Nicolas Dupont-Aignan arrive dans le studio de Radio Campus sans cravate. Il s’en excuse, alors que – la vérité – on ne s’en était même pas rendu compte. Depuis 2007, Dupont-Aignan a rendu sa carte de l’UMP et fait figure de franc-tireur du souverainisme face au « petit microcosme parisien » qu’il dénonce… après l’avoir longtemps fréquenté.
Et on sent que notre invité ne goûte pas trop que l’on déroule son CV à rallonges, de Sciences Po à Dauphine, de la Licence de droit à l’Ena puis la haute fonction publique et les cabinets ministériels. Mais c’est le jeu de l’interview, au cours de laquelle Denisot et Apathie du Grand Journal de Canal+ en (re)prennent pour leur grade, tout comme David Cameron et ses velléités de sortie de l’UE (« un faux-cul »).
On a aussi parlé du Mali (où il fallait aller depuis longtemps) et de la Syrie (où « on n’a pas les moyens d’intervenir »), du mariage gay – Dupont-Aignan s’y oppose mais n’a pas manifesté contre, de la délicate question des Roms, qu’il propose de trancher vigoureusement en les renvoyant chez eux, et du compte twitter de notre invité qui « est en train d’exploser en audience ».
1 Ecoutez le podcast :
Je ne me serais pas senti à l’aise dans la manifestation du 13 janvier
2 Retrouvez les extraits :
Sur le mariage gay :
Est-ce que vous êtes gay-friendly ?
Je ne sais pas ce que ça veut dire, je suis gay-respecteux. Ca n’est pas la même chose que gay-friendly.
Roselyne Bachelot défilait dans la manifestation pour le mariage pour tous. Elle a dit qu’il fallait être gay-friendly si on voulait réussir en politique.
Roselyne Bachelot, elle court après les modes comme après son ombre…
Donc vous êtes « gay-respectueux »…
Oui. Respectueux. Je déteste l’homophobie.
Et vous n’avez pas défilé le 13 janvier. Il y avait une raison pour ça ?
Oui, c’est que je ne voulais pas… comment vous dire, ma position est très simple. Je pense qu’il y a un immense gâchis. Je pense qu’avec un peu moins de démagogie des deux côtés, on pouvait trouver un projet qui permette à deux adultes de solenniser leur amour en mairie, c’est ce que j’appelle l’union civile; mais je suis hostile en revanche à l’adoption, à la PMA et à la GPA. Pourquoi ? Parce que je suis pour l’égalité des adultes mais je veux aussi l’égalité des enfants. Et j’estime que quand on n’a pas eu son père ou sa mère, on en a suffisamment souffert pour ne pas reproduire ça pour d’autres. Et qu’en tout cas, la loi ne le favorise pas.
Pour être très clair, est-ce qu’un couple ça peut être un homme et un homme ?
Mais bien sûr que ça peut être un homme et un homme ! Et d’ailleurs, ça l’est souvent ! Mais l’amour entre deux êtres adultes ne me gêne pas du tout. Et je comprends très bien qu’humainement il y ait la volonté d’égalité. Mais de là à transformer l’enfant en un objet – j’exagère un peu – qu’on commande, ça me révolte (…). Après, deux homosexuels peuvent l’élever, mais il est la filiation d’un père et d’une mère.
Et vous n’avez pas manifesté le 13 janvier, peut-être parce que les slogans qui pouvaient être scandés…
Parce que ça me gênait… Oui je ne voulais pas qu’on dérive du refus de la filiation au refus de l’homosexualité ; c’est clair.
Et ça a été le cas dans la manifestation ?
Je ne suis pas juge, mais je ne me serais pas senti à l’aise [dans la manifestation, ndlr]. Et même si j’ai de la sympathie pour Frigide Barjot sur certains points où je pense qu’elle a évité quand même des dérives.
Nicolas Dupont-Aignan, la life
1961 Naît « Nicolas Dupont »
1973 Milite pour la campagne présidentielle de Chaban-Delmas
1989 Entre à l’Ena
1994 Chef de cabinet de François Bayrou au ministère de l’Education
1995 Maire de Yerres (91), deviendra député en 1997
2005 Fait la campagne du « Non » au référendum sur le traité européen
2007 Quitte définitivement l’UMP
2008 Réélu pour la 3e fois maire de Yerres, avec 79,60 pourcent au 1er tour
2012 1,79 pourcent au 1er tour de la présidentielles, soit 643.000 voix
J’ai de la sympathie pour Frigide Barjot
Sur le Mali et la Syrie :
Pourquoi appeliez-vous depuis longtemps à une intervention dans le Sahel, mais pas en Syrie ?
