J’ai commencé à supporter le Lille Olympique Sporting Club (Losc) à l’époque du Stadium Nord dans les années 2000. C’était une ambiance très familiale. Beaucoup de pères ou mères de famille venaient avec leurs enfants. Ça a pris un tournant en 2011, quand on a gagné le titre de la Ligue 1. Le club a été très médiatisé et un groupe de supporters hooligans s’est créé : la Losc Army, qui se revendique d’extrême droite. Le groupe collabore notamment avec Aurélien Verhassel, le gérant du bar identitaire « La Citadelle ». Une ambiance beaucoup plus violente et raciste s’y est développée.
Le dimanche 21 janvier 2024, le Losc s’est déplacé à Chambly (60) en match de Coupe de France contre le Racing. Le match commence déjà avec une ambiance tendue, puisque la préfète de l’Oise et les instances de sécurité ont décidé d’annuler des billets de supporters, dont le mien, suite à des consignes de sécurité.
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À la fin de ce match, nous avons reçu plusieurs messages privés sur Twitter de supporters qui ont documenté des propos racistes. Ils visaient le gardien du Racing Club de France : Ruben Adélaïde, mais aussi un ramasseur de balles. Et, surtout, à la mi-temps, il y a eu une animation proposée par la Coupe de France. De jeunes joueurs venaient jouer sur le terrain et un gardien de 10-12 ans a reçu les mêmes propos qu’a subi Ruben Adélaïde. Par exemple, nous avons reçu ce message :
« Salut ! J’étais contre-parcage. J’ai entendu des “sales noirs” au gardien du Racing Club de France, “sale nègre” et “sale noir” au petit gardien de la mi-temps. “La France aux Français”, “nique Mélenchon”, “sale bourgeois” au numéro trois du Racing Club de France. Et j’ai aussi entendu : “Mort aux noirs”. »
Prendre les choses en main
Quand nous avons reçu ce genre de témoignages, nous étions extrêmement choqués. On a tout de suite voulu réagir, puisqu’on n’a pas envie d’être identifiés à ces personnes-là. Pour nous, ce ne sont pas des supporters du Losc, ça ne correspond pas aux valeurs du foot et encore à celles de notre club.
En voyant ça sur Twitter, nous avons lancé une tribune. On l’a intitulée : « Pour que nos tribunes changent. » On l’a lancée pour que le club remarque que nous ne sommes pas juste quatre personnes à en avoir marre d’entendre ce genre de propos. La publication de cette tribune a entraîné une forte médiatisation. Le club a ensuite réagi avec un communiqué de presse, en lançant un appel à témoin et en portant plainte contre X.
Malheureusement, en règle générale, ce genre de propos ne sont pas pris au sérieux. Au niveau du club : c’est la première fois à ma connaissance que le club réagit à des propos comme ça. Au niveau de la ligue, c’est encore plus compliqué. Ils réagissent seulement quand il y a une grosse médiatisation.
On peut parler du cas de Mike Maignan qui a dû faire un coup de sang pour que la ligue italienne réagisse à ses propos. Au niveau de la fédération, nous n’avons toujours pas de nouvelles malgré nos prises de contact. Ils ne peuvent pas réagir, selon eux, puisque l’arbitre et les deux clubs n’ont pas inscrit d’incident dans leur bilan de la rencontre. Donc pour la fédération, l’affaire est close.
Éradiquer ce racisme
Pour moi, les solutions à tout ça, elles sont claires, nettes et précises. Aujourd’hui, dans les stades, il y a de gros dispositifs de sécurité et notamment d’identification. Nous voulons une identification claire de ces supporters, une interdiction à vie de tous les stades de France ou même d’Europe. Nous voulons aussi que la Losc Army soit dissoute, ce groupe est beaucoup trop présent dans nos tribunes. Pour l’instant, mis à part quelques articles de presse ou les dénoncer, personne ne réagit vraiment, alors que c’est un groupe qui est pénalement condamnable.
J’ai fait le choix, personnellement, de témoigner anonymement parce que nous recevons tous les jours, sur X (ex-Twitter) ou ailleurs, des menaces de mort ou des insultes. Pour ma protection et celle de ma famille, sachant qu’on va beaucoup au stade Pierre-Mauroy, je décide de témoigner anonymement afin de me protéger.
Face au péril, nous nous sommes levés. Entre le soir de la dissolution et le second tour des législatives, StreetPress a publié plus de 60 enquêtes. Nos révélations ont été reprises par la quasi-totalité des médias français et notre travail cité dans plusieurs grands journaux étrangers. Nous avons aussi été à l’initiative des deux grands rassemblements contre l’extrême droite, réunissant plus de 90.000 personnes sur la place de la République.
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