Que pensez-vous de la lettre ouverte publiée lundi dans Libération ?
Ma première observation est que cela fait 6 ou 7 ans que la question a été soulevée. Ma seconde observation c’est qu’il y a un certain nombre de signataires de cette lettre aujourd’hui qui n’avaient pas réagi il y a 6 ou 7 ans, notamment du côté des Verts (Daniel Cohn-Bendit, Noël Mamère et Eva Joly font partie des signataires de la lettre, ndlr). Ce n’est pas forcément un reproche mais je remarque qu’il y a eu une progression de leurs connaissances de certains dossiers. La 3ème chose que cela m’inspire, c’est que c’est une question qui concerne la France mais aussi Haïti. Le problème ne pourra être sérieusement abordé que d’État à État. On est à l’approche des élections présidentielles de novembre 2010, c’est à l’ensemble des candidats à la présidence d’Haïti qu’il faut demander ce qu’ils en pensent. Si le futur président de la République d’Haïti ne souhaite pas lever cette question, même la meilleure volonté du monde ne pourra pas faire évoluer le dialogue à ce sujet.
En tant qu’historien approuvez-vous l’initiative ?
La démarche historiquement est juste, moi j’ai pris position depuis longtemps. Il y a un comité haïtien qui a été formé sur cette question et j’en faisais partie. C’est une bonne chose de ressortir la question mais il ne faut pas que ce soit juste de l’opportunisme pour certains politiciens français. Il faut aussi que les candidats à l’élection présidentielle d’Haïti donnent leur point de vue sur cette affaire. C’est intéressant par rapport aux haïtiens qui vont voter. Ma position a toujours été de soutenir les initiatives haïtiennes.
Claude Ribbe – Ze Story
Claude Ribbe est un écrivain, historien, philosophe et réalisateur français. Ses ouvrages portent essentiellement sur le racisme, le colonialisme et l‘esclavagisme français. Ses idées universalistes l’amèneront à remettre en question l’idée de négritude.
Il a fait de la dénonciation de la politique raciste de Napoléon Ier un de ses chevaux de bataille. Ribbe se dit « spécialiste d’une histoire de la diversité dont la France n’a jamais voulu admettre l’existence ». Ses prises de positions sont symbolisées par son combat pour que Alexandre Dumas retrouve sa place dans la mémoire universelle.
Si la France rembourse ce qu’elle doit à Haïti, dans le même ordre d’idée doit t-elle rembourser les descendants des victimes de la traite négrière ?
Il y a une chose qui avait été dite clairement il y a 7 ans, quand la question de la dette a été soulevée par le gouvernement haïtien. Le slogan lancé à ce moment là c’était « restitution et réparation ». C’est bien ça qui a fait peur à la France, la restitution concerne Haïti exclusivement. La réparation concerne Haïti, les pays africains mais aussi les DOM. La lettre adressée à Sarkozy évoque la restitution et non la réparation pour l’esclavage mais c’est une question qui mérite aussi d’être posée. Je pense que c’est un débat enrichissant, ce serait à mon avis une erreur de le refuser. Et si Nicolas Sarkozy refuse le débat, on pourra lui faire les reproches qu’il a formulé à ses adversaires qui ont refusé le débat sur l’Identité Nationale. De plus il est en rivalité avec de Villepin, peut-être qu’il faudrait qu’il s’interroge sur la politique que celui-ci a mené en Haïti…
Que sous-entendez-vous ?
Ce n’est pas une insinuation c’est une affirmation: Dominique de Villepin a participé à un coup d’État (celui qui a destitué le président Aristide en 2004, ndlr). Cela pour deux raison: la première se réconcilier avec les Etats-Unis de Georges Bush, la seconde enterrer la question de la restitution, celle qui aujourd’hui ressort. Je pense que tout le monde sait qu’il avait envoyé sa sœur ainsi que Régis Debray en Haïti. J’ai publié un article à ce sujet qui accable Dominique de Villepin et Régis Debray et ils ne m’ont à ce jour pas fait de procès.
En tant que chef d’Etat, Aristide avait soulevé la question de la restitution au gouvernement français le 7 avril 2003 à l’occasion de l’anniversaire de la mort de Toussaint Louverture. Il a annoncé le chiffre de 21 milliards de dollars qu’il avait fait calculer par des experts. Le président Chirac avait répondu qu’avant d’évoquer des questions de la sorte, il faudrait qu’Aristide s’interroge sur son régime. Autrement dit sur une question de fond, sur une affaire historique, la France répond par des questions de politique intérieure qui ne la regardait pas.
Bibliographie non-exhaustive:
2002: Alexandre Dumas, le dragon de la reine (ouvrage d’histoire)
2004: Le Chevalier de Saint-Georges (biographie)
2005: Le crime de Napoléon (pamphlet)
2007: Les Nègres de la République (essai)
2008: Le Nègre vous emmerde (essai) + Le Diable noir (roman sur la vie du général Dumas)
2010: Mémoires du Chevalier de Saint-Georges (roman)
La lettre ouverte
Dans son édition de lundi 16 aout, le quotidien Libération publiait une lettre ouverte à Nicolas Sarkozy. Signée par des intellectuels de renommée mondiale (Chomsky, Klein, Balibar) elle demande à l’État français de restituer à Haïti la somme de 17 milliards d’euros, équivalente aux 90 millions de francs or exigés en 1804 par Charles X en échange de l’indépendance de Haïti. Cette « dette de l’indépendance » a fini par n’être intégralement remboursée par l’état haïtien qu’en 1974.
Le 14 juillet dernier, le Groupe de soutien au comité pour le remboursement immédiat des milliards envolés d’Haïti avait fait le buzz. Sur un site parodiant celui du ministère des affaires étrangère , ils avait mis en ligne un faux communiqué annonçant le remboursement de la dette. A la manière des Yes Men. Le gouvernement a promis que les auteurs du canular seraient punis.
Source: Samba Doucouré | StreetPress
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