Qu’est-ce qu’on veut en Syrie ? On veut instaurer la charia comme en Libye ? (…) De surcroît, on n’a pas les moyens d’intervenir. On a 250 avions de chasse, les Syriens en ont 500 ou 600. Dans la vie, il faut dire la vérité aux Français ! (…) Simplement, pour l’instant, on n’a pas de solution là-bas !
En revanche au Sahel, si on était intervenu comme je l’avais demandé en commission de la Défense il y a trois ans, si au lieu d’aller en Afghanistan, si on s’était concentré pour éviter les narcotrafiquants (ils étaient 200 à l’époque), le problème aurait été réglé et on aurait évité le drame.
Sur David Cameron et l’UE :
Vous accueilleriez David Cameron, qui veut sortir la Grande Bretagne de l’UE, sur votre liste aux Européennes ?
Non, David Cameron, c’est un faux-cul ! Nigel Farage, oui. On ne sortira jamais de l’Europe et tant mieux, car c’est un continent ! Et la France est au coeur de l’Europe.
L’Europe qui marche est une Europe de projets concrets, à la carte. Comment on a fait Airbus ? Il y avait quatre pays qui se sont entendus sur un objectif, qui l’ont mis en oeuvre et qui aujourd’hui sont les concurrents de Boeing. Pourquoi ne peut-on pas faire la même chose dans une dizaine de domaines qui décideront du poids de l’Europe dans la mondialisation ? C’est ça l’enjeu. Faisons ensemble ce qu’on n’est pas capable de faire seuls.
Et pour le reste, laissons les pays vivre ! Si la France aime avoir une petite voiture jaune, qui s’appelle la Poste, qui circule sur les routes de Lozère comme elle veut, c’est un service public, qu’on nous laisse le faire !
En Syrie, on n’a pas les moyens d’intervenir
David Cameron, c’est un faux-cul !
Sur les Roms :
Faut-il renvoyer chez eux les Roms qui sont en France ?
Oui. Il faut répondre clairement à une question. Et il faut surtout traiter la cause, qui est la libre circulation qui transforme les êtres en marchandises. La libre-circulation, elle fonctionne quand vous êtes à un niveau de développement proche. Mais il y a un moment où à force de tout ouvrir, on utilise la main d’oeuvre qui sert de main d’oeuvre clandestine et on déstabilise totalement le niveau de société qu’on a chèrement conquis au cours des deux derniers siècles.
On ne peut pas accepter que des enfants soient battus pour aller mendier, ni le trafic de prostitution. Et toutes les belles âmes qui disent que je suis un dangereux personnage parce que je refuse ça, elles ne les prennent pas au jardin du Luxembourg ou à la place des Vosges. Un camp de Roms au jardin du Luxembourg, ça ne durerait pas deux jours ! Imaginez place Vendôme… Non, tous ces braves gens, ils sont dans les banlieues qu’on ne voit pas.
Et qu’est-ce-que je dis moi aux habitants de Vigneux-sur-Seine (91)[où se trouve un camp de 800 Roms] ? Les habitants de cette ville proviennent de 50 nationalités, ils ont fait l’effort d’intégration en France. Je leur dis que la France est lâche, qu’elle s’en fout ? Pourquoi eux ne peuvent pas faire venir leur grand-mère pour un regroupement familial ?
Voilà pourquoi il faut des frontières. Une frontière, ça n’est pas un mur. Il n’y a pas un pays au monde qui accepte un fonctionnement [comme celui] là. (…) On dit qu’il y a 15.000 Roms en France. En fait, on est plus près de 100.000 ou de 150.000 et ça grossit tous les jours…
Sur le Front National :
Qu’est-ce que vous préférez chez Marine le Pen ?
J’aime les gens qui assument leurs positions. Pour autant, je ne partage pas certaines des idées de Marine le Pen. Vous parliez tout à l’heure des couvertures du Point [sur « l’Islam sans gêne », ndlr]. Il y a eu notamment pendant la campagne présidentielle, un désaccord fondamental qui explique la différence entre elle et moi : Quand elle a dit « tous ces jeunes qui sont des Mérah en puissance », ça m’a ulcéré. Parce que ça n’est pas parce qu’il y a eu Mérah que les jeunes des banlieues qui sont de couleur différente ou de religion différente, sont des Mérah en puissance. Je n’ai pas accepté cet amalgame.
