StreetPress est allé interviewer Djillali Ouanfouf, secrétaire général du SDCTP (Syndicat de défense des conducteurs de taxis parisiens)
Pourquoi êtes-vous en colère ?
Nous sommes en colère parce que cela fait 5 ou 6 ans qu’on tape sur les taxis parisiens. Dernièrement on a durci un peu le permis à points. L’amendement du député UMP Yanick Paternotte plus les conditions de travail à Roissy, à savoir l’ouverture de la base arrière qui nous a éloigné des stations de taxis, a fait un appel d’air à la concurrence déloyale. Et la liste est encore longue.
Qu’est-ce qui vous gêne dans ce nouvel amendement ?
Cet amendement veut ouvrir la charge à tous les taxis de banlieue à Roissy et à Orly, alors que nous ne sommes pas soumis à la même réglementation. Par exemple, les taxis parisiens ont un horodateur derrière, pas les taxis de banlieue. Nous avons le droit de travailler 11 heures par jour tandis que les taxis de banlieue peuvent travailler 24 heures sur 24. On ne boxe pas dans la même catégorie.
Comment a évolué le business ces dernières années?
On est en temps de crise, nous avons beaucoup moins de clients qu’il y a 20 ans où nous faisions 20 à 25 courses par jour. Aujourd’hui on tourne à 10 ou 15.
Djillali Ouanfouf
Secrétaire général du SDCTP
“Nous avons le droit de travailler 11 heures par jour tandis que les taxis de banlieue peuvent travailler 24 heures sur 24”
“Il y a 20 ans où nous faisions 20 à 25 courses par jour. Aujourd’hui on tourne à 10 ou 15”
Quel est le problème à Roissy aujourd’hui concrètement ?
Les chauffeurs sont sur les nerfs par rapport à cette base arrière qu’on a baptisé Guantánamo. Avant, chaque terminal avait sa propre station de taxi. Maintenant à Roissy, c’est le client qui attend le taxi en tête de station, ce n’est plus le taxi qui attend le client. Il y a un climat de nervosité.
Vous avez parlé de concurrence déloyale aussi…
L’ouverture de la base arrière de Roissy, qui nous a éloigné des stations de taxi, a fait un appel d’air à la concurrence déloyale de la part des clandestins, des shuttles, des taxis de banlieue et des motos de transport de personnes qui viennent racoler là-bas toute la journée. C’est un phénomène qui est en train de prendre une ampleur incroyable. C’est une catastrophe pour nous!
Et y a-t-il une évolution avec le permis à points professionnel ?
Nicolas Sarkozy nous l’a promis. Pour l’instant il n’a rien fait du tout. Douze points pour un chauffeur de taxi, c’est insuffisant en sachant qu’il fait 10 à 15 courses par jour et qu’il est censé conduire entre 250 et 300 kilomètres par jour dans Paris.
“Les chauffeurs sont sur les nerfs par rapport à cette base arrière qu’on a baptisé Guantánamo”
Comment ça se passe aujourd’hui pour un jeune conducteur de taxi ?
Au bout de deux ans, ils sont fatigués moralement, physiquement. Ils ne gagnent pas leur vie et ils n’ont plus la possibilité d’acheter une licence, de travailler à leur compte, parce que les conditions de la location sont draconiennes.
C’est vraiment si dur de s’en sortir pour un chauffeur de taxi locataire sur Paris ?
La location d’un taxi équipé à Paris coûte à peu près 140€ par jour, plus le gazole. Actuellement, un chauffeur de taxi locataire paie ses charges sur la base de 70% du plafond de la sécurité sociale, à savoir 2200€ brut par mois. Mais en ce moment, il gagne 900 à 1000€ mensuels à cause de la crise. C’est une aberration !
Pensez-vous que le gouvernement vous écoute ?
Je vais être honnête. Je pense que le fait qu’il y ait de plus en plus de chauffeurs de taxis parisiens d’origine étrangère n’intéresse pas les politiques. C’est un avis personnel. L’origine ethnique des chauffeurs de taxis parisiens n’est pas étrangère dans la non implication de nos politiques dans ce conflit. Nous considérons ça comme du racisme.
Qu’allez-vous faire dans le futur pour vous faire entendre ?
On nous a promis que cet amendement ne passera pas. On va planifier un calendrier de suivi de nos propositions et de leurs applications. Si rien n’est appliqué, le SDCTP sera prêt à se mobiliser dans la semaine qui suit et descendra dans la rue. Notre politique syndicale c’est de faire des opérations escargot pour nous faire entendre. C’est pour l’instant notre seul moyen d’être écouté.
“il gagne 900 à 1000€ mensuels à cause de la crise”
“L’origine ethnique des chauffeurs de taxis parisiens n’est pas étrangère dans la non implication de nos politiques dans ce conflit.”
Source : François Bonnard / StreetPress
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