. A partir de ça, Millenium passait au second plan sur plein de projets. »
La montée du eSport
Le 31 décembre dernier, après 6 ans dans la même boite, Rémy jette l’éponge. « J’ai repris Armateam, qui avait fermé en 2005 et j’ai bossé comme un taré tout le mois de décembre pour préparer le lancement le 1 janvier. »
Ce jour là, ils diffusent leur premier live sur leur chaine Twitch. « C’était le début de l’aventure », sourit-il.
En quelques mois, la petite bande a déjà bien fait son trou et revendique 3.700 abonnés payants. Dans son aventure, Chanson a embarqué “Torlk”:https://twitter.com/armatorlk, le plus gros influenceur sur le jeu Hearstone de l’hexagone.
Une influence qui permet de ramener de gros sponsors comme Winamax ou Topachat. Les moyens sont moins importants que chez Millenium à l’époque, mais Rémy Chanson voit la situation évoluer dans le bon sens :
« On a vrai esprit de start-up, on est un collectif. Et nos joueurs sont bons. »
Sur le développement du eSport en France, il se rend compte que les points de vue commencent à changer :
« Il y avait une volonté de véhiculer des images négatives et à la fois une approche très business, avec les GTA, les FIFA, les Call of Duty. J’étais carrément invité sur BFM Business pour parler de ça ! »
Il développe : « Le eSport est finalement devenu un écosystème assez sain. Les grosses boites se sont rendues compte qu’il n’y avait pas de plus-value exceptionnelle à se faire. »
De quoi amener plus de légèreté dans la pratique et attirer de plus en plus de public.
« Il y a encore un plafond générationnel, c’est évident, mais ça s’écarte de plus en plus. »
Il sourit :
« L’assise ne fait que grossir ! »
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