Et ce qui me différencie avec madame le Pen, c’est que je considère qu’on redressera la France en rassemblant tous les Français, quels qu’ils soient.
Jeudi 24 janvier, Nicolas Dupont-Aignan visitait un camp de Roms de sa circonscription, à Vigneux-sur-Seine (91).
Un reportage sonore de Erwann Morice et Tristan Goldbrönn de Radio Campus Paris :
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Sur son parti, Debout La République :
Dans Debout La République, la seule personne connue, c’est vous !
Ca veut dire quoi « connu » ? On a fait un contre-gouvernement à Debout La République, il y a dedans des gens extraordinaires: Des profs, des infirmières, des chercheurs, des chefs d’entreprises qui ont créé des centaines d’emplois, des syndicalistes, un cancérologue… Mais ces gens-là, c’est n’importe qui ? Ah, ils ne sont « pas connus »… Connus de qui ? Connus de quoi ? Connus pour faire la même chose depuis 30 ans ? Il y a un très beau texte du général De Gaulle à Londres qui dit, en 1942 à l’Albert Hall: « Il n’y a pas d’ambassadeurs chez nous, dans la France libre, il n’y a pas de préfets, il n’y a pas de grands hommes d’affaires, il n’y a pas d’évêques… » Il y a des sans-grades, mais ce sont toujours les sans-grades qui ont sauvé la France.
Sur le clash au Grand Journal, avec Denisot et Apathie :
La question sur le salaire de Denisot et Apathie au Grand Journal, c’était préparé ?
Pas du tout. Ca je peux vous le jurer sur ma vie. Mais vous savez pourquoi je l’ai fait ? Ce que vous ne savez pas, parce qu’on ne le voit pas, c’est qu’avant il y avait une séquence où je parlais du chômage. Et quand je parlais du chômage, Apathie et Denisot se regardaient en rigolant. C’est ça qui m’a fait bondir. Donc, non seulement, ils se payaient de ma gueule régulièrement, mais en plus ils se foutaient de moi, parce que j’osais parler des chômeurs. Moi j’ai eu 4 suicides dans ma ville de gars de 50 ans au chômage de longue durée. Ca m’a marqué. Et de voir Apathie et Denisot se foutre de ma gueule parce que j’osais parler du chômage de longue durée, je me suis dit que là je ne pouvais plus. C’est parti naturellement, trop c’était trop !
Sur son état-civil d’origine, « Nicolas Dupont » :
Nicolas Dupont-Aignan, vous êtes né « Nicolas Dupont ». Et vous avez choisi d’accoler le nom de famille de votre mère « Aignan » à celui de votre père. C’est à se demander si vous n’auriez pas fait exploser les compteurs, à l’élection présidentielle, si vous vous étiez appelé « Nicolas Dupont », tout simplement…
J’aurais fait plus ? Peut-être… Mais vous savez, ce n’est pas moi qui ai choisi: Quand je suis arrivé en classe de maternelle, il y avait un autre Nicolas Dupont. Et la maîtresse a dit « mais il n’y a qu’une place pour deux élèves ». Alors ma mère a supplié l’école de me garder, ils m’ont gardé. Et la maîtresse a dit « comment on va les différencier ? Comment vous vous-appelez madame ? On va mettre le nom de sa mère derrière son nom, comme ça on le différenciera, le pauvre gamin qui n’est pas inscrit ». Voilà comment je me suis appelé Dupont-Aignan. Et une fois que j’ai fait toutes mes premières années comme ça, je suis resté comme ça.
Vous auriez fait quel score en 2012 si vous étiez resté «Nicolas Dupont»?
Je n’en sais rien… Ca n’est pas à la hauteur du débat. Mais maintenant c’est fait… C’est le destin. Et puis j’étais en avance sur la loi [de 2005, ndlr], qui a permis de choisir le nom du père ou de la mère.
C’est en classe de maternelle que la maîtresse a ajouté le nom de sa mère à l’état civil de «Nicolas Dupont»
Sur le plateau du Grand Journal, Dupont-Aignan demande à Michel Denisot et Jean-Michel Apathie de donner le montant de leur salaire
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