Si vous vous demandiez comment rencontrer la Secte Moon à Paris, il suffisait d’aller… à l’Assemblée Nationale. Plus d’une centaine de personnes y étaient venues écouter le porte-parole de la secte, le 11 décembre dernier. Et pour le même prix, sur l’estrade : les royalistes de l’Action Française, des soutiens de Bachar El-Assad et du Hezbollah, Jacques Cheminade, des partisans de l’auto-défense armée, un représentant du gouvernement Poutine et même … l’ambassadeur d’Iran à Paris !
Dans les travées de la salle 6017 de l’Assemblée, il flottait un petit parfum de dissidence. Les journalistes de l’Agence Info Libre et ceux du Réseau Voltaire de Thierry Meyssan avaient fait le déplacement pour couvrir l’événement.
C’est par l’entremise du député UMP Jacques Myard que cette belle brochette a pu tenir conférence sur « la géopolitique du terrorisme » au Palais Bourbon. Interrogé par StreetPress sur le panel WTF du colloque, le député-maire de Maisons-Laffitte qui assurait le discours inaugural s’est justifié :
« Moi, je discute avec tout le monde ! »
De gauche à droite : Laurent Ladouce, Bassam Tahhan, Jacques Myard, Ali Rastbeen, Christine Bierre, Bernard Witch et Jean-Paul Gourévitch / Crédits : Robin d'Angelo
Dream team
Premier à parler de la journée, Laurent Ladouce, représentant de la secte Moon en France. Au micro, il défend « une civilisation de l’amour » et fait la promo de la Fédération pour la paix universelle, la vitrine de l’Eglise de l’Unification du révérend Moon, classée comme secte dans un rapport parlementaire. Un des intervenants du jour se souvient :
« Une fois, Ladouce m’avait invité à une conférence et on avait dû se déchausser avant d’entrer dans l’amphithéâtre. On s’était tous regardés bizarrement et c’est là qu’on a compris que c’était Moon. »
Ouf ! A l’Assemblée, tout le monde a pu garder ses Converses.
Et c’est une représentante de la #TeamCheminade qui lui succède au micro : Christine Bierre, rédactrice-en-chef de Nouvelle Solidarité, l’organe de diffusion du groupuscule, venue expliquer que les Etats-Unis et le Royaume-Uni sont « les parrains » d’Al-Qaida et des terroristes tchétchènes. Plus tard dans la soirée, Jacques Cheminade himself prendra la parole pour évoquer « les racines britanniques du terrorisme international ».
A peine Christine Bierre a-t-elle terminé son speech que c’est un dirigeant de l’Action Française, ce mouvement d’extrême droite antiparlementaire et monarchiste, qui prend la parole ! Elie Hatem parle une vingtaine de minutes des « mercenaires européens du jihad »… avant d’inviter StreetPress à le rejoindre à une soirée donnée par Massimo Gargia !
Après notre royaliste mondain, défilent sur l’estrade :
> Bernard Wicht, un partisan suisse de l’auto-défense armée et auteur de l’essai Europe Mad Max demain ? Retour à la défense citoyenne, petit carton dans les milieux survivalistes.
> Jean-Paul Gourévitch, proche des islamophobes de Riposte Laïque et qui avait défrayé la chronique en pratiquant l’entrisme au sein des éditions Pour les nuls.
> Frédéric Saillot, de la feuille de chou Balkans Info dont le rédacteur en chef prend régulièrement la défense du criminel de guerre serbe Ratko Mladic.
Vive Bachar !
Le point commun entre tous les acteurs de ce conciliabule digne d’une partie de Kamoulox ? Soutenir Bachar El-Assad, l’Iran et Vladimir Poutine, qualifiés de « remparts » contre les terroristes islamistes Daech.
Guest star de l’événement, son excellence Ali Ahani, ambassadeur de la République islamique d’Iran à Paris, venu avec un petit groupe de diplomates iraniens.
Sur l’estrade, il y avait aussi Mikhail Remizov, un conseiller du vice premier ministre russe. Ainsi que le franco-syrien Bassam Tahhan, collaborateur de Radio Téhéran et proche des collectifs pro-Bachar de Paris. « Ils veulent détruire l’axe de résistance constitué par le croissant chiite Iran-Hezbollah et le gouvernement syrien ! », s’est d’ailleurs emporté celui qui était assis à la droite du député Myard.
Avant de sortir quelques autres bonnes punchlines :
« On s’acharne à dire que les droits de l’homme sont bafoués par le régime Assad. Mais c’est un gouvernement qui a été légitimement élu ! »
L’ambassadeur d’Iran, lui, était, venu défendre une stratégie de « coopération avec la Syrie ». Ainsi que… le Hezbollah :
« Le Hezbollah n’est pas un groupe terroriste mais un groupe qui a sauvé le Liban, qui a garanti son intégralité territoriale et qui, en plus, a donné un poids plus réel et plus prestigieux à l’Islam. »
Des propos parfaitement résumés par le professeur à Saint-Cyr, Thomas Flichy de La Neuville :
« Pour venir à bout de l’Etat Islamique, il faut que la France prenne en compte l’Iran, puissance civilisatrice et pacificatrice, ainsi que la Syrie et la Russie. »
Elie Hatem avec l'ambassadeur d'Iran / Crédits : Robin d'Angelo
Le député pro-syrien Jacques Myard à la manœuvre
« Comment pouvez-vous cautionner ça Monsieur Myard ?! Vous invitez des Iraniens, soutiens du Hezbollah, à exposer leur point de vue sur le terrorisme ! C’est un comble ! » A la sortie du colloque, le représentant d’un think-tank franco-israélien, attend Jacques Myard pour lui dire ses 4 vérités.
Le député rebondit :
« II faut regarder la réalité en face ! On est dans une merde incroyable ! On s’est trompé dans le choix de nos alliés. A Damas, on a mal évalué la force de la rébellion. »
Myard connaît bien Damas, puisqu’il est vice-président du groupe d’amitié France-Syrie à l’Assemblée. Son bureau à la mairie de Maisons-Laffitte est même décoré par des bibelots offerts par le grand mufti de Syrie. « Il officie comme préfet de police, ce mufti ! » s’amuse Myard, parfois chroniqueur dans l’émission Les grandes gueules sur RMC. Le député s’est aussi fait remarqué en 2009 en plaidant pour une modification du Traité de Non-Prolifération nucléaire, afin de proposer une politique plus conciliante à l’égard du programme atomique relancé par Mahmoud Ahmadinedjad.
L’ambassadeur d’Iran superstar
L’événement était organisé par l’Académie de Géopolitique de Paris, une coquille vide qui existe par la publication d’une revue confidentielle et l’organisation de colloques quelques fois par an. Elle bénéficie des réseaux de ses fondateurs : l’ancien recteur d’Académie Gerard-François Dumont et le chercheur Ali Rastbeen, proche des diplomates iraniens et qui animait la conférence. C’est à sa demande que « son ami » Jacques Myard a parrainé l’événement pour qu’il puisse se tenir dans l’enceinte de l’Assemblée Nationale. Ce dernier assure qu’il n’était pas au courant du line-up loufoque du jour.
Côté audience, le colloque a fait un joli petit carton puisque la salle était pleine comme un œuf. Il y avait des étudiants en géopolitique, des diplomates d’Asie Centrale, le fils d’un ancien préfet. L’événement intervenait alors que les relations entre l’Iran et la France se réchauffent. Autour de l’ambassadeur perse, les assistants de plusieurs hommes politiques se bousculaient avec un objectif : obtenir une invitation à diner pour leur patron.
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