Pour virer un camp informel de migrants, rien ne vaut une compagnie de CRS. Mais pour empêcher les réfugiés de revenir, policiers et gendarmes coûtent un peu cher et ce n’est pas terrible en termes d’image. Le risque que les camps de rue réapparaissent est pourtant bien présent. Avec 70 et 80 réfugiés qui arrivent par jour, selon la mairie, les capacités de « traitement par l’État » sont dépassés. En off, une huile municipale commente :
« Les quartiers populaires ont déjà énormément participé à l’effort de solidarité [dans l’accueil informel des migrants, ndlr]. Si les camps de rues doivent réapparaître, ils réapparaîtront, mais pas au même endroit. »
Alors les municipalités, Paris en tête, préfèrent *« remettre de l’activité dans le quartier ». Jaurès, Stalingrad, avenue de Flandres, la Chapelle, Barbès, Porte de la Chapelle, boulevard Ney… Pour vous, StreetPress a remonté un par un les spots successifs des migrants parisiens. Depuis, ils ont été remplacés par de nouveaux dispositifs. Tour d’horizon des meilleurs trouvailles municipales.
5 La terrasse bobo et ensoleillée
Rappel des faits : En 2015, les bars de la Hall Pajol prennent leur quartier d’été sur l’esplanade Nathalie Sarraute. Timing parfait, les migrants qui occupaient la place viennent juste de plier bagage.
La terrasse au soleil, tout de bois vêtue / Crédits : blog.meetmeout.fr
Coût : 4 / 10 Tout a beau être construit en palettes, imaginez un peu la main d’œuvre !
Esthétique : 6 / 10 On adore le style bobo très travaillé, qui rend très bien sur les blogs parisiens. Attention aux échardes, quand même.
Efficacité : 3 / 10 Pas top.
Durée de vie : 3 / 10 C’est sûr que les Mojitos en terrasse, c’est plus sympa quand il fait beau.
Note totale : 4 / 10 Le mobilier n’est pas waterproof… Ca fait perdre des points.
4 La balade dans les sapins de Noël
Rappel des faits : Pendant des mois, les trottoirs et le terre-plein de l’avenue de Flandres ont été occupé par les tentes et les matelas des réfugiés. Mi-novembre, surprise ! Les réfugiés partis, une forêt de sapin a poussé du jour au lendemain pour un sympathique marché de Noël. Comme le note Paris-Luttes, ce projet avait été refusé lors du vote des budgets participatifs… il faut croire que la mairie a changé d’avis.
Un joli marché de Noël avec des centaines de sapins sur la grande avenue de Flandres où campaient les réfugiés. / Crédits : paris-luttes.info
L’argument de la Mairie : « Avec les locaux et les associations de quartier, une fois les mises à l’abri effectuées, on cherche à recréer de l’activité dans l’arrondissement. C’est un projet au long cours. »
Coût : 6 / 10 Sapins, cahutes décorées et petites sculptures en plastique imitation neige. Un gros budget ? Pas pour la Mairie, qui a fait appel à des professionnels extérieurs à la dernière minute.
Esthétique : 8 / 10 L’esprit de Noël, ça nous fait chaud au cœur. Les arbustes manquent tout de même de guirlandes.
Efficacité : 4 / 10 Des sapins seuls faces aux camps ? Ils ne seraient rien sans leurs copines les barrières Heras.
Durée de vie : 2 / 10 Au bout d’un moment, une vente de sapins, ça fait tâche.
Note totale : 5 / 10 Son potentiel inexploité pour des raisons de calendrier nous a un peu déçu. Un bon rapport qualité / prix mais un très mauvais investissement à long terme.
3 Les cailloux à bas prix
Rappel des faits : Las de faire la queue tous les jours devant le centre de mise de la Porte de la Chapelle, plusieurs centaines de réfugiés se sont installés sous un pont. Quelques semaines plus tard, la mairie installe des pierres sur le site du campement. Une méthode que l’on retrouve également à Lyon.
L’argument de la Mairie : « Les pierres ne sont pas du mobilier urbain ! » Quand elles n’étaient plus nécessaires devant le centre d’accueil boulevard Ney, à deux pas, les agents municipaux ont bougé ce gravas inutile. Pourquoi précisément sous le pont qui abrite de la pluie ? « C’est une zone de chantier pour la SNCF, qui va démolir le pont dans 1 mois », dont les limites tombent pile là où la pluie recommence. Dommage !
