« Je suis fatiguée par cette histoire de barrage. Ça fait 40 ans qu’on nous la fait. On ne va pas bondir et aller tracter pour le Front populaire parce que la gauche institutionnelle nous le demande », clame Fatima Ouassak, keffieh autour du cou. « On attend de voir et on fait pression ! » La moitié des curieux qui ont fait le déplacement jeudi 13 juin 2024 sont restés dans la queue à rallonge sans pouvoir assister à la prise de parole de la militante. Elle est ce soir, accompagnée de Priscilla Zamord, vice-présidente de Rennes Métropole, et de Sonia Barnat Bacha, toutes deux membres de son association Front de mères, un syndicat de parents des quartiers populaires. Le Point Éphémère, lieu culturel du 10ème arrondissement de Paris (75), a fait salle comble. Sur Instagram, l’essayiste avait appelé, un brin provoc’, à faire « sécession ».
Faire pression
« Pourquoi se précipiter ? On nous dit qu’on n’a pas le temps. Mais on a le temps jusqu’au 30 juin ! Le programme, on veut le voir et on a des exigences. Lutter contre l’extrême droite, ça veut dire un projet anti-raciste », explique l’oratrice, toujours prête à dégainer une punchline bien sentie. Pour cette proche du Mouvement de l’immigration et des banlieues (MIB), la mobilisation pour le Front populaire doit donc être conditionnée à un programme qui place l’antiracisme, la lutte contre l’islamophobie et la cause palestinienne dans ses priorités. Dans le même temps, les principaux partis de gauche, de La France insoumise (LFI) au Parti socialiste (PS), en passant par le Nouveau parti anticapitaliste (NPA), discutaient d’un accord pour présenter des candidats du Front populaire aux législatives anticipées du 30 juin prochain. Ils se sont mis d’accord ce 14 juin 2024 sur « 20 mesures de rupture ». La reconnaissance de l’État de Palestine et de nombreuses mesures sociales en font partie.
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Au Point Éph’, le public jeune et bigarré applaudit ardemment chacune des saillies de l’autrice de Pour une écologie pirate (La découverte, 2023). Au moment des questions, une jeune femme interroge : « Comment faire pression ? » La fondatrice de la maison d’écologie populaire Verdragon à Bagnolet (93) appelle à une « discipline militante » : observer le programme et les candidats à la loupe, les interpeller à la moindre faille, avant de finalement mettre un bulletin de gauche dans l’urne. Le nom du député insoumis Adrien Quaternes, condamné pour violences conjugales, est lancé. Autre conseil : faire nombre, « comme ce soir ». Lors de la manifestation contre l’extrême-droite prévue ce samedi 15 juin 2024, Fatima Ouassak invite ses auditeurs à rejoindre le cortège Urgence Palestine. Elle les encourage aussi à se mobiliser en masse le 22 juillet prochain pour la marche annuelle en mémoire d’Adama Traoré à Beaumont-sur-Oise (95).
Fatima Ouassak, accompagnée de Priscilla Zamord et de Sonia Barnat Bacha, toutes membres de l'association Front de mères. / Crédits : Lina Rhrissi
« Une fois de plus, ce sont les mêmes personnes qui vont nous représenter »
« Où sont les candidats racisés du Front populaire qui nous représentent vraiment ? » lance au micro Ritchy, 20 ans, dont le père est manouche et la mère gitane. Pour l’étudiant en histoire à Paris-Cité, « les gens qui sont investis dans une campagne contre le fascisme ne sont pas du tout les plus concernés. » Après la conférence, Douce Dibondo, autrice de La Charge raciale (Fayard, 2024) nous explique être venue « parce que c’est important de s’organiser physiquement et pas que sur les réseaux sociaux. » Selon la franco-congolaise de 29 ans, le Front populaire a tout d’une « Nupes 2.0. » :
« Une fois de plus, ce sont les mêmes personnes qui vont nous représenter, sans porter en elles-mêmes la lutte anti-raciste. Il faudrait une diversification des profils de la gauche institutionnelle. »
Même son de cloche chez Dougy, 27 ans, qui vient d’Aubervilliers (93). Pour la musicienne qui a milité au sein de la Ligue panafricaine :
« Il y a un angle mort dans la gauche qui est la question coloniale. Je pense que je vais aller voter, mais je suis à deux doigts de faire sécession. »
De passage dans la capitale, Alice, 29 ans, qui tient une radio militante à Marseille (13) n’est pas du même avis. « On a besoin d’une union depuis des centaines d’années ! », s’enthousiame la jeune femme. Elle ajoute :
« La droite est quand même assez bien organisée avec seulement trois partis. À gauche, il y en a 18. Je suis très contente qu’enfin, chacun ravale sa fierté et se dise ce qu’il faut faire front. »
Les deux copines, Inès, 28 ans, et Laure, 27 ans, sont posées au bord du canal Saint-Martin. Elles ont tenu à être là pour entendre ce que Fatima Ouassak avait à dire. « Je trouve ça hyper important d’écouter les personnes directement concernées. Ce qui ne va pas à gauche c’est qu’ils ne parlent qu’aux bobos. Ils ne s’intéressent pas vraiment aux problématiques sociales », regrette Inès, qui travaille dans les énergies renouvelables. Son amie Laure conclut :
« Là, l’urgence est telle qu’il vaut mieux batailler avec Jean-Luc Mélenchon qu’avec le RN. »
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