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    12/11/2012

    Depuis son accident, il a traversé une vingtaine de pays

    Antoine Maniglier, globe-trotteur en fauteuil roulant

    Par Elodie Font

    L'Europe de l'est l'été dernier, les Etats-Unis un an avant : depuis qu'il est en fauteuil roulant, Antoine voyage (en stop) le plus souvent possible. « C'est pas parce que notre mobilité est réduite qu'on ne doit plus

    De longues et imposantes dread blondes : voilà ce qui saute aux yeux quand on regarde Antoine. Un look très roots, un peu décalé, toujours un sac de voyage sur le dos. Et puis, seulement ensuite, notre regard glisse vers son fauteuil roulant. Une « mobilité réduite » qui n’empêche pas Antoine, âgé de 23 ans, d’avoir traversé une vingtaine de pays ces trois dernières années. Des voyages en duo avec son pote Florent, toujours en stop, toujours avec un budget proche de zéro.

    Game over Des États-Unis au Népal en passant par la Pologne : à chaque fois, les deux backpackers partent avec deux projets en tête. D’abord, montrer que « deux jeunes branleurs sans argent, ça peut voyager. Y’a des gens qui me disent qu’on a du bol, qu’ils aimeraient être à notre place mais qu’ils ont pas les thunes. Eh mais nous non plus, l’argent, on l’a pas, on s’est juste sortis les doigts du cul pour avoir des subventions ! » Surtout, l’esprit de leurs voyages, c’est de montrer qu’on peut se bouger, « même avec une mobilité réduite. »

    « On a filmé notre voyage en stop à travers les États-Unis (voir ci-contre) l’été dernier, pour pouvoir le projeter ensuite dans les hôpitaux (et sur la toile, puisque leur film amateur a été visionné plus de 5.000 fois, ndlr). Le truc, c’est que quand t’es paraplégique, les médecins te font à peu près tous sentir que c’est un peu game over pour toi, allez trouve toi un boulot tranquille Emile et ça ira. Je sais qu’ils disent pas ça pour être désagréables, mais ça laisse pas trop d’espoir. Pour moi, c’est pas parce que notre mobilité est réduite qu’on ne doit plus rêver. »

    Même si ce n’est pas toujours évident : pour un problème de santé, Antoine a loupé une partie de son voyage aux États-Unis.

    Quand t’es paraplégique, les médecins te font à peu près tous sentir que c’est un peu game over pour toi


    Leur voyage aux Etats-Unis

    Messie Un message projeté dans une poignée d’hôpitaux depuis. À chaque fois, les spectateurs sont assez étonnés : « Ça va à l’encontre de ce qu’ils ont l’habitude d’entendre et de voir. Mais je sais pas si ça a des répercussions, j’ai pas d’exemple direct de quelqu’un qui s’est mis à faire du stop grâce à moi, je suis pas le messie non plus ! » D’autant qu’il le sait, tous les handicapés n’ont pas les mêmes capacités physiques que lui : très musclé des bras, il peut se hisser tout seul « dans une voiture, un camion, une charrette, ce que tu veux ! » Mais comment ? « C’est de l’escalade, en fait. »

    Par principe, Antoine ne veut surtout reculer devant rien : quand il arpente les routes en faisant du couchsurfing, il ne s’arrête pas, même si le mec chez qui il doit passer la nuit habite au huitième étage sans ascenseur. « Je monte sur les fesses. J’ai pas inventé la poudre, hein ! Ça m’énerve ce truc que tout devrait être adapté. J’ai pas le choix, je fais juste avec. »

    Chute de parapente Avant d’être un missionnaire du voyage en stop, Antoine était un surdoué de voltige en parapente. Au lycée, il va en cours le matin et sèche l’après-m’ pour aller s’entraîner. Une véritable obsession : « Je ne pensais qu’à ça, ma vie c’était de faire du haut niveau. Tous mes amis étaient comme moi, on parlait parapente, on mangeait parapente, on vivait parapente. » Pour l’anecdote, ses meilleurs potes squattent aujourd’hui les podiums mondiaux, l’un d’eux a même fini champion du monde l’an passé.

    Il y a 5 ans, à peine majeur, Antoine s’apprête à disputer sa première saison de coupe du monde. Et puis l’accident, un après-m’ d’entraînement. « C’est une manœuvre qui a foiré, je l’ai senti. » Il vole à basse altitude quand il tombe. « Je sais que j’ai frôlé la mort. » Il ressort de l’hôpital un an et demi après, paraplégique. « Je pouvais toujours faire du parapente, j’en fais toujours une quinzaine de fois par an d’ailleurs, mais le haut niveau, c’était mort pour moi. Et du coup, ça n’avait plus la même saveur, un peu comme si t’avais trop mangé de pizza et que t’en remangeais quand même un bout. » Antoine poursuit, nullement triste ou nostalgique de quoi que ce soit :

    « L’accident m’a servi en quelque sorte à décrocher du parapente. Je me suis dit, si t’étais mort là, t’aurais eu que des après-m’ de parapente à raconter. Avant, j’avais jamais voyagé ! Ça m’a donné envie de m’ouvrir à plein de choses, à plein de gens. D’un coup, j’avais de nouveaux rêves. Envie d’avoir plein d’anecdotes à raconter à mes petits-enfants. »

    Ça m’énerve ce truc que tout devrait être adapté. J’ai pas le choix, je fais juste avec.

    Avant d’être un missionnaire du voyage en stop, Antoine était un surdoué de voltige en parapente.

    Road trip et guitare Drogué au parapente, puis drogué aux voyages et à la musique. L’école et le boulot, c’est pas sa came, pour plagier Carla Bruni (ça arrive). En ce moment, quand il ne bourlingue pas dans un endroit ou un autre, il étudie le setâr, « l’ancêtre de l’instrument à cordes », tout en approfondissant la musique traditionnelle iranienne. « Je ne fais pas ça pour tel ou tel objectif. Moi, je veux juste essayer d’être heureux. »

    D’ailleurs, c’est grâce à la musique qu’il retrouve Florent, un pote un peu perdu de vue qui lui donne des cours de guitare il y a 3 ans. Le même pote avec qui il part depuis un peu partout. « Flo, c’est un super musicien. L’été dernier, en Pologne, on est allé dans un immense festival, et il s’est incrusté sur scène pour jouer du violon avec un groupe ! » Festival où Antoine a d’ailleurs rencontré sa copine actuelle. Pas trop dur pour draguer, le fauteuil ? Il se marre : « Non, au contraire, ça marche pas mal ! » Sa copine, originaire de Gdansk, finit ses études d’ingénieur dans quelques mois. Et normalement, ensuite, ils vont tailler la route ensemble. À nouveau, il sourit : « Je pense que ce sera complètement différent. Un peu plus compliqué, peut-être ! »

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