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    01/03/2017

    De Fillon le bon élève à Marine Le Pen la cancre

    Profession, interprète de meetings en langue des signes

    Par Lucas Chedeville

    Leur combat, rendre plus accessible les évènements politiques aux sourds et malentendants. Et de Le Pen à Macron, il y a encore du boulot.

    Lyon (69) – Ce 5 février, c’est jour de grand meeting pour Marine Le Pen. Au Palais des Congrès de la capitale des Gaules, la candidate frontiste chauffe ses troupes.

    Mais au milieu du discours, sans prévenir, 6 personnes se lèvent, dans le calme, se placent au milieu de la salle et commencent à bouger leurs mains. Le service d’ordre ne s’est rendu compte de rien, rapporte BuzzFeed.


    Les 6 gus sont membres du mouvement citoyen Accès Cible, une émanation de l’Association Française des Interprètes en Langue Des Signes (AFILDS), leur but, c’est d’améliorer l’accessibilité pour les sourds et malentendants. Et jusque-là, ni sous-titres, ni traducteur en LSF (Langue des signes Française) pour les meetings frontistes.

    Ce 5 février dernier, les militants ont aussi débarqué aux meetings de Macron, qui sous-titre mais ne traduit pas, et de Mélenchon, qui traduit mais pas en intégralité. Stéphan Barrère, membre du groupe, est remonté :

    « Il était bien gentil Mélenchon avec ses deux meetings en même temps. Ils avaient des interprètes à Lyon, qu’on voyait sur l’écran géant [à Aubervilliers], mais les interventions du début n’étaient pas les mêmes là-bas, qu’à Aubervilliers ! »

    Pour lui, c’est une question d’ordre démocratique :

    « A peu près 10% de la population souffre de surdité. Quand les meetings ou les débats ne sont pas traduits, une partie de la population ne peut pas avoir les bonnes cartes en main pour voter ! »

    Clause de conscience

    Vieux briscard du métier, Stéphan a fait toute la campagne de Sarkozy en 2012, a traduit des meetings de la Manif pour Tous et bosse en ce moment pas mal avec l’équipe de Fillon. De quoi catégoriser le bonhomme à droite :

    « Sauf que ce n’est pas le cas ! Je ne sais pas pourquoi ils m’appellent toujours. »

    Pour autant, il classe Fillon parmi les bons élèves quant à l’accessibilité de ses meetings en langue des signes :

    « On peut penser ce qu’on veut de son programme, de ses idées ou de ses relations familiales, mais il y a toujours quelqu’un qui est là à chaque meeting ! »

    Et pour tout et n’importe quoi. Il y a quelques semaines, il s’est retrouvé « dans un gymnase pourrie au fin fond des bois à Dammarie-Les-Lys, en Seine-et-Marne ». Dans la salle, il y avait « 4 vieux à tout casser qui hurlaient Fillon Président, c’était l’horreur ».

    Mais sur scène, Stéphan ne bronche pas. Tout interprète se doit de garder une neutralité parfaite peu importe pour qui il bosse. Vincent, interprète depuis 2004, détaille :

    « On ne doit pas exprimer nos sentiments personnels quand on bosse. Quand le sujet me dérange ou à l’inverse me plait, je ne vais pas faire la gueule ou sourire. »

    Pour autant, il a tout à fait le droit de refuser, si le sujet lui semble trop technique ou si ça va vraiment à l’encontre de ses idées. « Si demain le FN m’appelle, je ne sais vraiment pas comment je réagirais » rigole l’interprète. Stephan, lui, est plus diplomate :

    « Ma limite c’est la République Française. A ce que je sache, le Front National est autorisé par la loi… Je n’irais pas de gaité de cœur, mais j’irais. »

    Le problème, c’est quand les supporters présents au meeting prennent les interprètes pour un des leurs. « Plusieurs fois, il m’est arrivé qu’on vienne me féliciter. Quand on fait bien son boulot, on pense qu’on est partisan », complète Vincent.

    Ça coûte combien ?

    D’après eux, « le meilleur moyen de pas être assimilé à un camp, c’est simple, mais c’est d’être payé. Ça montre le détachement ». A Paris, pour une heure de retranscription, comptez 110 euros minimum par heures et par interprètes. Et comme pour les taxis, les prix sont majorés le soir et le week-end. En région, c’est un peu moins.

    Les gars viennent souvent à deux ou à trois voir plus, et bossent par tranche de 15 minutes. « C’est assez intense comme activité », raconte Stéphan :

    « Le fait de bouger les mains, en permanence, ça fatigue. Imaginez-vous tout seul sur un évènement qui dure deux heures, ce ne serait pas tenable. »

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