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    25/06/2013

    « La différence entre eux et nous, c'est comme entre regarder TF1 ou Arte »

    Au cinéma «Les 3 Luxembourg», moins de pub avant les films mais des courts-métrages

    Par Antoine Massot

    A Paris, ils sont une poignée de cinémas indépendants à encore diffuser des courts-métrages d'avant-séance. « Par amour », expliquent-t-ils car ils doivent rogner sur les bénéfices de la pub.

    Paris 6e– Rue Monsieur-Leprince. En plein Quartier Latin, au cinéma Les 3 Luxembourg, on patiente pour la séance du biopic « Camille Claudel » prévue pour 14h. Le pop-corn sur les genoux, la publicité et les bandes-annonces polluent notre avant-match, comme le veut la redondante tradition… mais surprise ! Un court-métrage est diffusé ! Il s’agit de « La mina de oro », une histoire d’amour virtuelle de dix minutes, signée du réalisateur mexicain Jacques Bonnavent. Créé au début des sixties, Les 3 Luxembourg a été le premier complexe cinématographique classé Art & Essai de Paris. Et aujourd’hui, c’est un des derniers cinés à diffuser à Paris régulièrement des courts métrages avant les longs.

    Love and mariage « Au lieu d’avoir 20 minutes de pub comme les multiplexes, on diffuse un court métrage, c’est bien plus intéressant. Aucun cinéphile ne vous dira le contraire ! » s’enthousiasme Anaïs, assistante à la direction des 3 Luxembourg. Sur toutes les séances de la semaine, le ciné indépendant diffuse un court métrage hebdomadaire d’avant-programme. Les semaines précédentes, c’était « Borderline » d’Aurélien Laplace, « Thé noir » de Serge Elissalde ou encore « Saison Mutante » de Delphine Chauvet et Jimmy Audoin.

    « C’est notre politique culturelle », se félicite Anaïs, ancienne projectionniste d’un cinéma associatif en Bretagne. Philippe Germain, délégué Général à l’Agence du court métrage, préfère parler d’histoire d’amour : « Dans une relation amoureuse, s’il n’y a pas de désir, ça ne marche pas. C’est la même chose avec les salles de cinés ! »

    Incitation Pourtant, ce n’est pas que par amour que le cinéma Les 3 Luxembourg diffuse des courts-métrages. Au même titre que la diffusion d’œuvres pour jeunes publics ou les opérations « Ecole au Cinéma », passer courts-métrages d’avant-séance permet de « gagner des points » pour être classé comme cinéma Art et Essai. Un label qui permet d’obtenir des subventions indispensables aux cinémas indépendants.

    Pour faciliter leur approvisionnement, les salles de ciné peuvent aussi piocher dans un catalogue mis à disposition par l’Agence du court métrage. « 250 courts inférieurs à 15 minutes, spécialement destinés à la diffusion d’avant-programme », explique le DG Philippe Germain. L’abonnement va de 800€ à 1.600 euros à l’année. Aujourd’hui, l’Agence du court métrage compte 300 adhérents au catalogue (le RADI). A ce prix-là, on peut se demander pourquoi tous les cinés de France ne diffusent pas de courts ?

    Culture pub Car placer des courts avant des longs, reste bien une exception, même dans les cinémas indépendants parisien. A Paris, les 3 Luxembourg et le Cinéma des cinéastes font partis des rares cinés parisiens à en diffuser régulièrement. « On n’a pas toujours le temps de trouver des courts métrages de qualité qui pourraient être cohérents avec nos longs métrages », se justifie-t-on du côté du cinéma La Clef, un autre cinéma indépendant qui n’applique pas à tous les coups la politique du court avant le long. Anaïs des 3 Luxembourg, ajoute aussi que même un abonnent annuel à 1.600 euros peut entamer les recettes d’un ciné indépendant. « Il y a la question de payer pour diffuser des courts à la place de mettre de la pub pour toucher de l’argent. » La jeune femme d’insister sur les sommes qu’ont dû investir récemment les cinémas pour passer au numérique, « plus de 100.000 euros par cabine de projection » Alors pour ne pas entamer leurs recettes publicitaires, les cinémas préfèrent organiser des séances et des journées entièrement consacrées aux courts-métrages. Comme à la Clé et son « coin du court-métrage ».


    Philippe Germain, de l’Agence du court métrage

    Dans une relation amoureuse, s’il n’y a pas de désir, ça ne marche pas. C’est la même chose avec les salles de cinés !

    Pierre, papier…ciseaux ! L’Etat est intervenu sur la politique des courts métrages en France dès les années 40. La loi du 26 octobre 1940 imposait la diffusion d’un court avec une subvention de 3% des recettes de la séance qui revenaient aux réalisateurs et producteurs. En 1953, la loi est supprimée mais les courts métrages ont tout de même réussi à trouver leur place avant les longs. Et ce jusqu’à l’apparition des complexes et multiplexes dans les années 1990.

    En 1999, le CNC met en place un moyen pour convaincre les producteurs et réalisateurs d’investir dans des courts. C’est « le système du 1% ». En gros, si vous êtes producteur d’un long métrage et que vous achetez un court métrage à diffuser avant votre film, vous gagnez un bonus à hauteur de 1 % des recettes du film, via une aide du CNC. « Sur le papier, ça avait l’air généreux mais dans les faits, il y a eu un détournement du dispositif. On s’est rendu compte que les salles de ciné coupaient les courts métrages pour ne pas les diffuser », regrette Philippe Germain.

    C’est ce qui s’est passé pour Alain Chabat et son film Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre. Le réalisateur avait généreusement tenu à ce qu’un court métrage toulousain précède son film. « Très peu de salles de cinéma ont diffusé le court », se souvient le directeur d’un multiplexe parisien. « Si un court métrage rallonge ou compromet la séance, on le dégage. On a fait pareil avec le court qui précédait Ratatouille. » Pour lui, la diffusion de courts en avant-programme est dépassée, il préfère organiser des journées spéciales court métrage plutôt que « d’imposer » un court aux spectateurs. Anaïs des 3 Luxembourg de regretter la politique des multiplexes, « de vendeurs de bonbons et de pop-corn qui accessoirement projettent des films. »

    « La différence entre eux et nous, c’est comme entre regarder TF1 ou Arte. Ca n’est pas la même chose. »

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