Coût : 10 / 10 Franchement ? Des cailloux.
Esthétique : 3 / 10 Land-art. So 2015.
Efficacité : 4 / 10 Nulle. Les migrants installés à Paris autour du centre d’accueil du boulevard Ney s’accommodent très bien de ces nouveaux tancarvilles pour leurs lessives. Et les aspérités sur le sol n’empêchent personne de poser un tapis de sol.
Durée de vie : 7 / 10 L’érosion c’est plus long qu’une procédure de régularisation. En attendant, on compte sur le collectif militant Cœurs de pierre et solidaires qui veut dézinguer les cailloux municipaux.
Note totale : 6 / 10 La troisième place revient au minéral. Cette distinction émérite redonnera peut-être au caillou son prestige d’antan.
2 Les pots de fleurs colorés
Rappel des faits : Au pied du métro Barbès, des gros pots de fleurs ont apparu. Elles déclenchent l’enthousiasme des riverains.
Mangez les cookies « Eat Me » d'Alice au pays des merveilles pour changer d’échelle. /
L’argument de la Mairie : « Un projet de végétalisation de la Ville, pour replacer la nature au centre de la cité ». Elle a bon dos la nature ?
Coût : 7 / 10 On ne connaît pas le salaire du designer. Le plastoc’ simili-terre cuite, lui, reste abordable.
Esthétique : 5 / 10 On aime le côté Alice au pays des merveilles, voire Gulliver inversé. Le choix des couleurs, par contre…
Efficacité : 9 / 10 Étonnamment élevée. Pas de migrants à l’angle des rue Caplat et Charbonnière. L’installation permet de rendre plus difficile l’installation des sauvette
Durée de vie : 7 / 10 Assez longue. Même remplis de déchets, les pots pourront probablement rester jusqu’à ce qu’une prochaine mairie ne les juge vraiment trop kitschs.
Note totale : 7 / 10 Une très belle médaille d’argent pour la jardinerie municipale.
1 (upper) Les grilles couteaux-suisses
Rappel des faits : Dans le nord de Paris, depuis plus d’un an, les grilles poussent comme la vigne folle dans un jardin mal entretenu. La Ville rappelle que « d’’une manière générale, les services des espaces verts organisent en hiver des temps de repos de pelouses ». Quant celles qui bloquent l’accès au terre-plein central du boulevard de la Chapelle, la municipalité ne ferait qu’« anticiper la rénovation du métro aérien qui approche, qui a lieu toutes les quelques années ». Si par la même occasion, elles rendent inutilisable une station vélib’, pas grave « elles n’ont pas vocation à rester longtemps ».
Dans les couloirs de la Mairie circule officieusement l’argument suivant :
« On ne va pas barriérer tout Paris, ça rendrait l’espace public trop inhospitalier. »
Ouf !
De gauche à droite et de haut en bas, en février 2012 : à l’extrémité nord-est du canal saint-martin ; boulevard de la Chapelle, sur le pont qui enjambe les rails de la gare de l’Est ; boulevard de la Vilette, à hauteur du 180 ; combo à l’extrémité sud de l’avenue de Flandres. / Crédits : Maxime Grimbert
L’argument (massue) de la Mairie : « On assume aussi que, dans certains cas, les barrières servent à prévenir la résurgence de campements de rues ».
Coût : 9 / 10 Quasiment données, et réutilisables. En plus, disponibles en gros chez le fournisseur le plus connu des organisateurs de festivals.
Esthétique : 5 / 10 À moins de les décorer d’affiches rigolotes ou d’y mettre des cotillons, comme au centre d’accueil de Porte de la Chapelle, vraiment pas terrible. Le modèle agrémenté de chaînes et cadenas impressionne par son côté steam-punk.
Efficacité : 8 / 10 En général très efficace. En cas de doute, il est toujours possible d’ajouter un petit agent de sécu’ en topping.
Durée de vie : 10 / 10 Infinie ! Certaines barrières resteront même jusqu’à la fin du chantier du tramway T3, c’est dire !
Note totale : 8 / 10 Elle faisait face à de nombreux nouveaux challengers. Mais les indéniables qualités de la barrière Heras réussissent à la maintenir en tête du classement. Qu’est-ce qu’on est fiers !
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