En ce moment

    29/05/2012

    « On ne peut pas demander à des gens qui prônent la liberté de penser pareil »

    Les hackers votent-ils pour le Parti Pirate ?

    Par Rozenn Le Carboulec

    Les hackers et le Parti Pirate défendent les mêmes idées, comme « la culture gratuite et accessible pour tous. » Mais, quand il s'agit de voter pour le parti censé les représenter, les hackers sont plus dubitatifs : « il manque de maturité ».

    On les imagine derrière leur ordi, à pirater les sites des plus grandes institutions mondiales pour en démontrer les failles. Vous avez déjà en tête l’unique image du masque des Anonymous, qui vous permet de cuisiner le mot « hacker » à toutes les sauces. Mais détrompez-vous. Non, un hacker n’est pas forcément un informaticien, ni même un « pirate ». Olivier André est développeur et administrateur de systèmes d’information à Bearstech. Il regrette les clichés :

    « Aujourd’hui, on est à la mode. Le geek, c’est chic. On est moins vus comme des boutonneux, plus comme des mafieux. Il y a plus de sex appeal, mais c’est toujours aussi faux… »

    Car contrairement aux idées reçues, un hacker, c’est avant tout un bidouilleur. Il n’existe pas de communauté hacker, mais une culture hacker ». (voir ci-contre) A l’image de leur boulot touche-à-tout, les qualifications des hackers sont multiples et leurs profils diversifiés.

    Manque de maturité Olivier, lui, se définit davantage comme un «pirate», « qui accède à la culture gratuitement alors que c’est illégal ». Une vision qui devrait, en apparence, le rapprocher du Parti Pirate. Fabrice Epelboin, créateur de plusieurs entreprises et médias, dont Owni, engagé pour les libertés numériques, le reconnaît :

    « Il n’y a pas une seule idée défendue par le Parti Pirate pour laquelle je n’ai pas personnellement lutté. »

    Même s’il pourrait opter pour ce dernier aux législatives, son choix n’est pas encore arrêté. Il reproche au mouvement son « manque de maturité ».

    Avec 101 candidats pour environ 500 adhérents, le Parti Pirate français est loin d’arriver à la cheville de ses homologues européens. Certes, Guillaume Lecoquierre, co-président du PP et informaticien, peut se féliciter : « les adhésions ont plus que doublé en quelques mois. » Mais aux élections européennes de 2009, le « Piratpartiet » suédois avait récolté 7,1 % des voix. Quant à l’Allemagne, la réputation des « Pirates » n’est plus à faire. Après avoir fait un score de 9 % aux élections législatives pour le Landestag de Berlin, le Piratenpartei cumule les victoires, comme en Sarre, où il est arrivé en quatrième position.

    div(border).

    C est quoi un hacker ?

    « La vraie définition, c’est une approche ludique qui consiste à détourner l’usage des objets », explique Fabrice Epelboin. Pour Kasey et Guyzmo, le cliché du hacker-pirate est dû à Hollywood. « Il y a eu plein de films techniquement cons qui ont marqué durablement l’inconscient », critique Guyzmo. Eux sont la parfaite illustration de la nouvelle génération de « bidouilleurs ». Ils bossent à la fois sur l’électronique, le web et le traitement des données. Kasey donne même des formations de sécurité informatique, un de ses « hobbies ».

    Pour l’instant, je ne vois pas l’articulation politique du Parti Pirate. C’est un melting-pot d’idées, pas un programme.

    Un programme limité D’ailleurs, Olivier, qui a vécu à Berlin pendant deux ans, a voté pour le Piratenpartei aux municipales de la capitale allemande. Mais il est aujourd’hui en plein questionnement pour les législatives françaises. Il aimerait que la gauche obtienne la majorité parlementaire, mais hésite encore à voter pirate. Le hic, c’est le programme. « Ils défendent la culture gratuite et accessible à tous, mais en tant que citoyen je suis ennuyé car leur programme ne se limite qu’à ça. » En parcourant le site Internet du parti, Fabrice Epelboin est encore plus critique :

    « Pour l’instant, je ne vois pas l’articulation politique du Parti Pirate. C’est un melting-pot d’idées, pas un programme. »

    C’est d’ailleurs ce qui amènera Félix à voter socialiste aux législatives, tout comme il l’a fait au second tour de la présidentielle. Car pour lui, « un député doit cerner toutes les problématiques de la nation, pas uniquement les nouvelles technologies ». Ce « pentesteur », ou « pirate informatique légal », co-fondateur du site Intelligence Stratégique, préfère vanter les actions de lobbying de la Quadrature du net, plutôt que celles d’un parti qui, selon lui, « ne peut pas être pirate ». « L’histoire de la piraterie, c’est des groupes anarchistes autonomes dissociés des États. Là ils cautionnent le système pour se présenter. »

    Pas une force électorale Bien qu’il soit plutôt d’accord avec le Parti Pirate, Guyzmo, ingénieur pour une entreprise spécialiste de « l’open hardware » ou matériel ouvert (se rapproche du matériel libre), ne se sent « pas plus concerné que ça. » Mais qu’il s’agisse de ce parti là ou d’un autre, c’est pareil : il ne se sent pas représenté. Il trouve dans chacun des idées qui lui correspondent, mais aucun n’en a le monopole. Kasey (qui exerce le même métier), Olivier et lui font d’ailleurs tous les trois le même (triste) constat : le seul parti en accord avec la Quadrature du net, c’est le Front national. Dans une vidéo, Marine Le Pen avait par exemple déclaré : « je garantirai les libertés sur Internet au niveau constitutionnel et j’abrogerai les lois Interneticides (sic), à commencer par Hadopi et toutes les dérives de Loppsi 2… » Guyzmo commente : «Ça fait mal de le dire, mais c’est le cas.»

    Son choix pour les 10 et 17 juin prochain ? On ne le saura pas. Il l’ignore encore lui-même. Seule certitude : il votera. Peut-être pour le Parti Pirate. Peut-être pas. De toute façon, pour Fabrice Epelboin, « les hackers ne représentent pas une force électorale. » Bien qu’ils défendent les mêmes valeurs, les hackers et le Parti Pirate ne naviguent pas forcément sur le même bateau. « On ne peut pas demander à des gens qui prônent la liberté de penser pareil ! » insiste Olivier. Ce n’est donc visiblement pas sur leurs voix que le Parti Pirate devra compter, s’il veut espérer percer.

    bqhidden. Le seul parti en accord avec la Quadrature du net, c’est le Front national.

    Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.

    Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.

    Je fais un don à partir de 1€
    Sans vos dons, nous mourrons.

    Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.

    Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.

    Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.

    Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.

    Je donne

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER